L’auteur Gregory Nicolas nous offre un texte à l’occasion de la sortie du premier album de Feu! Chatterton, Ici le jour (a tout enseveli) chez Barclay aujourd’hui.
Moi qui suis une victime de la variété française et qui augmente le son de l’autoradio lorsque Chérie FM nous sort un petit Balavoine de derrière les fagots c’est peu dire que je n’étais pas a priori la cible du premier album de Feu! Chatterton.
Voici des jeunes gens. Ils sont cinq. Un bassiste, deux guitaristes, un batteur dont j’imagine la joie des voisins le jour où on lui a acheté sa première batterie, et un chanteur. Un groupe en somme. Ils n’ont rien inventé. Ils sont gracieux. J’ai pu voir quelques vidéos et ils bougent en rythme, ils vivent leurs chansons comme il faut faire, ils sont bien habillés, ils ont le cheveu épanoui. Ils sont faits pour plaire aux bobos et aux Hipster (ils ont d’ailleurs écrit une chanson qui a pour titre Harlem, c’est dire) et je ne serais pas étonné que l’un deux fasse du vélo à pignon fixe. Ils sont le parfait produit marketing. D’ailleurs ils viennent de signer chez Barclay!
Leur premier album s’intitule Ici le jour (a tout enseveli). Je l’écoute… Si ça c’est du marketing alors je veux que mon petit garçon fasse une école de commerce plus tard!
Deux des plus grands « song writer » français, Francis Cabrel et Christophe, portaient la moustache. Francis Cabrel a rasé la sienne en même temps qu’il a cessé de conjuguer au passé, présent, futur des verbes du premier groupe. Il s’est renié!
Le chanteur s’appelle Arthur. Il porte une moustache, comme par hasard. Puisque la démocratie est aussi affaire d’image on tendra le micro au bassiste ou à l’un des guitaristes en interview mais ce qui intéressera vraiment ce sera le moment où Arthur reprendra le micro et donnera sa réponse. Car Feu! Chatterton c’est lui. Les autres membres ne sont que ses compagnons, rien de plus. Mais ils peuvent en être fiers!
La voix d’Arthur est entre celle d’un jeune homme en fin de mue et celle d’un adulte qui a fumé 65 clopes la veille. Elle semble trop forte pour lui, trop belle. Elle me fait penser à ces personnes qui achètent une grosse moto toute neuve, toute brillante et qui n’ose accélérer de peur d’être emportées ou de l’abîmer. Ils s’y hasardent parfois, mais ralentissent très vite et leurs yeux semblent s’excuser de tant d’audace, mais c’était bon!
Arthur chante en français ce qui est pratique pour le comprendre. Il dit :
« Du ciel tombent des cordes
faut-il y grimper ou s’y pendre »
J’ai trouvé ces vers si beaux que j’ai d’abord cru à un alexandrin.
C’en est un si on retire « s’y pendre ». Si on retire la mort. Car Feu! Chatterton que ça soit dans la pinède ou ailleurs rit de la mort et donne envie de danser, de chanter fort, d’aligner les mots avec élégance comme ils l’ont fait dans 13 chansons à la suite, excusez du peu. Leurs paroles évoquent souvent le départ, le voyage. Rarement l’arrivée. Comme si le plus important était de traverser. En leur compagnie je fugue, je m’en vais, je prends le large. Et même, enfin, j’échappe à ma condition.
Il est des écrivains qui donne envie d’écrire des livres, dans mon cas il s’agit de Japrisot, Genet ou Blondin. Ils ne sont pas nombreux, moins nombreux en tout cas que ceux qui donnent envie de lire des livres ce qui n’est déjà pas si mal. Adamo, Johnny Hallyday ou Maurane (eh oui) me donnent envie d’écouter de la musique mais Feu! Chatterton comme Brel ou Daho donne envie d’écrire des chansons. Ils sont donc rares. Ils sont donc précieux!
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