Avec le bide du film sur Steve Jobs et la morne sitcom Silicon Valley, on ne peut pas dire que la technologie fournisse beaucoup de matière intéressante à la fiction – sauf à la transcender avec des cadors comme Fincher et Sorkin pour The Social Network.
Halt and Catch Fire, heureusement, ne parle pas vraiment de technologie. Même si la trame met en scène quatre têtes plus ou moins grosses essayant de percer dans le milieu de la micro-informatique naissante des années 80, ce n’est là qu’un support d’écriture basée en réalité sur la construction de personnages forts et, chose rare, remarquablement équilibrés, si bien qu’après une saison entière, on serait bien en peine d’en désigner le leader.
L’autre mérite de la série d’AMC est de ne pas sombrer dans les clichés habituels des 80’s au niveau du décorum (les décors, costumes, coiffures et maquillages restent assez sobres, la BO très pointue évite les poncifs de l’époque) tout en en saisissant l’esprit, l’air du temps où s’entrechoquent l’élan post-punk libertaire, le spleen de la middle class, la technologie déjà perçue comme moins libératrice qu’asservissante et la méthode Coué grandiloquente du business-roi.
Englués dans leurs certitudes et leurs échecs passés, les personnages gagnent constamment en épaisseur et en nuances à mesure qu’ils trébuchent et se relèvent, tendus vers leur but, cette machine qu’ils espèrent être la percée décisive de leur propre existence, une révolution technologique mais surtout intime. Et si Halt and Catch Fire semble parfois souffrir d’un rythme chaotique et suivre des arcs narratifs en forme de cul-de-sac (comme d’ailleurs ses prestigieuses devancières Mad Men et Breaking Bad, elles aussi ancrées dans l’inassouvissement), c’est pour mieux sortir des sentiers battus, roublarde et racée.
Vivement la saisons 2 !
Arriver à écrire un scénario haletant avec de l’informatique pure et dure (et néanmoins dépassée puisque l’action se passe en 1983), je trouve que ça tient de l’exploit !