Cornebique le bouc, musicien et chanteur émérite, est amoureux. Mais sa belle, de son côté, aime son meilleur ami, Bique-en-Borne.
Cornebique, trop malheureux, décide après le mariage, de quitter son village et de tailler la route.
C’est le début de la ballade de Cornebique.
Une très longue ballade qui va emmener ce gentil bouc dans des aventures échevelées.
Sans trop dévoiler l’intrigue, on peut dire qu’il va avoir charge d’âme en la personne d’un petit loir (chassée par les fouines) que lui remet par hasard une cigogne croisée sur le chemin.
Ce petit loir, Pié, va devenir le grand ami de Cornebique et tous deux, inséparables, iront de pays en pays, sans jamais se poser. Il faut dire que Pié même s’il ne le sait pas est un animal très convoité. Les fouines, trop gourmandes, ont dévoré et fait disparaître quasiment toute l’espèce. Toute ? Non, il reste un mâle, le petit Pié mais aussi une petite femelle qu’elles gardent jalousement. Il faudrait les réunir pour relancer la machine.
Les fouines d’un côté, Cornebique de l’autre. Une chasse entre les deux.
Jean-Claude Mourlevat emmène complètement son lecteur au travers de ces presque deux cents pages.
Entre suspens et moments émouvants, franches rigolades et trouvailles langagières hilarantes (le concours d’insultes est un grand moment), c’est un livre qui marche terriblement bien pour les les enfants entre 7 et 12 ans mais aussi pour les adultes.
Il faut dire que Mourlevat ne lésine sur les rebondissements. On ne s’ennuie jamais avec Cornebique. Chaque chapitre apporte son lot d’aventure, son lot d’angoisse, de tendresse mais aussi de tristesse.
C’est là l’une des grandes qualités de l’auteur. Oser la tristesse dans un roman de littérature de jeunesse. On est à mille lieux du béni oui oui (le concours d’insultes suffit déjà en lui-même pour savoir qu’on n’est pas dans un roman si classique et enfantin) et Mourlevat n’hésite jamais à parler des soucis de Cornebique. Ses soucis amoureux d’abord puis ses soucis de « père de famille » avec le petit Pié. Comment éduquer un enfant lorsqu’on est encore soi-même si gamin? Comment faire pour que Pié n’apprenne jamais la vérité à propos de sa condition? Comment éviter les fouines ? Que faire pendant les longs mois où Pié hiberne et pendant lesquels Cornebique se retrouve seul, quasi abandonné et donc complètement déprimé.
La langue de Mourlevat est un délice également. Nouvelle et moderne souvent, n’hésitant pas à utiliser des mots qu’on ne trouve que rarement dans la littérature de jeunesse, des gros mots et des expressions inventées qui claquent et rythment le récit.
Il y a tout ça dans La ballade de Cornebique.
On s’attache aux personnages: les deux déjà largement cités mais aussi le docteur Lem, formidable compagnon de route et faux docteur qui compose comme il peut avec sa « ramenez-y », ses trous de mémoire (source de beaucoup d’ennuis mais aussi de beaucoup de sourires pendant la lecture).
On y rit beaucoup mais on y pleure aussi. On y réfléchit. On a peur. On sourit.
Un livre extraordinaire pour les petits et pour les plus grands, aussi !
La ballade de Cornebique, Jean-Claude Mourlevat, Éditions Gallimard jeunesse