Ce regard noir qu’elle arbore sur la couverture n’augure rien de bon. Ses yeux sont revolver. Dans sa main droite d’ailleurs, elle en tient un, fermement. La suite est à découvrir au fil des 104 pages de Gramercy Park (Gallimard), du nom de l’espace vert qui sépare cette mystérieuse femme, apicultrice, d’un caïd de la pègre. Fascinant et prenant.
La consolation a un prix. Parce qu’elle n’est pas aisée, pas facile à trouver. Danseuse prometteuse de l’Opéra de Paris, amoureuse transie, femme de l’exil, délaissée puis meurtrie, Madeleine en sait qu’elle chose.
Elle aurait pu tout pardonner à son Américain maudit, à son Jeremiah, si celui-ci lui avait au moins légué un souvenir marquant, indélébile, de ceux qui font de vous une mère aimante et protectrice. Mais seuls restent quelques malheureux souvenirs nourris d’alcool et de petites combines.
Gramercy Park témoigne du parcours de cette femme, multipliant les flash back entre sa vie d’avant – comme autant de clefs de compréhension du puzzle – et sa vie d’aujourd’hui, en grande partie passée sur un toit-terrasse situé en plein cœur de New-York, dans les années 50. Madeleine s’y occupe de plusieurs ruches. Un œil sur les abeilles, un œil sur son voisin d’en face, le très craint Georges Day, objet de l’attention de deux inspecteurs qui n’attendent qu’un faux pas pour le coincer…
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Le tempo de la BD est à la fois rapide et lancinant. L’écriture de Thimothée de Fombelle est précise. L’auteur sait parfaitement où nous emmener. Entre deux immeubles, qui campent au milieu du paysage urbain, surgit la nature, dont les abeilles constituent un symbole narratif récurrent. Astucieux.
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Le récit est servi par des couleurs parfois vives, saturées de rouge, mettant en exergue le mélo des situations. Mais la plupart du temps, l’ambiance est noire et sombre, comme pour souligner la torpeur poisseuse qui saisit les personnages, du comptable au garde du corps, du caïd au chauffeur de taxi. Le crayonné ligne claire de Christian Cailleaux participe à la construction en poupées russes du scénario.
Au final, on ne peut que faire son miel de la lecture de cette BD, où l’émotion le dispute aux larmes, et où le polar noir se raconte avec la brutalité froide qui sied au genre. Un exercice de style rigoureux en même temps qu’une esthétique inspirée.
Pour feuilleter quelques pages :