House Of Wolves est le projet solo de Rey Villalobos. Après un très beau premier album, Fold In The Wind sorti en 2011 c’est avec le frissonnant Daughter Of The Sea qu’il revient. Un album qui hérisse les poils et vous retourne l’estomac si vous prenez le temps et le soin de vous y plonger avec solennité. Si j’utilise ce terme fort de « solennité » c’est parce que c’est avec respect et précaution que l’on se doit d’aborder cet album. Cet opus regorge de minutes somptueuses.
La musique et le talent d’un musicien prend tout son sens avec des bijoux tels que Daughter Of The Sea. La délicatesse du clavier de Rey Villalobos convaincra les plus frileux. Inspiré, appliqué, emprunt d’une sensibilité rappelant les débuts de Mike Hadreas (Perfume Genius) voire même Elliott Smith.
Certes, l’histoire est simple, l’auteur doute, a peur, souffre, nous raconte ses déceptions amoureuses, sa souffrance… mais la simplicité, la beauté d’âme, la pureté et le talent du songwriter nous sauve des litanies habituelles et nous immerge dans un espace temps indéfini où plus rien (excepté vos « sens » ) n’a d’importance.
Cet opus débute tout en délicatesse avec le titre introductif Beautiful Things et ces mots « I heard you’re something walking through your windows » … Le piano, instrument cher au coeur de notre chanteur depuis l’enfance, prédomine ce morceau éthéré et emprunt d’une splendide mélancolie.
L’enchaînement avec le titre éponyme de l’album, Daughter Of the Sea, s’engage avec raffinement. La guitare acoustique prend le relais, accompagnée d’enregistrements de bruitages de la campagne irlandaise effectués au fil de la composition de cet album. Happés par « la fille de la mer » , nous déposons les armes, submergés par tant de justesse émotionnelle.
Le troisième titre, One, reste probablement un des plus bouleversants de ce (trop) court opus… La voix de Rey Villalobos s’infiltre dans chacun des pores de votre peau, un à un, seconde après seconde. Vous tentez de vous accrocher (après tout des complaintes folkeuses vous en avez entendu des centaines) mais vos poils se hérissent et les frissons vous parcourent. La magie opère, obsédante. Vous cédez.
L’envoûtement se poursuit avec la rythmique acoustique de la guitare de Martians que vous vous surprendrez à fredonner naturellement tant elle traversera vos entrailles. Et puis, Take me to the Others et ces « it’s ok » se voulant rassurant mais dont on devine la douleur débordante.
Puis arrive le titre le plus simple qu’il soit donné pour une chanson d’amour : Love. Avec sa voix éraillée aux reverb’ naturelles renversantes Rey Villalobos nous confie sa détresse et l’amplifie par son écho. Un écho bouleversant. Vous tremblez.
Les deux derniers morceaux, Rain et Just Shy Of Survival, sont courts et intenses et forment avec les 6 autres morceaux égrenés ci-dessus un album pour lequel nous nous devons à présent de nommer comme il se doit : CHEF D’OEUVRE !
C’est à l’intime de chacun d’entre nous que Rey Villalobos fait appel avec Daughter of The Sea. Cet intime que nos vies « sociales » nous interdisent. Là où tout est public, étalé, affiché, commenté, (sur)documenté, le musicien fait appel à la contemplation et à l’introspection.
Après l’écoute de cet album ce constat m’a semblé édifiant sur ce point. L’intime.
L’intime a-t-il encore une place dans nos vies ? Lorsqu’il surgit subrepticement à l’encontre d’une telle oeuvre c’est que tout n’est pas perdu. Mais ne devrions-nous pas l’entretenir ? Cet état de grâce dans lequel cette écoute m’a projetée est déconcertant mais tellement rassurant. Se retrouver soi-même face à ce « moi » qui n’appartient à personne, celui que l’on se doit de protéger. Certes, nous vivons au 21ème siècle, celui de l’exposition et de la médiatisation mais si nous décidions qu’une part de nous restera à nous, rien qu’à nous et que nous ne la partagerons qu’avec notre « moi » ?
Rey Villalobos a su, en 25 minutes, me chambouler comme rarement je le fus. Je souhaite à chacun d’entre vous de le découvrir avec la même profondeur.
Émue, je suis.
Participez à la campagne de financement de la version vinyle de l’album organisée par Microcultures.
En écoute sur Bancamp et Soundcloud
Produit et mixé par Darragh Nolan.