Toutes les semaines jusqu’au 18 juillet, retrouvez une sélection hebdomadaire de conseils de lecture pour vous accompagner cet été.
Les choix de Marion
Dans l’Italie de la Renaissance, la jeune Bianca est en âge de se marier et on lui a déjà désigné un époux en la personne du séduisant Giovanni. Mais à une époque où les hommes et les femmes ne se côtoient pas, il lui paraît difficile de lier sa vie à celle d’un parfait inconnu. Heureusement, sa tante a la solution : une “peau d’homme”, léguée de mère en fille, qui permet à celle qui la revêt de prendre l’apparence de Lorenzo, un jeune homme à la beauté stupéfiante. Bianca va pouvoir découvrir d’un œil nouveau sa ville natale, elle qui avait si peu de libertés en tant que femme. Idéal également pour apprendre à mieux connaître son futur mari ! Sauf si Giovanni tombe amoureux de Lorenzo … Que faire de son secret ? D’autant plus que ce “triangle” amoureux n’est pas son seul problème : le puritanisme guette et cherche à prendre le contrôle de cette ville aux mœurs assez libérées. Bianca va progressivement ouvrir les yeux sur cette société qui bride les femmes sous couvert de morale, dénigrant leur plaisir et leur liberté.
Sous couvert d’une fable comique, Peau d’homme questionne le rapport au genre et à la sexualité … Mais pas que ! Religion, égalité, libération des mœurs … Autant de sujets que l’ouvrage aborde avec brio et qui semblent toujours d’actualité malgré la différence d’époque !
Peau d’homme par Hubert et Zanzim
Editions Glénat, collections 1000 Feuilles, juin 2020
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L’Hérétique, une guérisseuse du XVIe siècle obligée de fuir pour échapper aux accusations de sorcellerie.
Federica, militante communiste italienne dans les années de plomb, qui se désole de l’inaction de ses camarades.
Ruth, ménagère moyenne américaine qui expérimente en elle les prémices du féminisme en pleine guerre du Vietnam.
Ioulia, femme superficielle dans la Russie de la fin du XXIe siècle, qui pense que sa beauté lui permettra de se sortir de toutes les situations.
Et enfin Ispao, être d’un futur et d’un genre indéfini, qui souhaite se libérer des croyances qui entravent son peuple.
Ces cinq personnages n’ont en apparence rien en commun, et pourtant … Derrière leurs histoires qui s’entremêlent se cache un désir d’émancipation, le refus de renoncer et une ode à l’action collective contre l’inertie de nos époques.
Pour son premier roman, Elyse Carré nous offre une oeuvre chorale dense (un peu plus de 700 pages tout de même !) mais fluide, où les points de vue des différents personnages s’enchaînent naturellement.
Ne laissez pas la taille du livre vous rebuter, et plongez dans ce récit qui pourra parler à tout le monde, entre roman d’aventure, conte philosophique et oeuvre féministe.
Les Hérétiques d’Elyse Carré
Editions Inculte, juin 2020
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Le choix de Gringo Pimento
Paru chez Agullo dans la collection Noir, Spada commence comme un bon polar bien mystérieux et glauque. En Roumanie, un truand est retrouvé égorgé. On s’émeut, un peu mais pas trop. C’était une ordure et en plus une ordure rom. Quand un deuxième rom disparaît de la même manière, on commence s’interroger. Un serial killer qui s’en prend aux truands roms ? Après tout cela sert presque la police, les racistes et la Roumanie en général. Les meurtres vont continuer et l’auteur Bogdan Teodorescu va les égrainer comme une petite musique tout le long de son roman. Mais en même temps, il part une autre direction et délaisse complètement le côté noir polar de son histoire pour s’attaquer à la politique, aux politiciens, aux journalistes. Et là, Spada prend une dimension surprenante : on entre de plein pied dans la politique fiction. Entre vieux journalistes à la solde du pouvoir, prêts à n’importe quelle compromission, politiques opposant au pouvoir, politiques au pouvoir. Qui va tirer son épingle du jeu et jusqu’où iront-ils ? Loin, nous vous l’assurons.
Nous sommes sans défense en tant qu’État, en tant que système, en tant que nation et en tant qu’individus.
Spada, c’est le portrait désabusé d’une Roumanie à la solde de ses élites, jeu de dupes entre journalistes, pays où les citoyens sont pris en otage … N’en rajoutez pas. Toute ressemblance est fortuite ? En tout cas, libre au lecteur de voir des points communs entre la Roumanie et son propre pays européen.
On pense parfois à GB84 en lisant Spada. Mais là où David Peace finissait par presque perdre son lecteur à force de vouloir le tromper, Teodorescu reste plus terre à terre. Il nomme, dénonce et pratique une ironie tirée à la mitraillette.
Les communautés sont montées les unes contre les autres, les roms stigmatisés, là aussi toute ressemblance …
Spada est un grand roman qui montre jusqu’où la politique peut mener dans un pays miné par la corruption. Nous sommes ébahis de ce que nous raconte Bogdan Teodorescu et finalement, nous sortons de la fiction et de la Roumanie pour aussi nous interroger sur notre propre pays.
Spada de Bogdan Teodorescu – traduit du roumain par Jean-Louis Courriol
Paru chez Agullo, mai 2016
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