C’est un couple de battants, d’amoureux de la terre, des tomates aux formes imparfaites. Denise et Daniel Vuillon ont importé en France le concept des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne). Une BD raconte leur histoire.
Avec Circuit court (Futuropolis), Tristan Thil (au récit) et Claire Malary (au dessin) ont fait des merveilles. Ils ont mis en scène le parcours d’une vie semée d’embûches et de petites victoires qui font aujourd’hui la fierté des Vuillon.
Parce que, même si le couple est intarissable quand on le questionne sur les principes de l’économie solidaire, la lutte contre l’urbanisation forcenée et les méfaits d’une consommation standardisée, il importait de tout remettre dans l’ordre et de nous faire un peu rêver. Pari réussi. Les pages en bichromie d’un vert doux et touchant, ont quelque chose de poétique. Les esquisses et des recettes de cuisine qui ponctuent chaque saison, donnent également au livre une belle saveur.
Tout commence à New York, à l’aube de l’an 2000. Daniel et Denise Vuillon sont à la tête d’une propriété maraîchère située à Ollioules dans le Var : « Les Olivades ». Cela fait quelque temps déjà qu’ils ont plongé dans la biodiversité et la production de nombreuses variétés. Cette vie intense, qui les mobilise très tôt le matin et les épuise jusque très tard le soir, est aussi riche d’expérimentations. C’est ainsi que Daniel va jusqu’à cultiver 180 variétés de courges différentes !
Quelque temps auparavant, la mairie a modifié le plan d’occupation des sols et veut que la ZAC toute proche se développe, menaçant d’expropriation les Vuillon. « Plutôt que de préserver une ferme nourricière à proximité, avec une traçabilité des productions et une qualité gustative et nutritive assurée, on préférait nous mettre dehors, faire vivre la grande distribution et menacer la santé de milliers de personnes », témoigne Daniel Vuillon, rencontré à Nantes mi-novembre.
Invité, avec Denise, au Climat Libé Tour organisé avec le Département de Loire-Atlantique, il ne mâche pas ses mots : « La mauvaise alimentation, c‘est 50 milliards d’euros de dépenses chaque année », affirme-t-il. Et Denise d’ajouter : « Pour lutter contre ce fléau, il vaut mieux maintenir l’agriculture paysanne, sauver des petites fermes, sortir du productivisme ». On a beau être à l’heure de la pause-café, ces deux-là sont à l’unisson, toujours aussi militants et convaincus que bien se nourrir, avec plaisir et sans impact sur l’environnement, demeure possible.
Alors, pour en revenir au début des années 2000, les voici hébergés chez leur fille, dans le quartier de Harlem. Cette époque est marquée par une crise et par une découverte. En effet, l’agriculture intensive et l’industrialisation de l’alimentation sont pointées du doigt par les consommateurs, qui voient dans les scandales de la vache folle, de la listéria dans les fromages et du poulet à la dioxine, le symbole de la mal bouffe et d’une ligne rouge dépassée.
De leur côté, les Vuillon font connaissance avec un modèle hérité des Teikei du Japon : les Community Support Agriculture. Le principe est à la fois simple et révolutionnaire : les consommateurs paient à l’avance une part de récolte qu’ils viennent chercher chaque semaine à la ferme. De retour aux Olivades, c’est ce principe d’abonnement pour des paniers de légumes que les Vuillon vont développer, jusqu’à nourrir 250 familles ! Depuis, ce nouveau système de relation directe a essaimé et compte des milliers d’adeptes dans l’Hexagone.
Aujourd’hui à la retraite, le couple a cédé l’exploitation agricole à leur fille et à leur petit-fils. Ce sont ainsi les 8e et 9e générations qui travaillent et labourent ces terres, encerclées par le béton de la ZAC.
Cela valait bien une bande-dessinée, dont l’initiative appartient à Tristan Thil. « Notre première rencontre, c’était il y a trois ans », indique Daniel Vuillon. « On a beaucoup échangé, on a donné des photos », complète Denise. Le résultat invite à la lecture et au plaisir de partager une soupe au potimarron et au pistou ou un plat de tomates à la provençale, selon le rythme des saisons bien sûr.