[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#826d49″]I[/mks_dropcap]l est parfois de ces petits riens. Des gestes du quotidien. Des attitudes, des postures qui nous renvoient à notre propre existence ou, au mieux, à celles de nos proches. Quant à changer de disque et à regarder ce qui se passe en dehors de cet univers très restreint – mais si confortable il faut bien l’avouer – c’est une autre histoire.
Christophe Chabouté s’intéresse plutôt à cette histoire-là. Celle qui, faite de petites choses insignifiantes, en dit long sur tout le reste et notre société du 21e siècle. Avec Fables Amères, dont le tome 2 est sorti chez Vents d’Ouest (Glénat), il nous livre ainsi une dizaine de mini-récits, qui n’en sont pas moins édifiants.
Tout en noir et blanc, comme pour aller à l’essentiel, l’ouvrage fourmille de détails futiles, de faux semblants, de comparaisons saugrenues. Les traits des personnages sont appuyés, dégoulinant de faux bons sentiments. Parfois ils sont laids alors qu’ils cachent une belle humanité. Parfois c’est l’inverse, ils se trouvent beaux dans un miroir dont nombre de reflets leur échappent.
Les dialogues ne sont pas toujours présents car pas nécessairement utiles. Le dessin seul vaut alors mille mots, tandis que les maux de notre société flirtent avec l’indifférence crasse, la bêtise, la technologie toute puissante.
Des préjugés au racisme, il n’y a qu’un pas et, avec Fables Amères, Chabouté l’illustre à merveille. Petit aparté : « Nous et les autres, des préjugés au racisme« , c’est le sujet d’une très intéressante exposition du Musée national de l’Homme présentée jusqu’au 12 juillet à Nantes, à l’Hôtel du Département. Si cela vous intéresse, n’hésitez pas à la visiter.
Mais revenons à nos moutons, noirs ou pauvres ou malades de préférence : cet homme trafiquant de drogue est-il bien celui que l’on imagine ? Et que fait ce monsieur aux cheveux hirsutes que l’on découvre en train de s’habiller sur une plage paradisiaque ? Quant à cet orateur qui vocifère devant une foule vindicative, qu’a-t-il à voir avec la personne assise devant lui au premier rang et qui tarde tant à se lever pour chanter l’hymne national ?
Les pages de la BD se feuillettent avec intérêt. C’est vite lu mais on a plaisir ensuite à y revenir, à s’attacher au détail que l’on n’avait pas vu. On prend plaisir à se dire qu’on s’est fait piéger. Un plaisir quelque peu coupable quand même, car il nous place sur un pied d’égalité avec toutes et tous ceux qui, dans l’ouvrage même, passent à côté de l’essentiel.
Chabouté quant à lui prend son temps, à l’image de la nouvelle sans parole qui, entre les pages 33 et 46, nous offre un point de vue unique sur… une pharmacie. Ce récit-là se révèle même longuet. Mais c’est fait exprès. On ne vous dit pas pourquoi, ce serait trop facile.