[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]ifficile d’écrire quelques mots sur une musique qui n’en a pas.
Pourtant, l’exercice aura déjà été mené par votre serviteur et d’autres grands bavards du webzine avec un réel contentement. Il s’agissait de groupes dont le catéchisme musical est d’obédience dite post rock. Vague appellation un peu étrange regroupant un chapelet de spécimen dont la « dronologie » diffère selon les espaces et les saisons.
Aujourd’hui, les sujets nous viennent d’Austin au Texas. Une formation née en 1999 à la suite d’une annonce déposée par Chris Hrasky dans un appel aussi lapidaire que révélateur: « Wanted: Sad, Triumphant Rock Band ».
Le rock comme thérapie de l’ennui.
Le patronyme lui aussi en disait long : Explosions In The Sky. Le désir étant manifestement de sortir de sa coquille et de faire exploser sa petite boite à musique vers les célestes sommets. Au compteur, cinq albums studios avant le petit nouveau qui se présente à nous.
Depuis un décevant Take Care, Take Care, Take Care (2011) j’avais perdu la trace de nos amis mais aujourd’hui le sigle EIST déboule de manière triomphale avec, dans sa musette, neufs titres inédits qui viennent composer le sémillant The Wilderness.
Il me faut alors décortiquer la bestiole car de prime abord, une écoute distraite et incomplète de cet arrivage pourrait engendrer de sérieuses fluctuations selon le contexte d’écoute. Il faudra s’armer d’un scalpel finement aiguisé car le corps est complexe, prendre le casque pour déceler les infimes parties cachées, repasser maintes et maintes fois la bande pour en retirer la substance.
Tout commence dans des fondations aux profondeurs solennelles. Le titre qui donne son nom à l’album expose une vision discrète mais néanmoins inspirée où se mêlent une douceur hypnotique et quelques expérimentations électroniques progressives. La nature sauvage est ici mise en exergue par une traduction vive qui, petit à petit, nous conduit aux dernières secondes d’émerveillement. Un peu plus d’une minute pour plonger de l’introduction à la prise de pouvoir.
La suite comme le reste est incroyablement imagée, les américains parvenant à fructifier leur expérience de l’illustration cinématographique. Il est vrai que leur discographie est à ce jour aussi fournie en la matière qu’en termes d’expériences solitaires. The Ecstatics est comme un déchiffrage de l’irréel avec ses graduations séquencées, ses effets à sensation aussi sobrement délivrés que mathématiquement alambiqués. J’avoue avoir toujours eu de grandes difficultés à appréhender les sciences (doux euphémisme) étant plus friand des affaires irrationnelles.
Heureusement, l’ambivalence symptomatique de l’exaltation et de l’esprit permet de dissoudre l’énigme dans une version agréable où la perte de contrôle d’une batterie décalée répond à un piano séraphique qui vient flirter avec nos oreilles attentives. L’écoute de Tangle Formations est fortement agréable et la scission vers une seconde partie harmonique accélérée nous invite sur les plages d’un post rock abordable qui n’est pas sans nous rappeler quelques compositions des trop méconnus irlandais de God Is An Astronaut. Les guitares s’habillent alors d’effets filandreux afin de nous offrir une des plus belles démonstrations de jubilation bruitiste.
Les morceaux s’enchainent sans transition, les neufs pièces composant finalement un tout indivisible (ou presque).
Passé les trois premières pistes, la basse de Michael James se revêt de formes plus abruptes. Déclenchement d’une métamorphose des sons et des humeurs. L’épaississement est alors redoutable. Nous passons d’un quasi silence aux accords massifs d’un orgue. Tels des tables gigognes déglinguées, une idée cache une autre idée encore plus folle. Tout devient plus dur, plus dense !
Ma perception devine les larsens prodigieux piqués aux illustres canadiens de Godspeed You ! Black Emperor. Les cordes se disloquent avant qu’un double rebondissement dans le scénario ne conduise l’auditeur dans un psychédélisme aux arpèges d’un velouté exquis. Logic Of Dream marque ainsi les multiples tournants qui s’opèrent au sein même des éléments. La musique est antistatique. Une expression d’un recueil qui, au même titre que chaque jour faisant, enlace le Bien et le Mal dans une valse qui procure le tournis.
Disintegration Anxiety avait été présenté plusieurs mois avant la sortie de l’album. La structure y est plus classique avec ses guitares saturées et répétitives qui reprennent la main sur un ensemble tout bonnement efficace !
Ici quelques bourdons furtifs, là des pincées d’ardeurs contenues empruntées aux écossais de Mogwai, ailleurs une chimie qui transcende les surfaces trop planes …
Il y a de la lumière dans ce nouvel opus, agrémentée de nappes infinies, quelques coups qui cognent en arrière-plan laissant un certain choc olfactif lorsque les suspensions sont abrégées.
Infinite Orbit vient poindre du haut de ses acrobaties rythmiques. Nous sommes au sein d’une escalade sensorielle mais la quête qui laissait supposer l’extase des cimes est expressément avortée … C’est là où, à mon sens, l’album pêche le plus. Le fait de trop vouloir démontrer la palette des talents, de mettre sur la table un paquet d’affrètements pointus sans approfondir chaque particule. Le trouble est amer lorsque le va-et-vient est incessant.
Je pourrais relever à décharge la qualité de production, John Congleton venant au titre de co-producteur dorer d’une certaine ambition la multitude de ramification de The Wilderness. Une sorte de puits sans fond dans lequel nous pourrions bien nous perdre. Si les épis sont parfois brossés dans le sens du poil, les ombres pas forcément usées jusqu’à la corde, il n’en demeure pas moins que les protégés du label Bella Union pourront encore étoffer leur qualité en insufflant ici et là une intuition cathartique brûlante. Pour le moment, l’instant est plus à la méditation et par ricochet l’introspection agréablement salvatrice.
L’album est sorti le 1er avril dernier et est en écoute sur spotify :
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