Cher Dominique,
Tu le sais bien sûr, comme tu nous as sauvés dans les années 90, comme ta Fossette a changé la donne de la chanson française. Comme on était fiers quand tu passais aux Victoires avec ton Twenty-Two bar dont tu modifiais les paroles, toi le rebelle timide. C’était même avant Cantat et sa lettre à Messier. C’était avant Miossec et ses suiveurs, c’était avant que la chanson française se redore le blason et même avant la naissance de Vianney, c’est dire.
Depuis, je t’ai toujours aimé de loin, avec cette distance que l’on réserve aux gens intègres qu’on croit donc intouchables. Je revenais à toi régulièrement, parfois avec bienveillance, parfois un peu déçu que tu n’oses pas plus te frotter à la chanson populaire. Je repensais à une interview de Reggiani quelques années avant sa mort. Lui, le merveilleux interprète, expliquait qu’il avait essayé d’écrire des chansons, mais qu’elles étaient toujours bien trop intellectuelles, pas assez simples, et je me disais que c’était parfois ça qui te manquait, la simplicité.
Et puis, au détour d’un album, je tombais sur Le Bruit Blanc de l’été, que j’écoutais en boucle pendant de longues semaines, et je me disais que tu savais parfois viser au cœur, et que – malgré les réticences de ma copine Chantal – tu m’étais précieux.
Mais précieux, tu l’étais pour tellement d’autres maintenant. Au moment de la sortie de Vers les lueurs, on t’entendait en boucle sur les radios nationales, tu devenais « Artiste masculin de l’année » aux Victoires de la musique (oui oui, les mêmes que celles du Twenty-two bar) et moi qui n’aime pas partager, je commençais à me détacher, irrémédiablement. Pourtant, tu sais comme il est difficile de se séparer de ses amours de jeunesse.
Alors quand Eleor a pointé le bout de ses mélodies ouatées, je me suis résolu à te réécouter. Et à me laisser emporter par ces nappes de cordes sur lesquelles je me suis senti bien. Je t’ai suivi dans tes errances géographiques, au Canada, sur L’Océan ou même à Eléor. J’ai redécouvert la vertu de ces mélodies que tu me chantes au creux de l’oreille. Et l’espace de quelques chansons, j’ai su que cette simplicité après laquelle je courrais pour toi, tu l’avais délicatement saisie, pour mon plus grand plaisir.
Eleor, Dominique A, en vente dès demain chez votre disquaire, chez Wagram music.