[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#d47304″]P[/mks_dropcap]ierre Souchon, journaliste au Monde Diplomatique et à l’Humanité, choisit pour son premier livre de nous parler de lui, de sa famille et de sa maladie.
Oublions tout de suite le titre évoquant la variété française, accolé de plus au nom de Souchon, nous sommes très loin de cet univers.
Il est bipolaire depuis des années. Sous traitement, il peut mener une vie normale, être amoureux, se marier, travailler. Arrêter le traitement et la dégringolade commence. Violente. Dure. D’autant plus que c’est son psychiatre qui lui recommande cet arrêt
Certains épisodes sont vraiment difficiles à lire, alors à vivre… Mais si la maladie est en point de mire, Souchon parle aussi d’autres choses.
D’abord de son amour pour Garance, sa femme, issue d’une famille très bourgeoise. La belle qui épouse la bête de l’Ardèche dit-il.
De sa région natale aussi. Cette Ardèche vers laquelle il revient sans cesse.
De ses parents. Surtout de son père, omniprésent.
De ses ancêtres.
Des raisons pour lesquelles il est malade.
De son avenir, de ce qu’il veut faire, de comment il peut ou doit s’en sortir.
Des amis qu’il se fait lorsqu’il est en crise, de l’argent qu’il perd, de ses innombrables projets professionnels, de ceux qui ne tiennent que le temps d’une journée avant d’être remplacés par d’autres, tous aussi ambitieux les uns que les autres.
Encore vivant est un témoignage de l’intérieur. Une souffrance mais aussi un grand bol d’amour.
Alors oui, Garance ne restera pas, ne pouvant supporter les nombreuses tromperies de son mari (sous l’effet de la maladie). Une partie de la famille refuse également de le voir.
Mais les parents de Pierre restent là. Ils se parlent, se soutiennent. Ce sont souvent des pages magnifiques, des dialogues plein d’amour entre un fils et son père.
Et il y a le ton employé également par l’auteur. Jamais larmoyant, jamais plaintif. Lucide le plus souvent sur sa maladie, le mal qu’il a pu faire aux autres, à lui-même.
Il y a ses copains de galère avec lesquels il se lance dans des dialogues hilarants.
Tout aussi drôles sont les passages soulignant la violence du corps médical. Tel ce grand ponte venu spécialement interroger Pierre qui se fait remballer très sévèrement quand il ose couper la parole au médecin traitant qu’il adore et défend.
Les aides-soignants, sorte de surveillants, en prennent également pour leur grade. Il faut dire que Pierre n’a pas sa langue dans sa poche. Qu’il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, qu’il n’a peur de rien.
Encore vivant est un livre drôle et déchirant à la fois. Un cri de détresse mais aussi d’espoir.
Une supplique pour que notre regard change à propos des gens qui souffrent de maladie psychiatrique. Une bien belle leçon et un livre qui nous colle les larmes.
Encore vivant de Pierre Souchon
paru aux Editions du Rouergue, août 2017