Vendredi 19 mai 2017, La croisette…
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e mistral s’est invité sur la Croisette : les vagues viennent, plus violentes qu’à l’accoutumée, se fracasser sur une plage où quelques téméraires ont sorti les maillots.
Ambiance de fin de journée, dans une station balnéaire comme une autre ? C’est exactement l’inverse. Où qu’on regarde, Cannes exhibe son exception. Il flotte dans l’air une ambiance de prestige, cette fébrilité des grands mariages où chacun, conscient de l’événement, a marqué le coup. La croisette est une bande piétonne invitant au regard : côté rue, ce sont les façades des palaces, immenses, et transformées pour l’occasion en support publicitaire, noyées sous des bannières démesurées au point qu’on peine à trouver leur nom. Dans la plus pure tradition hollywoodienne, des écrans géants passent en boucle la bande annonce du prochain Transformers, arrosant régulièrement la rue d’explosions pyrotechniques.
Détourner le regard côté mer ne vous apaisera pas pour autant : barnums et tentes blanches se succèdent, barrées à intervalles réguliers par des pontons gardés par deux molosses en costard. En contrebas, on pressent la fébrilité d’un monde fermé : basses surpuissantes, tintement des verres, podiums à ciel ouvert où de sublimes créatures font danser le vent marin dans leurs étoles écarlates.
La foule des passants est composite : jeunes femmes au look de top model, badauds en short, photographes suréquipés, vigiles. Çà et là, quelques vieilles dames portant leurs caniches, témoins de la ville qui existe le reste de l’année.
À Cannes, toutes les voitures sont noires, et leurs vitres fumées : pour ces façades aussi, la promesse d’un mystère inaccessible est constante. Les stars sont là, quelque part, sur une banquette ou dans une chambre d’hôtel, dans une soirée ou sur un tapis rouge.
Il ne reste qu’à s’engouffrer à son tour dans la pénombre d’une salle obscure pour les rejoindre.
A Ciambra, de JONAS CARPIGNANO
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]io a 14 ans et veut grandir vite. Comme son grand frère Cosimo, il boit, fume et apprend l’art des petites arnaques de la rue. Et le jour où Cosimo n’est plus en mesure de veiller sur la famille, Pio va devoir prendre sa place. Mais ce rôle trop lourd pour lui va vite le dépasser et le mettre face à un choix déchirant.
Immersion dans la communauté Rom de Calabre, A Ciambra tisse bien des liens avec son père spirituel Emir Kusturica : une vigueur folle, une empathie irrésistible pour cette famille qui, toute criminelle qu’elle soit, sait communiquer son sentiment d’urgence face à la nécessité. Récit initiatique souffrant peut-être de quelques redondances, le film s’attache surtout à restituer des portraits : celui d’un enfant qui voudrait se croire un homme, d’une société en marge, et du rapport qu’elle entretient elle-même avec un groupe encore plus déclassé, celui des « Africains ». Carpignano évoque ainsi la modification de l’espace par la présence des migrants, et renverse la question habituelle des conflits de caste : entre pauvres aussi, on peut cultiver l’intolérance. Une nouvelle fable vigoureuse pour détourner amèrement la célèbre maxime de La Fontaine : on a toujours besoin d’un plus petit que soi.
Le film a été salué par une standing ovation. La présence de l’équipe était d’autant plus émouvante que toute la (nombreuse) famille Amato, jouant quasiment son propre rôle dans le film, occupait une rangée entière du Théâtre Croisette.
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Avec un préambule si finement écrit, j’ai presque l’impression d’y être. Puis, un mec qui cite La Fontaine est forcément quelqu’un de bien.
Inutile de préciser que j’attends la suite de tes critiques cannoises avec impatience. 😉