[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e loup est entré dans la bergerie. Et c’est la mère qui ouvre grand la porte à celle qui va détruire la famille. C’est ainsi que pourrait se résumer Chanson douce, second roman de Leila Slimani, lauréate du Prix Goncourt 2016.
Son précédent texte, Dans le jardin de l’ogre, brossait dans un style cru et sans fioritures le portrait funèbre d’une jeune femme souffrant d’une addiction au sexe. Il avait aiguisé la curiosité par une certaine maîtrise du rythme.
Leila Slimani, avec Chanson douce, fait entrer le lecteur dans l’intimité inquiétante d’une famille précipitée dans l’horreur du double infanticide.
L’histoire s’ouvre par la scène finale, afin de capter le lecteur et distiller une ambiance hitchcockienne. Rusé, même si les recettes les plus simples ne sont pas toujours les plus faciles à réussir. En effet, cette tension se délite très vite pour laisser placer à un récit qui se déroule, gentiment, sans fracture, ni relief. L’écriture, directe et froide, a été qualifiée de « cinématographique » par Bernard Pivot à l’annonce du Prix Goncourt 2016. Un texte dont s’emparera très vite un réalisateur français ou étranger, à n’en pas douter. Bien sûr, on devine l’invitation explicite à s’interroger sur le personnage de la nounou…sans pour autant le trouver « fascinant et mystérieux » ainsi que suggéré en quatrième de couverture.
Comme à chaque fois que j’ouvre un livre, j’aurais aimé être confrontée à un univers inconnu, déchiffrer une langue aux entrelacs complexes, me frayer un chemin à travers d’étourdissantes ténèbres pour enfin découvrir, après une marche délicieuse parce qu’opiniâtre, un paysage à couper le souffle, inédit, peuplé de monstres lumineux, une vision qui m’aurait mise à genoux et qui, de fait, m’aurait accompagnée longtemps.
Au lieu de cela, j’ai regretté que ce roman ne parvienne pas à atteindre l’intensité dramatique promise ou, tout du moins, celle que j’attendais avidement. La douceur indéniable qui se dégage de l’évocation de ce personnage censé incarner la protection aurait pu constituer le parfait démultiplicateur de l’horreur, en la sublimant.
J’ai donc ressenti un doux ennui dans mon obstination à avancer dans un récit sans surprise, dont je n’ai saisi ni la construction, ni le mobile. Un ennui qui m’ennuie, doublement, en ce que l’auteur, dont on devine un talent narratif indéniable, défend publiquement et malicieusement des positions auxquelles je suis sensible et qui avait réussi à m’étonner avec son premier roman.
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