David Bowie nous a brutalement quitté avant-hier seulement 2 jours après avoir dévoilé son dernier album, le fameux Blackstar ★, dont Jism nous parlera d’ailleurs dans quelques jours. Cette nouvelle a évidemment bouleversé toute l’équipe d’Addict-Culture. Certains d’entre nous ont ressenti le besoin, l’envie de vous parler de qui était « leur » Bowie. Pour ma part, je retiendrai avant tout l’incroyable liberté et l’audace de l’artiste. Qu’il est rare aujourd’hui de voir autant d’inventivité et de talent déployés ! Que chacun en soit inspiré, ne serait-ce que pour retenir cet élan de liberté !
Lilie Del Sol, Rédactrice en chef d’Addict-Culture
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★ Davcom ★
« Beau, oui, comme Bowie », chantait il y a déjà fort longtemps la non-moins belle Isabelle. Certes, son enveloppe physique avait quelque peu changé, ultime tribut à un début de vieillesse qui aura été de courte durée. Les ennuis de santé depuis plus de 10 ans, aussi. J’ai toujours pensé que mes parents m’avaient prénommé David en son hommage. Quelle ne fut pas ma déception lorsque j’appris que la seule personne en cause était Sylvie Vartan. David le génie. Toujours en avance sur son temps. David le mystérieux. Non mais sans blague, qui le connaissait vraiment ? David le caméléon aux multiples noms : Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Thin White Duke, Halloween Jack. David le touche à tout.
De 1972 à 1980 il aura sorti quantité de chefs-d’oeuvre dont on ne mesure sans doute pas encore pleinement la portée. David, la Star planétaire. Grâce à Nile Rodgers en quelque sorte. Un riff de guitare tout simple aura fait la nique à des types au CV long comme l’appendice de Rocco Siffredi, comme Mick Ronson, Robert Fripp, Adrian Belew ou encore Carlos Alomar. Bien sûr, comme beaucoup de ses contemporains, les années 80 auront été un chemin de croix artistique. Mais c’était pour mieux se réinventer. Outside, Earthling, Heathen, jusqu’à ce Blackstar final. C’était pas rien, tout de même.
Une étoile, tu le seras resté jusqu’au bout. Une étoile noire en guise de triste épilogue. Ne dit-on pas d’une étoile noire que c’est une étoile morte ? Demandez donc aux scénaristes de Star Wars. Les leurs n’auront tenu que 3 secondes en comparaison de ton aura qui, elle, persistera. Et puis tiens, dis-nous, maintenant que tu as quitté ton enveloppe charnelle : As-tu retrouvé le Major Tom ?
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★ Barz ★
Lettre à mon ami qui a perdu David Bowie
Je me souviens très bien de cette soirée du 14 mars 2009. Nous étions réunis chez toi, tu nous avais préparé un bon petit plat comme tu sais si bien les faire pour tes amis. Sans doute quelque chose de bien chaud et nourrissant pour terminer l’hiver. Une choucroute probablement. Nous avions FIP en fond sonore, comme bien souvent, notre partenaire musical de soirées chaleureuses réussies. Du bon vin, de la bonne musique, de bons amis. Et puis, soudain, un léger malaise : c’est la quatrième chanson de Bashung d’affilée qui passe là ? Je ne sais pas, j’ai pas fait gaffe. Si si, je te dis, ils nous font une rétrospective chronologique, y’avait C’est la faute à Dylan, Je fume pour oublier que tu bois, Vertige de l’amour, et maintenant C’est comment qu’on freine. Ça sent le roussi. Alors tu es allé sur ton ordi pour vérifier. Bashung venait de mourir. Tu m’as vu perdre les pédales, sombrer, m’effondrer, débordé et anéanti, tremblant et pleurant, incontrôlable, inconsolable. J’ai passé des coups de fil à droite à gauche, pour en parler à un maximum de monde, j’avais un grand besoin de chaleur humaine. J’ai eu un grand cafard pendant une semaine, je suis même allé aux funérailles au cimetière du Père Lachaise. Non, Bashung n’était pas un ami ni un parent, juste un artiste qui m’a aidé à grandir, comme tant d’autres. Un chanteur qui me parlait directement, dont j’avais une histoire particulière avec certaines chansons, que j’avais vu en concert avec ma tante qui hébergeait le crabe tout comme lui. Et tant de souvenirs. Je venais de perdre un être cher, un inconnu.
