***attention, spoiler***
Faut-il se réjouir de la reprise de Homeland sur nos petits écrans ?
On pouvait déjà se réjouir de la fin de la troisième saison, qui faisait le choix libérateur de faire mourir l’un de ses personnages principaux, permettant ainsi à la série de Howard Gordon et Alex Gansae de se renouveler. Se renouvelle-t-elle donc suffisamment ? On retrouve les images d’une caméra qui se faufile, tremblante, dans les recoins de cadres sombres et travaillés, les mêmes décors, les mêmes acteurs et les mêmes problématiques. Cette problématique extrêmement délicate quand nous la laissons aux mains de la réponse américaine : les dilemmes moraux intrinsèques à la guerre contre le terrorisme.
L’agent Mathison (Claire Danes) supervise à présent les opérations de bombardement par des drones près d’Islamabad pour éliminer les terroristes. Sauf que l’opération à laquelle nous assistons dans le premier épisode touche »par erreur » le mariage de membres de la famille du dit terroriste recherché. Le jeune survivant tremblant pakistanais ne rêve (pas encore ?) de revanche mais la réponse des hommes de la rue est la lapidation pure et simple d’un agent secret (plus secret, du coup). Ça se veut complexe mais ça l’est pas tant que ça – même pas du tout.
La réelle complexité se concentre dans le personnage de Carrie Mathison. Cette dernière en a terminé des crises d’angoisse qui la faisaient passer pour folle aux yeux de tous. Elle est devenue dure comme la glace, mise à distance du monde par un chagrin qu’on lui devine trop grand et trop lourd à porter sans bouclier. Là voilà donc insensible à ce qui l’entoure, remarquant à peine le sang sur son visage, ni les cris de sa fille bébé. Détonant singulièrement de ses acolytes hommes qui ne supportent plus toute cette violence gratuite. C’est touchant et juste de parler de la douleur et du deuil en ces termes-là.
Il y a quelque chose d’intéressant dans le fait de faire d’une héroïne quelqu’un qu’on ne peut plus suivre. Quand tout le monde la pensait folle dans les saisons précédentes, nous savions, nous, qu’elle ne l’était pas. On n’est plus aussi sûr à présent qu’elle ne devrait pas être prise en charge car son insensibilité en fait un danger ambulant pour la sécurité à toutes les échelles, privées comme publiques.
Intéressant mais dangereux : jusqu’où serons-nous prêts à l’accompagner dans tout le refoulement qu’elle exprime, dans toute la violence qu’elle renferme ? Jusqu’à quel point pourrons-nous la détester sans décrocher ? Il faudra que la saison continue aussi fin psychologue qu’elle n’a commencé, et sans s’épuiser, ce qui n’est jamais gagné d’avance.
Affaire à suivre, donc.