[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]vec la sortie d’un nouvel album, House of Wolves, le groupe de Rey Villalobos, lançait sa tournée européenne par un concert privé dans le très select club parisien « Le Silencio ». Rencontre.
Les Américains d’House of Wolves arrivent en milieu d’après-midi au pied du Silencio, club très sélect conçu par David Lynch. Accompagnés de leur manager, ils déchargent leur matériel le sourire aux lèvres. Chapeau vissé sur la tête, écharpe autour du cou et long manteau noir, Rey se montre tout de suite chaleureux et affable. “Je suis vraiment heureux d’enfin commencer cette tournée. J’y place de grosses attentes”. On le sent impatient de découvrir les lieux. Des amis du groupe sont présents. Marine, fan de la première heure, a fait le déplacement depuis Amiens.
L’accès du personnel et des artistes se fait par un minuscule ascenseur. Sans perdre un seul instant, le groupe installe son matériel avec l’aide de deux musiciens. Ils se produiront ce soir en formation réduite, Rey à la guitare, et Michael Kirts, arrivé de Portland le matin même, à la batterie. « Mike est mon meilleur ami, dit Rey. Nous nous connaissons depuis si longtemps. Il joue de la batterie au feeling, c’est ce que j’aime chez lui ». Michael a pris des vacances pour assurer la tournée. Fatigué de la vie de musicien, il est devenu graphiste et se consacre à sa femme et ses enfants. C’est chez lui que Rey a trouvé refuge pour travailler sur le nouvel album d’House Of Wolves.
Les balances s’effectuent rapidement. Si Mike n’a pas joué en concert depuis dix ans, leur complicité est immédiate. Le groupe est impressionné par la qualité du son. Le producteur de la salle, dont le look très chic est en contraste total avec celui de hipster du groupe, passe en coup de vent pour serrer des mains et vanter la qualité de l’acoustique de “sa salle”. Une des meilleures de Paris. Habitué à programmer de la musique électronique au Silencio, il conseille au groupe de laisser le personnel du club disposer des tabourets sur la piste de danse. Le public appréciera ainsi l’ambiance dépouillée et intimiste du concert.
Une heure s’est écoulée et le groupe dispose de temps libre. Rey ne serait pas contre retourner se reposer à l’hôtel, mais il se trouve à l’autre bout de Paris. Il décide d’aller se promener dans les rues avoisinantes, accompagné de Marine et Mike. Ce dernier n’a rien avalé depuis 24h, et ne rêve que d’une chose : trouver un restaurant ouvert dans le quartier. Un véritable défi à 18h30 dans la capitale. Un bar restaurant accepte finalement d’ouvrir sa cuisine plus tôt que prévu. Pas d’excès à table, on fait attention à sa santé. Une salade et un verre de vin pour Mike, et un burger accompagné d’un Orangina pour Rey, qui ne boit jamais d’alcool. À mille lieues du cliché rock’n’roll, il avoue ne pas en aimer le goût. Il confie : “Un seul verre suffirait pour que je me retrouve à danser seul au milieu de la rue”.
Le service est long. Rey en profite pour sortir son téléphone. Il se connecte à internet pour recopier sur la nappe en papier du restaurant les paroles d’un titre des Counting Crows, le classique Don’t Dream it’s Over. « Il m’arrive de jouer des reprises régulièrement. Rien n’est décidé à l’avance. J’aime rester spontané». Ils décideront au cours du repas de réduire la durée du concert d’une heure à quarante-cinq minutes. Les deux amis se rappellent de vieux souvenirs. Il saute aux yeux que leurs vies ont emprunté des chemins différents. On sent Michael excité d’être en tournée, et légèrement envieux de la liberté de Rey. « Je suis trop vieux pour ce genre de vie. Mon dos me tue. Je n’ai plus la force de trimballer ma batterie d’une salle à une autre. J’ai eu ma dose d’excès. J’ai préféré m’écarter de ce style de vie précaire. Rey est chanceux. Il a une femme formidable qui travaille à plein temps et qui le soutient à 100% dans sa carrière».