Ce matin je pense à toi, tu as perdu David Bowie. Je sais ce qu’il représente pour toi, je sais ta connaissance de son oeuvre et ton admiration pour lui, son parcours, sa vie, ce qu’il a montré et, surtout, ce qu’il n’a pas montré. J’aimerais te prendre dans mes bras comme tu as su le faire avec moi et ne pas te raconter d’âneries, ne pas te dire que ça va aller, que tu t’en remettras. Non, ça n’ira pas, le monde a besoin de grands artistes, et quand il y en a un qui disparaît, il n’y en a pas forcément un autre qui apparaît. On peut se consoler avec l’œuvre qu’ils laissent derrière, mais on ne peut s’empêcher de penser à celle qu’ils avaient devant eux. Ce sont de sombres inconnus avec qui nous vivons tous le jour, qui ont modifié notre cerveau, chimiquement des synapses se sont connectés, agencés, reliés. Il y a dans ma tête des tiroirs marqués « Bashung« , dans la tienne des tiroirs marqués « Bowie« . Ils sont en nous, ils nous manquent, nous pensons à eux, nous nous raccrochons à leurs textes, leurs voix. Toujours ils nous guident et nous ouvrent la voie.
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★ Poulpy ★
Fin des années 80, c’est le frère de ma baby-sitter, voyant que je m’intéressais au classic rock, qui me file des k7 de Bowie, un peu de tout en plus. Découvrir Bowie dans le désordre, c’est fun, découvrir Modern love en même temps que le concert d’adieu de Ziggy, ça fait beaucoup de matière à emmagasiner. mais ce fut ms premiers pas. A 13 ans, je découvre un univers déjà hors norme et je prends ma première claque musicale. Depuis, Bowie m’a toujours accompagné.
En 1989, je me lance même dans l’aventure Tin machine, c’est dire! Et j’achète les 2 albums et le live! Certes rien de mémorable, il faut le dire, mais déjà je sens un personnage, un mec qui bouge, qui ne veut pas rester enfermé dans un carcan.
Des rockstars vieillissantes, on en a un paquet mais celles avec la classe de Bowie sont rares, car on parle là d’une tète chercheuse, un musicien à la croisée des arts. Quand on parle Bowie, on ne parle pas seulement musique, mais aussi mode, théâtre, cinéma, peinture, littérature. Ce qui était délicieusement résumé dans l’expo qui lui est consacrée. S’intéresser à son œuvre, c’est se plonger dans un pan de la culture de ces 50 dernières années, c’est en ressortir enrichi.
Sans cesse en train de se renouveler, ses albums sont des objets qui ne vieillissent presque pas et sont toujours audacieux. On n’attends rien ou peu d’un album d’une rock star vieillissante, sauf de lui. Et Blackstar, sorti le jour de son anniversaire, le prouve encore. C’est un album d’une richesse infinie, je crois qu’Addict vous le dira sous peu.
Donc, oui, aujourd’hui, c’est un peu plus qu’un artiste qu’on pleure, on pleure un homme qui venait d’ailleurs et dont on n’a pas fini d’explorer l’œuvre.
Je crois que le meilleur hommage qu’on puisse lui faire, plus que d’écouter ses anciens album, c’est d’acheter son dernier disque quasi testamentaire. Et si le voyage ne vous fait pas peur, foncez à Groningen, Pays Bas pour voir l’expo Bowie is.
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★ Ivlo ★
Il y a des astres qui malgré leur disparition laissent dans les cieux une trace éternelle. L’étoile aura beau être noire, sa lumière n’en sera que plus vive.
