L’auteur protéiforme Hubert Haddad, capable de passer d’un roman engagé avec Palestine, à une atmosphère américaine Théorie de la vilaine fille, ou encore d’une inspiration japonaise Le peintre à l’éventail, revient pour cette rentrée littéraire avec deux romans. Il a d’abord publié fin août Corps désirable et début septembre Ma que l’on pourrait rapprocher du Peintre à l’éventail. Arrêtons-nous surtout sur le premier cité, un livre qui n’arrête pas de nous surprendre et de nous faire réfléchir sur notre humaine condition.
L’histoire nous emmène sur les pas d’un jeune garçon Cédric Allyn-Weberson, un journaliste engagé et confiant dans ses convictions, son combat résulte dans le fait de dénoncer les malversations de l’industrie pharmaceutique. Nous allons découvrir qu’il écrit sous un pseudonyme afin d’éviter toutes représailles d’une part, et d’autre part pour une raison plus personnelle, celle de vouloir couper les ponts avec un père à la tête d’une entreprise de médicaments douteuse. Il vit le parfait amour avec Lorna, une passion dévorante et charnelle. Cependant à cause d’un accident, Cédric se trouve prisonnier de son corps…
C’est alors qu’une machine impensable va de mettre en place, une entreprise médicale complètement folle, une opération qui dépasse l’entendement, on va tenter de réaliser pour soigner notre jeune garçon, une greffe de sa tête sur un cadavre au corps sain…
C’est un livre classique au début, une histoire d’amour fusionnelle entre un homme envers une femme, puis nous basculons dans un roman résolument moderne où la fascination et le fantastique, des éléments étonnants mais face auxquels nous ne sommes pas surpris, nous donnent à lire un livre un roman passionnant, pertinent et addictif. Avec un peu de recul on peut se faire le constat que c’est un fait divers qui pourrait très bien se passer, nous savons que dans chaque coin du monde il y a des médecins capables des réaliser des opérations médicales à l’encontre de la déontologie et de l’éthique.
Hubert Haddad pousse la réflexion jusqu’au bout, il tient là avec ce roman l’occasion de nous faire réfléchir sur les progrès de la médecine, jusqu’où on peut aller pour sauver une vie ? On va vite découvrir que les limites sont très vite franchies. Cela donne des passages très beaux et d’une justesse incroyable, suite à son opération où l’auteur ne nous inonde pas de termes médicaux à la manière d’un épisode d’Urgence laissant un récit alerte caractérisé par une succession de chapitres courts et rapides, Cédric découvre son nouveau corps mais il semble perdu, il se cherche lui même à partir des sensations éprouvés par le passé qui l’ont formés mais qu’il ne retrouve plus avec cette nouvelle peau que l’on lui a affublée, son ancien corps avait une partie de sa mémoire, il part en quête identitaire, éprouvera t’il le même désir pour l’être aimé, est-ce qu’elle l’acceptera à son tour, est-il toujours le même homme ? Bien sûr on pense à Frankenstein, à Aldous Huxley et Le meilleur des mondes et tant d’autres romans d’anticipation. On passe de la fable philosophique à une tragédie moderne et au roman noir puisque l’on va découvrir la face sombre, l’envers peu fréquentable, les dessous nauséabonds de cette opération.
Corps désirable de Hubert Haddad paru aux Editions Zulma, Août 2015.