[dropcap]E[/dropcap]n 2015, nous avions laissé Jonas Bonnetta sur les chemins du calme et de l’acceptation avec son troisième album Quiet Energies (chronique à relire ici), dans lequel il semblait refermer un chapitre douloureux de sa vie, la perte du père.
De ses débuts teintés de folk et de mélancolie, dans la lignée de Bon Iver et autres bûcherons à la barbe bien fournie, à ce nouvel opus, Heavy Nights, sorti le 26 juin 2020 sur son propre label Shuffling Feet Records, l’évolution musicale de Evening Hymns est plus que notable, le propulsant définitivement sur de nouvelles routes sonores.
Il faut dire que ces dernières années ont apporté au Canadien bien des satisfactions, Quiet Energies lui ouvrant la voie d’une notoriété plus large. Evening Hymns a ainsi assuré les premières parties d’Agnès Obel, Lou Doillon ou encore Chris Cohen, liste non exhaustive, et participé à différents projets, un album sous son propre nom en 2018, All This Here, teinté d’ambient, une collaboration avec le violoniste de Wooden Sky, Edwin Huizinga, ainsi que des rôles dans des films (Drifting Snow et Dark Watchers).
Mais les changements les plus marquants se situent principalement sur le plan personnel, car Bonnetta a connu dans cette période la fin d’une relation amoureuse et le début d’une nouvelle histoire avec Caylie Runciman (Boyhood), qui collabore aussi sur l’album et lui a donné un fils, la paternité étant un élément moteur de cet album.
Ainsi tout au long des huit titres qui composent Heavy Nights, Evening Hymns confrontent le passé et le présent, déroulant le long cheminement de cette renaissance salvatrice, en forme de clair-obscur musical.
Dès le premier titre, I Can Only Be Good, Jonas nous parle de rupture, énumérant les raisons pour lesquelles on ne devrait pas tomber amoureux, un paradoxe qui suggère la fin d’une relation mais aussi le début d’une nouvelle, avec la peur de souffrir à nouveau, en anticipant le pire à venir : I don’t want to fall in love / Don’t tell me about your favourite films.
Pour la première fois, le saxophone fait son apparition dans sa musique, celui de Joseph Shabason (Destroyer), qui confère à l’ensemble une tonalité romantique enrichissant la palette sonore d’Evening Hymns, dans une ambiance feutrée, nocturne, au creux de laquelle, on le découvrira au fur et à mesure, le clavier prend plus de place que la guitare (celle de José Contreras), légèrement en retrait, sans oublier la rondeur de la basse de Caylie Runciman.
Quand arrive la chanson titre, Heavy Nights, je ne peux m’empêcher de mettre mon lecteur en mode repeat, avec l’envie que cette merveille ne finisse jamais. Mes premières impressions en vrac sont frissons, chaleur, larmes, douceur…et cette nuit lourde s’étire encore et encore me plongeant dans une profonde plénitude jusqu’à l’explosion des cordes d’Edwin Huizinga. Une sublime ballade romantique qui vient contrebalancer la peur de Bonnetta de tomber amoureux : My love for you is soaking wet / In Montreal, drinking wine, and freaking out.
Le morceau Pyrenees a de quoi surprendre : retrouver Bonnetta sur des terres dansantes, une première ! Quelque part entre la France et l’Espagne, ce titre écrit en tournée est une sorte de passage entre ici et ailleurs, comme s’il figurait une transition entre le passé et présent, la fin d’une histoire et un homme qui se retrouve, une forme de catharsis : I’ve got it bad in a good way / Is this a good dream or am I finally waking up.
Le saxophone se fait plus pressant, et on dirait que Bonnetta a rencontré Peter Gabriel, qu’il dit avoir beaucoup écouté ces dernières années sur ce titre. Ceci expliquant sans doute beaucoup de choses : l’exploration d’un son très 80’s, l’utilisation du synthé, un Korg vintage, des pads vocaux, une boîte à rythmes 707 … et le résultat est là, avec ce clip de Monika Kraska, exprimant cette dualité.
Sur The Days Desintegrating, on ne peut s’empêcher de penser au père, cette figure qui reste présente dans les pensées de Bonnetta. La peine laisse cependant place aux souvenirs, en évoquant ce passé heureux, en chœur avec sa sœur sur des notes de piano mélancoliques : I am not wise but I am older / Some quiet energy takes over.
Le motif s’étire sur le titre suivant, You In Dreams, et tout ce qu’il aurait aimé partager avec son père, sa vie d’aujourd’hui, l’homme qu’il est devenu et la naissance de son fils : It was a sweet dream with nightmare intensity / Nice to see you Dad / Sobbing uncontrollably and waking my baby up. Un morceau au creux duquel on retrouve le thème du rêve, qui semble constituer un fil conducteur dans ces nuits lourdes, tout comme la perte de l’amour face au renouveau de celui-ci, la mort qui côtoie la naissance, autant de paradoxes qui témoignent d’un avant et d’un après, de l’obscurité vers la lumière.
Dans le titre suivant, My Drugs, My Dreams, Jonas revient sur ses peurs, celles qu’il a ressenties peu après sa rupture, la solitude, la souffrance, le sentiment de perdre pied mais avec l’envie de s’en sortir, d’aller de l’avant, et de continuer de croire en l’amour : I wanna clear my mind / Give me time to think / Don’t know where I am running to / Don’t know if I care / I wanna feel the wind / Carrying all my cares.
Il continue d’embrasser ses rêves, avec Kiss My Dreams, une façon de tourner la page en douceur : And did you need to kiss my dreams goodbye / To hold on. J’entends du Procol Harum dans ce morceau qui est aussi le plus long de l’album avec ses 5 min 47,
Et au bout de la nuit, encore entre le rêve et la réalité, la lumière arrive enfin, seul avec un piano pour chanter enfin la joie, celle de devenir père : Cause your heart is in my chest / And our baby’s on my mind. Il ne reste plus que l’amour et la joie, et cette douce berceuse est sublime pour conclure un album qui l’est tout autant.
Evening Hymns nous offre avec Heavy Nights, un album en forme de renaissance, aussi bien sur le plan musical que personnel, car au milieu de ces nuits lourdes emplies de brumes, entre le rêve, les souvenirs et les douleurs, Jonas Bonnetta semble avoir enfin trouvé le chemin de la sérénité et de l’amour. Un retour sur soi nécessaire et salvateur, et une merveille que je ne suis pas prête de lâcher !
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Heavy Nights – Evening Hymns
Shuffling Feet Records – 26 juin 2020
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Photo : Caylie Runciman