L’histoire commence à Londres il y a 69 ans, l’épopée d’un jeune anglais qui restera aux yeux de tous bien plus qu’un nom apposé depuis 1996 aux cotés des icônes du Rock n’ Roll Wall of Fame. Précurseur d’un second millénaire dont les impulsions bénéfiques auront engendré de multiples vocations.
Il y aura eu forcément les collaborations aussi nombreuses que marquantes mais c’est surtout en sa qualité de guide des profondeurs exquises d’un art à la fois populaire et exigeant que David Bowie aura mérité notre considération.
Orfèvre de sonorités qu’il aura manipulé avec brillance, ingérant les éléments pour mieux se les approprier afin de délivrer aux fans que nous sommes la subtile quintessence. Un compositeur qui ne s’est jamais reposé sur ces lauriers discographiques, dandy élégant explorant les délinéations musicales avec gourmandise. Ses itinéraires bis nous mèneront alors du folk spatial aux électrochocs sombre du jazz en passant par le glam’ rock le plus expressif.
Forcément remué par la disparition d’une légende (que j’aurais souhaité encore vivante) j’appuie sur la touche retour du magnéto, histoire de tenter une redite de la journée bien moins triste.
Après les larmes, c’est la nostalgie qui l’emporte. Me reviennent alors en mémoire des souvenirs qui s’entremêlent :
– Le vinyle de Scary Monsters négocié âprement chez un bouquiniste.
– Le visionnage ébloui du clip fantastique d’Ashes To Ashes, épitaphe des 70’s mis en lumière par David Maller et Bowie himself, clown blanc immergé dans les nappes audacieuses du futur.
– Un rendez-vous manqué avec le Thin White Duke en 2004 (réaliser alors que l’occasion ne pourra trouver de nouvelle date)
– La prestation d’une justesse poignante pour Furyo aux côtés du maestro Ryuichi Sakamoto
– L’achat le cœur encore battant de l’ultime révérence étoilée samedi dernier.
De cette carrière immense, si je ne devais évoquer qu’un instant, c’est sans doute la diffusion du concert célébrant les 50 ans du musicien. Le show du 9 Janvier 1997 se déroule à Madison Square Garden de New-York. Sont invités pour l’occasion une pléiade de stars du rock parmi lesquelles figurent le regretté Lou Reed. Devant le casting composé de bébés dinosaures, Bowie ironisera avec son acolyte mettant en exergue leur qualité de « survivants » (l’iguane manquait à l’appel pour le soufflage des bougies).
La setlist traversera les âges et alternera entre duos de luxe et instants plus intimes.
C’est tout d’abord Franck Black qui se voit affublé de la lourde tâche d’accompagner en premier la star de la soirée. Rien de tel que Fashion pour habiller le chanteur de Pixies !
Avec les Foo Fighters c’est l’énergie tapageuse qui s’invite au festin. Hallo Spaceboy est martelée par trois batteries pour une version du titre à couper le souffle.
Les experts en larsen mélodiques de Sonic Youth débarquent alors pour insuffler leurs distorsions jouissives à I’m Afraid of Americans. C’est toute l’alchimie moderne d’Earthling qui éclate au grand jour.
Inutile de vous dire que les deux duos avec Robert Smith m’auront totalement conquis, mention spéciale sur les caresses acoustiques de Quicksand. Rien que d’y repenser j’en ai encore des frissons.
Il y eu forcément les tubes tel The Jean Genie exécuté avec panache par la doublette formée avec Billy Corgan.
Estocade en toute simplicité sur les arpèges magiques de Space Oddity, Alpha et Omega d’une œuvre colossale.
La célébration était enjouée et de haute tenue mais surtout la preuve flagrante de cette capacité à insuffler aux « nouvelles générations » un état d’esprit particulier. Il y avait un charisme évident chez Bowie mais je le crois profondément, une évidente insatiabilité dans le partage, le souci conséquent de passer le relais à ceux qui, par ailleurs, l’inspiraient.
