[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#100059″]L[/mks_dropcap]e périple de DENNER débute outre-Atlantique. Le Dj Gilles Le Guen, érudit et passionné de culture new wave, vient de poser ses valises du côté de New-York. Symbiose artistique faisant, le susnommé se lie d’amitié avec Adam Humphreys et Mike Pate. L’engouement des trois pour un style musical, dont le berceau trouve ses racines du côté de Manchester, est une sorte d’exotisme pour le continent américain. Le groupe prend alors le pari de transmettre son labeur en concoctant sa propre œuvre. C’est, au bout de la piste d’atterrissage, un premier album Nouvelle Bretagne qui voit le jour.
2005, c’est l’année charnière. Retour aux racines pour l’expatrié breton. Un projet qui renait de ses cendres, douze ans plus tard, par le biais d’une nouvelle formation. C’est Yann Even (guitare) Philippe Kervella (batterie) et David Cadoret (basse) qui s’associent aux mots du chanteur (notons également la participation en joker de Laureline Prud’Homme pour la suppléance aux quatre cordes).
L’album Drifting Canticles, produit par Steeve Lanuzel (The Craftmen Club), sera enregistré aux studios Rock à Ouest et Balloon Farm… entre Guingamp et Rennes.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#100059″]D[/mks_dropcap]ès les premières pulsations du disque, le guide nous convie à un bain de jouvence. Un retour dans le meilleur des 80’s. Époque où les saturations stridentes sonnaient comme des hymnes pour dancefloor huppés. Le flashback se nourrit d’une basse gonflée de chorus, de rythmes véloces tandis que l’auteur vient s’exprimer sur une articulation délicieusement emphatique. Les imprégnations ont beau être froides, c’est une certaine brillance qui éclaire les trajectoires inspirées par un passé aux traits indélébiles.
Explosion d’une pop énergique au travers de l’entêtant Refuelled. Pièce majeure de l’opus dont les contaminations remplies de fraicheurs se combinent à une amplification orchestrale majestueuse. Adrénaline jouissive, décuplée par le Quatuor Taléa dont les cordes battent la mesure afin de propulser le titre vers des sommets insoupçonnables. Saluons à ce titre le travail d’arrangement du compositeur Eric Voegelin. Le plaisir tourne en boucle et les juxtapositions harmoniques des ensembles fusionnent puis bondissent sur une production façonnée par des artisans aux mains d’or. C’est tout simplement l’une des pièces les plus attachantes et remarquables que j’ai pu entendre depuis des mois !
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#100059″]L[/mks_dropcap]a suite de la face A se décline au travers de compositions peut-être moins évidentes à l’oreille. Pour autant, c’est une vraie plongée dans des eaux troubles qui nous est proposée. L’impression de dénicher, tout au fond de la mer, quelques mystères extirpés de battements éthérés. La référence à l’homme noyé sur l’intriguant The Drowned Man With The Shells In His Coat semblerait involontairement (ou pas) calquée sur la plage 7 du chef d’œuvre Faith. Quelle que soit la réponse, l’allusion du titre et sa tonalité n’aura pas échappé au curiste que je suis.
Il est vrai que Drifting Canticles pourrait trop facilement passer pour un patchwork d’absorptions d’illustres pionniers. Le renvoi aux humeurs d’un groupe comme The Chameleons ne serait certainement pas une foutaise mais bien trop réducteur de l’effort chez DENNER pour avaler les codes de manière consciencieuse, histoire de mieux les arranger à sa sauce… et celle-ci peut être aussi onctueuse que piquante !
Si je reviens sur le titre précédemment évoqué, il me faudra révéler ce final saisissant : un chant au bord du précipice conduit par la trompette désarmante de Benoît Gaudiche ainsi que quelques chœurs fantasmagoriques. C’est une valeur ajoutée indéniable qui ajoute à des stimuli plus immédiats. La présence en bonus de Julien Perrin (acrobate du shoegaze au sein des prometteurs Soon, she said) ne gâche en rien le ressenti quelque peu « chialant » de l’addiction.
A l’inverse, le titre octroyant son nom à l’album, dégage une parure bien plus grinçante. La rythmique y est obsédante et les saccades, à la bordure des productions « indus », développent un thème diablement plus noisy. La sensation de glisser dans une spirale de transe sombre. Puissant !
Autre dérivation de taille, nichée dans les subtilités de Safe & Sound : le jeu de guitare de Yann Even rappelant techniquement au bon souvenir du frottement aux accents de mandoline de Justin Jones (And Also The Trees) Un régal qui se consume tranquillement sur une trame aux aspérités solennelles.
Question casting, la distribution est loin de sombrer dans l’avarice. Prestige de retrouver l’icône du post-punk hexagonal, Philippe Pascal (Marquis de Sade / Marc Seberg) pour un duo taillé dans le granit. Inner Voices prédomine du haut de son penchant théâtral. Un excellent clin d’œil à l’ébullition de la scène rennaise il y a quarante ans. Au titre de l’élégante nostalgie, Gilles Le Guen aura joué un rôle de passeur en sa qualité de témoin, co-initiateur avec Jean-Francois Sanz de l’exposition Des Jeunes Gens Mödernes. La légitimité est ici absolue.
Idem pour les liens d’amitié entretenus avec les éminents Chris Frantz et Tina Weymouth (Talking Heads / Tom Tom Club) venus prêter main forte avec Steve Scales pour un final époustouflant de maitrise grâce à des percussions aussi soignées qu’enlevées.
Un second album très habilement construit dont le plaisir d’écoute est un éclat qu’il convient de porter sur nos ondes aussi loin que possible. Avec ses cantiques d’obédience post-punk, DENNER pourra, sans l’ombre d’un doute, soulever chaque pierre sur son chemin. C’est tout le bien que je leur souhaite. Vous invitant à découvrir leur boite à musique pleine de références, de combustions et de grande classe.