Le père de James Sacré décède le 1er avril 2001, resté discret jusqu’au bout. La mécanique de la disparition s’enclenche, les silences se placent « entre l’enfance jusqu’à demain ».
Ce livre, Portrait du père en travers du temps, publié en 2009 aux éditions La Dragonne, est un outil de deuil et de travail sur la langue que nous donne à voir le poète James Sacré. Le texte est accompagné par des lithographies du peintre et éditeur Djamel Meskache. Au delà de l’intime, il y a de la langue qui, chez James Sacré, sans cesse s’interroge et se met en mouvement.
Deuil
Ce livre fait bien plus qu’évoquer ce long travail d’apprentissage face à la mort d’un parent. De 2001 à 2007, Sacré y interroge les langues, les souvenirs, le temps voire le poème lui-même. Au fil de ce travail, dont nous ressentons l’effort chaque page tournée, le poète fabrique des fragments de portrait du père, par interrogations successives. Pour la réalisation du portrait, il y a aussi les autres pères, les autres disparitions, les autres banquets de familles… Parce que le souvenir est à l’épreuve du temps. Le temps travaille la mémoire, Il sculpte les mots où le père va continuer à vivre.
Paysages et mots
Parfois, on pense au défunt sans même s’en apercevoir, sans savoir pour quelle raison. Le paysage peut nous y faire repenser. Cette palette de paysage que James Sacré possède et mélange en lui-même. Le poète évoque à la fois Cougou (son village d’enfance en Vendée), le Maroc ou encore les états unis (auxquelles il consacre un recueil tentaculaire de 340 pages en 2010, América Solitudes aux Éditions André Dimanche). Ces gestes de mot soulèvent des éclats mélancoliques parfois très sombres, d’autres fois plus tendres. L’auteur tient en équilibre entre « le vide et le rouge des mots », concept pensant le mot comme chargé par l’ensemble de la vie. « Le mot rouge (fureur et la rouille à des endroits du monde) convient parfaitement pour tout dire » (in Si peu de terre, tout aux Éditions du dé bleu) A travers les phrases heurtées et hachées du poème, tout peut y être exprimé car les mots ne se perdent pas dans la phrase. Le mot est comme gorgé de ce que veut dire l’auteur.
Intime
Sacré parle, nous parle de son père et lui parle. Il le cherche et nous le montre dans le même temps. Il essaie de comprendre ce qui est encore vivant dans son évocation, dans ces mots qui l’évoquent. « Quoi donc est pourtant vivant dans ces mots que voilà écrit ». Le poème retrouve ou plus justement reprend la vie disparue. « La pensée semble penser dans son cœur qu’elle retrouve quelqu’un ». A travers un événement intime et douloureux, Sacré réussit à nous illustrer la puissance du mot et de son expression, entre travail intime et artistique.
Portrait du père en travers du temps de James Sacré (Editions La Dragonne, 2009).