Au-delà de ce concert, David Bowie aura propulsé de nouveaux talents sur le devant de la scène (Placebo, TV On The Radio pour ceux qui me viennent à l’esprit) et je ne parle pas de la future scène musicale qui consciemment ou pas restera transportée par son aura.
Il sera désormais difficile de parler de lui à l’imparfait. Sa musique restera …
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★ Velda ★
La première fois, c’était en 1976. Station to Station. Pavillon de Paris. J’étais à Florence. Depuis, j’ai raté tous mes rendez-vous avec David Bowie en concert. Étrange. Et pourtant tout le jour, les paroles de ses chansons me sont montées aux lèvres sans même que j’y pense, en même temps que cette boule dans la gorge. Une vie avec David Bowie, et pourtant sans lui. Good bye David Bowie. Champagne, à nos rendez-vous manqués.
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★ Beachboy ★
David Bowie, c’est le rock, c’est la pop, c’est Brian Eno, c’est Lou Reed, c’est Iggy Pop, c’est Robert Fripp, et tous ses jeunes biberonnés au Thin White Duke et Ziggy Stardust et là haut, tout là haut, parmi les chefs d’oeuvre inépuisables qui tournent encore et encore sur ma platine, c’est Hunky Dory, album insurpassable de la première à la dernière seconde, mon disque préféré dans une discographie riche et enthousiasmante des débuts époustouflants à la trilogie berlinoise avant une renaissance artistique passionnante depuis 20 ans. Il nous a fait quelques mauvais disques mais même là, il était tellement la Classe que je lui pardonnais ces faux pas sur sa route semée d’étoiles.
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★ Mag Chinaski ★
Ecrire quelque chose… parler d’une icône tellement mythique que le monde en était venu à penser qu’elle était immortelle… Ce matin, comme vous, j’ai appris la nouvelle : David Bowie est mort.
Et je n’arrive toujours pas à réaliser qu’il nous a quitté, j’avais à peine eu le temps de me plonger dans son Blackstar ★ !
Je ne saurais dire à quel moment j’ai posé mes oreilles sur sa musique, sûrement parce qu’il était déjà là lorsque je suis née, en 1980 la légende était déjà en route, Space Oddity, The Man Who Sold The World, Hunky Dory, Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Low, Heroes… je ne vais pas vous citer les 14 albums qui ont précédé ma venue au monde, ils continuent de vivre depuis plus de 30 ans, à travers nos oreilles, nos âmes, nos expériences.
Si je n’arrive pas à dater le moment précis où j’ai entendu une de ses compositions pour la première fois, je me souviens ce soir avec émotion que j’ai eu la chance de le voir en concert quand j’avais 17 ans… C’était lors de l’unique édition d’un festival parisien raté, Le Rock à Paris, au Parc des Princes. Une amie m’avait invité à l’accompagner… et Bowie était la tête d’affiche de ce samedi 14 juin 1997 ! En fin de journée, cette amie m’a lâchée, car le rock n’était pas trop son truc, et je suis restée toute seule jusqu’au bout, il était hors de question que je rate David Bowie, et je ne regrette pas de ne pas être partie avec elle, car ce soir là nous avons eu droit à 19 titres (oui la setlist est en ligne, merci les internets) et après ça je me suis intéressée de près à ce personnage intriguant, mystérieux, véritable touche à tout musical… !
Aujourd’hui, je suis triste, cet homme restera pour moi un être fascinant, complexe et impénétrable, et je sais que ses œuvres m’accompagneront tout au long de ma vie, que je n’aurais de cesse de les redécouvrir… merci David pour ce magnifique héritage musical que tu nous as laissé, je vais m’arrêter là car tous les mots seront vains et insignifiants face à ta lumière !
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★ Johann ★
Lundi 11 janvier, le réveil se fait dans la douleur, David Bowie est mort.
DAVID BOWIE EST MORT
J’émerge à peine de ma nuit qu’un poids immense m’enserre la poitrine, j’accuse le coup, je me lève, sur les réseau sociaux la nouvelle est partout, plusieurs proches m’ont envoyés des messages, ça me touche, je n’arrive pas à pleurer c’est trop soudain, c’est abstrait, ce n’est pas possible, je ne peux y croire.
