[dropcap]L[/dropcap]yon, ville d’enfance de l’auteur de L’Ange rouge, est peut-être le personnage principal du nouveau roman de François Médéline, qu’on a connu auteur de roman noir politique sur fond d’années 70 avec La politique du tumulte, de roman introspectif et hanté avec Les rêves de guerre, de conte cruel et moderne avec Tuer Jupiter (tous trois parus à la Manufacture de livres). Avec L’Ange rouge, il fait officiellement son entrée dans la cour des grands auteurs de polar, assume pleinement son choix, ses influences et son attachement au genre tout en soignant son style reconnaissable entre mille, le rythme et la structure du roman, donnant ainsi à son lecteur le double plaisir d’une littérature exigeante et d’un « page turner » sans complexes.
La scène d’ouverture de L’Ange rouge relève du pur thriller : fin des années 90, nous sommes à Lyon, précisément à la confluence entre Rhône et Saône, un lieu symbolique des racines de la ville. Le hors-bord de la brigade fluviale achemine ses passagers – la capitaine Nicole Piroli, dite Mamy, le commandant Alain Dubak, personnage principal et narrateur du roman, accompagnés du capitaine Weber qui pilote le bateau. Là-bas, sur la rive, dans une mise en scène digne d’un film d’horreur, l’objet du délit. Un corps d’homme nu, ligoté sur une croix, mutilé, le visage lacéré par un tatouage à vif : une orchidée sanglante parfaitement dessinée… Les personnages principaux sont en place : Mamy, maîtresse femme, portée sur la castagne, les Dragibus, les Gauloises, la bière et le Scrabble, veuve depuis longtemps. Dubak, l’enquêteur qui fait son retour aux affaires après une absence due à une enquête particulièrement difficile. Dubak, angoissé de première, hanté par des souvenirs et des traumatismes d’enfance, sobre depuis plus de quatre ans, obsédé par son ancienne compagne Alexandra qui l’a quitté cinq ans auparavant, insomniaque, solitaire. Plus tard, nous ferons la connaissance de Véronique, la procédurière de l’équipe. Les archétypes du polar moderne sont là, bien en place, et tiennent parfaitement leur rôle. La victime, quant à elle, va prendre d’emblée sa place dans la galerie des fantômes de Dubak :
« Le crucifié était là, en moi. Il voulait que je l’aime. »
Dubak est persuadé qu’il s’agit d’un crime homosexuel. Allez savoir pourquoi… Encore faut-il identifier la victime. Et l’auteur ne nous épargne rien des détails de l’autopsie… Le malheureux s’appelle Thomas Abbe, il est le fils d’une Allemande installée depuis trente ans dans un mobile home perché dans les monts du Lyonnais :
« C’était un genre de Patti Smith rurale : elle puait le mystère et le sexe. »
Thomas a un lourd passé judiciaire : fugues, dope, racolage… Récemment il s’était engagé dans un groupuscule militant. Rien qui justifie une mort aussi épouvantable…
L’enquête démarre, et avec elle l’exploration de la nature des humains impliqués dans cette vilaine histoire. A commencer par les enquêteurs eux-mêmes, qui entretiennent des relations en montagnes russes, entre tendresse et violence. Une héroïne féminine particulièrement réussie, Mamy, figure maternelle de l’équipe – figure paternelle aussi, à l’occasion… Dubak, beau gosse, séducteur malgré lui, indisponible à toute relation amoureuse, qu’on suit dans ses errances à travers Lyon et les méandres de ses obsessions qui ont tendance à prendre le dessus. La ville de Lyon, bien sûr, présente à tout moment, que Dubak sillonne à bord de sa Xsara, avec ses quartiers, ses faubourgs, son histoire, ses secrets. Une enquête menée dans le chaos et sous adrénaline, qui butera sur d’autres cadavres… Des hypothèses, des « twists », des pistes vraies ou fausses – le milieu artistique lyonnais, une vieille histoire américaine…
En tournant la dernière page de L’Ange rouge, on ne peut que se consoler en apprenant que ce roman est le premier d’une série et qu’on retrouvera prochainement le très mystérieux Dubak. Car la personnalité et la vie du héros ne sont pas l’énigme la moins passionnante du roman. Sans aucun doute, si vous ne lisez qu’un polar cette année, choisissez celui-là, qui sait exprimer le meilleur du genre sans jamais prendre son lecteur pour ce qu’il n’est pas : un imbécile.
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L’Ange rouge de François Médéline
La Manufacture de livres, septembre 2020
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