Heureux de se retrouver, ils ne sont pas pressés de retourner à la salle. L’heure tourne, ils doivent monter sur scène dans moins d’une demi-heure. Il est temps d’aller déposer ses affaires dans la loge, minuscule, et sentant le tabac froid. Seules quelques boissons sont à disposition dans le frigo. Ils remarquent également l’absence de papier toilette et de savon. Ils ont connu pire. À trente mètres de là, les premiers arrivés sirotent des cocktails à 20€, et des bières bas de gamme à 10€. Paradoxe.
Ils se décident rapidement sur les titres à jouer ce soir. Rey reste fidèle à lui même, souriant et détendu. Des loges, on entend la salle se remplir. Les sons de voix se font plus nombreux. Soudainement, Mike se métamorphose. Il part faire les cent pas dans le couloir qui mène à la scène. «Je n’ai plus l’habitude des concerts. Je joue encore en live, mais dans des soirées entre amis, sans aucune pression ».
Le public dans la salle est bigarré. D’âges et de styles différents, il a commencé à s’éparpiller sur les banquettes et les tabourets disposés sur la piste. La majorité des présents sont amassés au bar ou dans les salles annexes.
La salle est à moitié vide lorsque Rey et Michael quittent leur loge et s’installent chacun à une extrémité de la scène dans le silence le plus total. Un rideau rouge les sépare du public. Ce dernier s’ouvre, et les premières notes résonnent. Le son ample et délicat enveloppe la salle. Tout est joué dans l’émotion, la subtilité et la retenue. Rey et Michael jouent comme s’ils tournaient ensemble depuis des années. Un seul regard de Rey et Michael sait instinctivement comment adapter son jeu. Le groupe communique peu avec le public. Sa musique est atmosphérique, et pourtant quelque chose se passe. L’audience est conquise, les applaudissements sont impressionnants à la fin de chaque titre. La salle sera quasi pleine à la fin du concert.
Le dernier morceau terminé, Rey abandonne sa casquette d’artiste, et le naturel revient au galop. Il va serrer les mains de chaque personne présente dans la fosse, un grand sourire aux lèvres. Michael le suit et s’inquiète. “J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer mais je ne sais pas si j’ai été à la hauteur”. Rey le rassurera plus tard. “C’est un des meilleurs concerts que nous avons donné. Pourtant nous n’avons plus l’habitude de jamer ensemble. Mike s’est préparé en écoutant l’album au casque”.
Pascal, graphiste s’apprêtant à rentrer chez lui, avoue avoir été captivé par ce concert. “La musique d’House Of Wolves s’accorde parfaitement entre l’intimité du lieu et des grands espaces qu’elle ouvre dans notre imagination. Les pulsations délicates de la batterie rythment les accords de guitare et habillent la douceur des mélodies. Il n’y a pas de fioritures.”
À l’image de Rey, c’est ce manque de fioritures qui rend House of Wolves si passionnant. Celui-ci ne tardera pas à rentrer à l’hôtel. “Je dois gérer le décalage horaire. Il faut se lever tôt le matin pour rejoindre la prochaine destination, je rencontre des amis après le concert. Bien se reposer est décisif en tournée pour rester sain d’esprit”.
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Crédit Photos : Olivier Mahé
Un grand merci à Rey Villalobos et Michael Kirts, Christophe de Discolexique, Thomas de Boogie Drugstore, Olivier Mahé et Pascal Blua.
En bonus, voici l’intégralité du ressenti de Pascal Blua, dont vous trouvez un extrait dans le reportage :
« Lorsque s’ouvre le lourd rideau rouge silencieux, c’est en duo que l’on découvre House of Wolves ce soir.
À chaque bout de la scène, entre clarté et pénombre, les deux musiciens se font face et s’enveloppent du regard. Les délicates pulsations de la batterie rythment les accords de guitare, souvent à peine effleurés et habillent la douceur des mélodies, parfois juste murmurées.
La musique d’House of Wolves s’accorde parfaitement entre l’intimité du lieu et les grands espaces qu’elle ouvre dans notre imagination. Pas de fioritures, juste l’essentiel. »
Vous retrouverez sur son site, Stereographics, les essentiels de Rey Villalobos.