Quatre jours à peine avant, je découvrais Lazarus avec ce clip sombre, beau et étrange, je me disais que Bowie était vivant plus que jamais, je retrouvais la foi de le voir une dernière fois peut-être sur scène. L’album Black Star que j’écoutais le soir même en ce jeudi 7 janvier, dans un plaisir solitaire, alors que la France commémorait ses morts et que nous étions encore sous le choc des terribles attentats de Paris, Bowie lui brillait de mille feux, il semblait nous dire qu’il revenait des morts, se réveillant au paradis, enfin libre, après un long combat contre la maladie. Je retrouvais musicalement tout ce que j’avais aimé quand je l’ai découvert sur l’album Outside en 1995. Je venais d’avoir vingt ans quand ce disque est sorti et ce fut une déflagration dans ma vie : Dieu existait, il venait de Mars et s’appelait David Bowie !
Je suis un enfant des années 70, j’ai grandi avec lui et tant d’autres artistes qui m’ont d’une certaine manière ouvert au monde et fait de moi ce que je suis aujourd’hui, en assumant mes choix, à commencer par ma sexualité. Bowie c’était le séduisant et cruel Jareth du film Labyrinthe, c’était des morceaux intemporels comme Space Oddity, Life On Mars ou Heroes, c’était aussi le dandy élégant avec des chansons pop comme China Girl ou Let’s Dance, le glam rock avec Under Pressure au côté de Freddy Mercury, c’était cet acteur insaisissable dans Furyo ou les Prédateurs, Bowie c’était la sainte Trinité avec Lou Reed et Iggy Pop ! À la fois présent depuis mon enfance et à la fois maintenu à une certaine distance par un passage à vide musical au moment où j’étais adolescent, continuant de piocher dans sa discographie des années 70, fasciné par ce(s) personnage(s) et le mystère qui l’entourait.
Et soudain en cette année 95, Bowie est rentré de façon plus intime dans ma vie, par le biais de Nine Inch Nails découvert une poignée de mois plus tôt sur l’album The Downward Spiral, et sur les conseils de mon meilleur ami, j’écoute Outside tout l’hiver en boucle, entretenant un premier lien de fusion totale avec sa musique torturée.
En janvier 96 souvenir également du choc Seven de David Fincher et du générique de fin sur Hearts Filthy Lesson ; toujours en janvier mais en 97 cette fois, j’étais hystérique à l’annonce du concert fleuve pour ses 50 ans avec tous les artistes rock que j’écoutais beaucoup à l’époque (Robert Smith, Placebo, Sonic Youth, Franck Black, Foo Fighters, Lou Reed). Bowie était le lien invisible qui avait toujours été là entre tous, il était partout. Le même mois sortait le film culte Lost Highway de David Lynch et le morceau I’m Deranged sur le générique de fin dans lequel la voix de Bowie émergeait du silence dans la lumière des phares de voiture qui défilait dans la nuit.
“Funny how secrets travel
I’d start to believe if I were to bleed
Thin skies, the man chains his hands held high
Cruise me blond
Cruise me babe
A blond belief beyond beyond beyond
No return No return”
En février 1997 sortait Earthling, album magistral du retour en force du Thin White Duke avec le clip Little Wonder bizarre comme j’aime, et en mars je le retrouvais dans le film Basquiat de Julian Schnabel où Bowie jouait Andy Warhol et dont le magnifique morceau A Small Plot Of Land qui figure sur la B.O. m’avait arraché des larmes.
