Une promenade dans la forêt, au-dessus de Neuchâtel, en Suisse, c’est le point de départ de Les arbres quand ils tombent, de Fanny Wobmann, une méditation sur la mémoire, la nature politique des relations humaines et le processus d’écriture, qui emmène le lecteur en fréquents aller-retour de la Suisse à Madagascar, en passant par le Rwanda. Tous lieux où a vécu Fanny Wobmann, l’auteure, lorsqu’enfant, elle pérégrinait avec sa famille à la suite du père, employé comme conseiller technique auprès de la coopération forestière suisse.
La narratrice Fanny se remémore les images de Madagascar, l’amitié avec Irina, la petite voisine malgache; les sorties en famille à la plage; les visites impromptues des voisins curieux tentant de jeter un œil à l’intérieur de la maison des Blancs; les « domestiques » Aro et Mariama aussi, qui sont autant de repères du passé.
Plus anciennes et presque effacées sont les images du Rwanda d’avant le génocide, alors que Fanny était dans sa prime enfance. Que reste-t-il de cette période ? Pas grand-chose, sinon un film documentaire tourné par deux journalistes pour la télévision suisse. Dans ce film, que la narratrice finit par obtenir et visionner, l’histoire de la famille n’apparaît pas aussi grandiose que ce que les souvenirs veulent bien laisser croire, le quotidien moins remarquable, plus ambigu.
Le père et la mère sont les figures emblématiques qui rythment toute la narration, le père un peu effacé (il est souvent déjà parti, ou pas encore parti, vers un ailleurs), la mère d’aujourd’hui réticente à se rappeler celle qu’elle a été. Plus encore qu’avec ses deux sœurs plus jeunes, c’est avec Nirina que Fanny a noué des liens qui, plusieurs années après, se sont distendus. Les emails, le projet de livre, et une visite à Fianarantsoa sur les lieux de l’enfance n’y pourront rien, l’amitié enfantine n’est plus. L’enfance n’est plus. La vie d’expatriés n’est plus qu’un mythe.
« Nirina parlait très bien le français, même si ce n’était pas la langue qu’elle pratiquait à la maison. A force de passer tout mon temps avec elle, avec ses sœurs, avec mes camarades de classe, mon accent a changé. Je parlais comme elles et eux. Lorsque je suis rentrée en Suisse, on m’a dit que je m’exprimais bizarrement. J’aimais cette particularité. J’étais fière d’être imprégnée de ma vie là-bas. »
─ Fanny Wobmann, Les arbres quand ils tombent
Les arbres, ce sont les repères stables sur lesquels la mémoire s’appuie. Nous avons tous planté de tels arbres tout au long de notre existence. Ils cachent la forêt des sentiments et des choses plus obscures encore des narrateurs de nos vies, que nous sommes.
Fanny Wobmann est née en 1984. Elle est metteuse en scène et comédienne, notamment au sein de la compagnie Princesse Léopold (La forme, la marée basse et l’horizon, 2013-2014, Voyage voyage, 2017, Rock’N’Roll Star 2019-2021). Les arbres quand ils tombent est son troisième roman après Nues dans un verre d’eau, Flammarion (2017) et La poussière qu’ils soulèvent, L’Hebe éd. (2013)