[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#800000″]L[/mks_dropcap]e choix de l’exil dans le Grand Nord pour enregistrer cet énième album (en réalité le quatorzième stricto sensu) n’est finalement, s’agissant de New Model Army, pas un vrai sujet d’étonnement. Les paysages insulaires de la Norvège, ses espaces ouverts et naturels, collent assez bien à la mystique païenne et au lyrisme entre chien et loup du groupe de Bradford. Un peu comme quand Jaz Coleman de Killling Joke, groupe à l’esthétique assez proche, allait se perdre en Islande. On les aurait moins vus, à vrai dire, prendre la direction de Kingston ou de Nassau.
L’appel du large aura en tout cas été bénéfique. From Here renoue avec les plus grandes heures du groupe, celles où, teintant son post-punk d’un folk échevelé, il avait éveillé l’intérêt d’une partie du public indé au-delà de sa fanbase originelle. À partir de The Love Of Hopeless Causes (1993), NMA avait connu un coup de mou, perdant son sens de la percussion sans rien gagner sur le fond. Sa façon exemplaire d’entraîner l’auditeur dans sa sarabande et d’occuper l’espace avec une certaine économie de moyens s’était étiolée. Mais on sentait bien, depuis Between Dog And Wolf (2014) notamment, que la mayonnaise reprenait et que le quintet, stabilisé depuis l’arrivée de Ceri Monger à la basse, retrouvait la formule gagnante. From Here concrétise pleinement tous les espoirs que l’on avait replacés en eux.
Deux passages de l’album cristallisent ce sentiment de plénitude retrouvée. Après l’ouverture Passing Through, sombre, atmosphérique et intense avec son final péplum, le fantastique trio Never Arriving – The Weather – End Of Days, surtout le deuxième, nous ramène à l’époque bénie de The Ghost Of Cain, à cette alchimie entre guitares électriques et acoustique. On y retrouve cette simplicité, ces refrains qui tapent dans le mille. Sur End Of Days, Monger sonne comme Stuart Morrow, le bassiste des débuts, et on ne va pas s’en plaindre. Avec la batterie martelée de Michael Dean, la section rythmique fait des ravages.
New Model Army retrouve la grâce sur les deux derniers longs titres du disque, un Setting Sun plus apaisé, sur lequel Justin Sullivan se laisse porter par une sorte de gospel viking sur la fin, et le morceau-titre, introduit par une partie de piano peu commune pour le groupe et qui monte progressivement, conservant tout du long une délicieuse qualité mélodique renforcée par les chœurs de ses musiciens.
Cette contribution chorale est d’ailleurs judicieusement distillée sur tout l’album, souvent pour accompagner les morceaux vers leur climax comme sur Hard Way, qui traite de la pédagogie de l’échec et sonne comme une prière déviante sur des percussions à contre temps. Watch & Learn est le plus rentre-dedans, sans que la véhémence ne touche à l’épuisement de l’auditeur, tandis que Where I Am évoque les Stupid Questions et Get Me Out d’antan par la concision de sa forme enjouée et sa façon de ne pas s’embarrasser de fioritures.
Le quintet joue merveilleusement du contraste entre équilibre et lumière dans la disposition des morceaux, emmené par un Justin Sullivan toujours enflammé. C’est lui, bien sûr, qui emporte le morceau par sa verve, son bagout et sa rage. Sa capacité de révolte est intacte. Sa voix s’est un peu nasalisée sur les passages mezzo voce, mais sa passion évidente pour la musique et son groupe de toujours lui permet de conserver sa fougue et de faire toujours fructifier son talent. New Model Army est un groupe qui peut paraître intimidant ou un peu ridicule, c’est selon, avec son vieux gourou illuminé, sa troupe d’adorateurs dévoués (la « Family »), ses rites, les filles qui montent sur les épaules des garçons pendant les concerts pour faire des arabesques avec leurs bras. Tout ce folklore, qui a succédé au folk de la période 86-92, ne doit pourtant pas éclipser sa valeur ou faire minimiser son importance. Sullivan a déclaré que NMA appartient à tout le monde, et il a bien fait.
Alors non, From Here n’est pas un énième album, et on ne l’aime pas par fidélité à ses auteurs ou par indulgence pour services rendus, mais parce qu’il compte déjà beaucoup pour nous.
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From Here de New Model Army
sorti paru chez E-a-r Music, août 2019
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Très bonne chronique, je trouve aussi que ce dernier album de New Model Army est réussi et intense, il me paraît aussi plus homogène que leur précédent « Winter » de 2016. Dans les morceaux non cités dans la critique j’aime également beaucoup « Conversation » et « Maps » qui pourraient être sortis du fabuleux album solo acoustique de Justin Sullivan « Navigating by the stars ».
Par contre:
« À partir de The Love Of Hopeless Causes (1993), NMA avait connu un coup de mou, perdant son sens de la percussion sans rien gagner sur le fond. Sa façon exemplaire d’entraîner l’auditeur dans sa sarabande et d’occuper l’espace avec une certaine économie de moyens s’était étiolée. »
Je trouve quand même qu’il y a eu de bons voire très bons albums entre « The love of hopeless causes » en 1993 et « Between dog and wolf » vingt ans plus tard, certains opus un peu inégaux certes (« Carnival », « Strange brotherhood ») mais d’autres me paraissent plutôt aboutis comme « High » et « Eight »…il y a toujours des pépites dans ces albums, des refrains et mélodies accrocheurs, et bien sûr la voix unique de Sullivan.