Et la chance inouïe en cette année 97 de le voir pour la première fois en concert le 14 juin lors de l’unique édition du Festival Rock à Paris au Parc des Princes. J’étais tout devant avec mes amis parmi la foule, impressionné du charisme qu’il dégageait en vrai. Il était là devant moi ! Il avait quelque chose de magnétique, d’électrique, de hors-norme, il était puissant, charmeur et d’une générosité incroyable avec son public conquis d’avance, hypnotisé. Un des plus grands moments de ma vie. C’était divin, c’était fou. Je le reverrai sur la tournée d’Heathen au Zénith de Paris le 25 septembre 2002 et je me souviens très précisément du début du concert sur le morceau Sunday, sa voix qui d’abord seule avait envahie la salle :
“Everything has changed
For in truth, it’s the beginning of nothing
And nothing has changed
Everything has changed
For in truth, it’s the beginning of an end”
Je le verrai une dernière fois sur la tournée Reality à Bercy le 20 octobre 2003 pour un long concert où il revisitait toute sa carrière. Je ne savais pas à ce moment-là que ce serait la dernière fois. On ne sait jamais ces choses-là. Depuis dix ans, et jusqu’à l’annonce de l’album The Next Day en janvier 2013, je pensais à lui, à ses proches, et me faisais du souci pour sa santé avec ce cancer contre lequel il se battait et je savais que ce jour funeste de l’annonce de sa disparition finirait par arriver. Et puis tel le phœnix qui renaît de ses cendres, Bowie nous surprend encore et revient avec cette dernière étoile noire, j’étais tellement content de ce retour, qui sera en fait son ultime cadeau pour nous dire au revoir. Je ne m’attendais pas à ce timing qui aurait au final ce goût d’amertume.
Voilà je ne sais pas comment je vais faire sans lui, je ne sais pas comment lui dire au revoir à mon héros, alors je me dis quelle chance j’ai eu de vivre à son époque, quelle chance j’ai eu de l’approcher un peu et de goûter avec lui à toutes ses expériences. Il va me manquer, terriblement me manquer. Si une part de moi est morte avec lui, une part de lui restera en moi pour toujours. Merci Monsieur David Bowie de m’avoir tant apporté, de nous avoir tant gâtés. Votre musique, votre œuvre, sont là et nous l’écouterons encore et encore, pour que nous soyons ensemble réunis “for ever and ever”.
“Though nothing, will keep us together
We could steal time,
Just for one day
We can be Heroes, for ever and ever
What d’you say?”
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★ François « French » Godgiven ★
The Man Who Told The World
L’importance de David Bowie dans la musique pop des cinquante dernières années a déjà fort bien été décortiquée plus haut par mes camarades, je ne vais pas revenir là-dessus.
Cependant, il faut bien comprendre que si la nouvelle de sa disparition suscite une telle émotion à l’échelle mondiale, c’est bien parce qu’il a largement débordé de ce cadre pour toucher toutes les couches de la société, occidentale en premier lieu bien sûr, mais pas seulement. Nombre de témoignages attestent aujourd’hui de cette évidence déjà bien mise en avant de son vivant : sans David Bowie, quantité d’artistes souterrains ou de personnalités dites « marginales » n’auraient même pas osé faire le premier pas pour exprimer leur être ni même « fendre l’armure ».
Par ses jeux de transformisme, ses identités multiples, cette réinvention permanente et bouillonnante, et cette image sexuelle trouble et ambiguë mais aussi tranchante et entière, pour toute une génération qui a grandi dans les années 1970, Bowie représentait à la fois le héros et le vilain canard noir : le mec qui s’habillait « en gonzesse » tout en les tombant toutes. Il était le modèle, l’inspiration de tous ceux qui ne trouvaient pas leur place, leur montrant que dans l’eau même du caniveau peuvent se refléter les étoiles. Grâce à lui, se faire casser la gueule pour oser afficher ce qu’on était devenait presque une fierté absolue.
David Bowie fut le premier, à une échelle aussi impressionnante du moins, à abolir la frontière entre les genres, musicaux certes, mais aussi raciaux et sexués. Hommes, femmes, hétéros, homos, bi, trans, extra-terrestres, noirs, blancs, jaunes, chiens de diamants, peu importe puisque les cendres reviennent toujours aux cendres. Il y a aujourd’hui fort à craindre, dans notre monde à la fois ultra-formaté, aseptisé à l’extrême et libéralisé à outrance, que nous ne revoyions plus de telle personnalité changer le monde avec pour seules armes son art et son amour des autres.
Son héritage, pour tous ceux qui ont vibré sur sa créativité en général et sa musique en particulier, n’en est alors que plus précieux : la part secrète, à la fois classieuse, extatique et épicurienne, qui sommeille en chacun de nous, laissons-là fleurir et s’épanouir, puisqu’il n’aura fait, toutes ces années, que nous révéler à nous-mêmes.
Ce serait bien là le meilleur hommage que nous pourrions lui rendre.
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★ Nulladies ★
Tu m’as toujours eu par surprise, enfoiré de vairon. Ce week-end, quand j’écoutais en boucle ton vinyle, et que je chérissais le grain de ta voix, ton immortelle inspiration et ta patte toujours aussi ténébreuse, vibrante et unique.
Il y a un peu moins de 3 ans, lorsqu’au volant, j’écoutais la trilogie berlinoise, en me disant qu’après 10 ans de silence, il n’y avait plus aucune chance d’entendre quelque chose de nouveau de ta part… pour lire quelques heures plus tard que tu sortais un album dont le premier single, Where are we now, m’avait terrassé.
En 2002, sur scène au Zénith, pour défendre Heathen, lors d’un concert presque intimiste, décroché de toute tournée mondiale, et dont le souvenir fait perdurer les frissons ressentis alors.
Et la décennie précédente, lorsque j’ai découvert que The Man Who Sold the World n’était pas un titre de Nirvana. L’effroi que tu m’as causé dans la B.O de Lost Highway. Toi seul pouvait chanter avec une telle conviction I’m deranged…
La première fois que j’ai écouté Hunky Dory, en me demandant comment diable le monde pouvait te réduire à Let’s Dance.
Quand j’ai découvert que tu savais mettre le spleen en musique dans OutSide
Quand tu m’as initié au dubstep.
Quand tu m’as fait voyager à Berlin, et que j’ai compris découvert, adolescent, la galaxie fertile dont tu t’entourais : Eno, Iggy, Lou…
Quand, au fil de tes plantureuses rééditions, je faisais connaissance avec tes avatars baroques, ton univers théâtral et ta culture infinie.
Je te dois une part immense de ma culture musicale.
Et ce matin. On l’avait pas vu venir, tu as bien trompé ton monde. C’était pas faute d’en parler, de la mort, c’était une proche, au point qu’on pouvait vous considérer comme des intimes qui se feraient pas de coup pendable. On ne parlait que de toi ces derniers jours, et tu doubles ça d’un buzz un peu moins vivifiant. Ton Etoile Noire est un joyau que nous allons désormais écouter d’une oreille plus plaintive. Les surprises, il y en aura d’autres. Tu fais partie de ceux dont la musique est si dense qu’elle se révèle à chaque écoute. Tu nous diras, si tu peux, s’il y a de la vie sur Mars.
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★ Tonias ★
C’était d’abord un regard impossible, un vrai sujet de spéculations, à une époque où ni le web ni Wikipedia n’existaient. On lui donnait les yeux vairons, certains affirmaient qu’il portait des lentilles, d’autres racontaient que c’est une bagarre au couteau qui l’avait mis dans cet état. Une bagarre, oui, mais c’est un simple coup de poing qui avait suffit à lui donner ce regard unique, incroyable : un oeil bleu clair, brillant, étincelant, et un autre œil vide, sombre, bien qu’il fusse bleu lui aussi, sa pupille condamnée à rester éternellement dilatée. Ce fut ensuite cette chevelure rouge inoubliable, cet éclair peint sur son visage ambigu, et cette pochette singulière qui symbolise à elle seule le monde du glam-rock, au grand dam de mes parents, inquiets de voir l’adolescent timide que j’étais être sensible à l’univers de Ziggy Stardust. Le début d’une longue amitié musicale, toujours attentive et rarement déçue. Aimer Bowie, c’est mûrir un peu. Le perdre, c’est mourir, aussi.
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★ Lionel KN ★
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★ Sane ★