Un jour comme un autre chez Addict :
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Jism ???
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ouais ???
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je te lance un défi, si tu veux bien le relever.
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Wesh gros, z’y va : moi je te les relève tous les défis !!!
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ce sera de faire la chronique du nouveau Jean Louis Murat.
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Ah ouais ??? Chouette alors. C’est pour quand ?
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Mardi prochain.
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Euhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh….
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ah oui, je ne t’ai pas dit : c’est un double, il y a 20 morceaux et fait 90 mns au compteur.
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Euhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh……………… (bruit de neurones qui s’entrechoquent, palpitations cardiaques, sueurs profuses, liquéfaction immédiate…) c’est une blague ???
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Nope
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je peux user de mon droit de retrait ?
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Nope
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on est le 10 octobre là, rappelle moi sa date de sortie ?
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Le 13
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c’est une blague ?????
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Nope
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bon… ben… prépare les thermos de café, appelle ma femme et dis lui que je ne serai pas dispo pendant les prochaines 72 heures. Tu peux le faire ??
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Nope
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Adieu…
Bon, ok, j’exagère un peu. La demande de la taulière d’Addict fut un tantinet plus cordiale et diplomate que cet échange plutôt farfelu.
Il n’empêche, malgré l’aspect grosse déconne, la problématique reste toujours la suivante : comment parvenir à écrire une chronique en trois jours quand vous n’avez pas encore jeté une voire deux oreilles sur le disque en question ? Et surtout quand la relation qui vous unit à l’artiste est du style compliquée ? Parce que Murat chez moi, c’est le gars capable de sortir des albums du calibre de Mustango ou encore Lilith ( des albums phares dans la variété française donc) et de faire des morceaux d’une niaiserie confondante, d’un ridicule parfaitement assumé ( exemple : comme au cinéma sur Vénus). Bref comme disait Serge Gainsbourg, entre nous c’est je t’aime moi non plus.
Alors qu’en est il de Babel ? Je t’aime ou moi non plus ??
Ben… après une première écoute du premier disque, il faut bien le dire : c’est du Murat pur jus, capable de beautés fulgurantes ( les ronces, mujade ribe) ou de morceaux sur la tangente ( chant soviet, blues du cygne) soulevant toujours le même problème chez moi : si sur le plan musical c’est assez souvent remarquable, le chant et le maniérisme de Murat ont parfois tendance à m’horripiler ( son interprétation Carla Bruniesque de la chèvre alpestre, heureusement sauvée par d’excellents arrangements, en est un bon exemple). Bon, heureusement, comme je le disais précédemment, il y a des sommets (dans la direction du crest, les ronces et son violoncelle obsédant, mujade ribe) qui permettent de compenser les morceaux un peu plus faibles. Au final, après 48 mns d’écoute, Murat joue l’équilibriste et, tel un chat à neuf vies, retombe à chaque fois sur ses pattes et s’en sort avec une facilité déconcertante. Il se dégage de ce premier disque une certaine légèreté, un équilibre entre pop, rock et variété parfaitement maîtrisé, voire même quelque chose de solaire dans l’irrésistible et très pop vallée des merveilles (contenant quelques réminiscences de la baie de Daho, c’est dire le niveau).
C’est plutôt confiant que l’écoute du second disque débute.
Avec le jour se lève sur chamablanc, minimaliste, intime, il confirme la très bonne tenue du premier disque et donne la direction suivie sur le second volet. Moins rock, plus orchestré, baigné par une mélancolie certaine, il laisse néanmoins un goût un peu étrange quand se termine le dixième morceau. S’il est bien plus intime, moins pop, l’utilisation de certains choeurs laisse songeur ( Morgane Imbeaud n’est pas Jennifer Charles et les mômes sur le camping à la ferme surprennent et désarçonnent.), on y retrouve d’étranges auto-citations ( chagrin violette, soit le Delano Orchestra revisitant de façon soul le polly jean de Mustango, ou encore le camping à la ferme évoquant le mont sans soucis ) et surtout une sobriété vocale surprenante ( qu’on se rassure, Murat reste toujours Murat et son naturel revient au triple galop notamment sur frelons d’asie) et plutôt bienvenue. Bref, ce qui retient l’attention, à la première écoute, outre cette sobriété, c’est également l’impression que Murat semble se mettre au service du Delano Orchestra plus que l’inverse.
Donc, au bout du bout, après vingt titres et 94 mns d’écoute, c’est un goût étrange qui reste en bouche lorsque s’achève passions tristes. Un je t’aime moi non plus dont on ne sait pas vraiment vers quel côté pencher du fait d’un constant (et gênant) équilibre entre qualités et défauts.
Mais comme je suis professionnel jusqu’au bout des nerfs auditifs (et un peu couard aussi), que je ne tiens pas à provoquer l’ire de la taulière de ce fameux webzine qu’est Addict, je me suis lancé dans une seconde écoute.
Si mon avis n’a guère changé sur le premier volet du diptyque, léger, nerveux et enlevé, je dois avouer qu’au final, après plusieurs écoutes, ma préférence va au second, moins immédiat, long en bouche et bien plus sombre (même si les deux derniers morceaux allègent considérablement le propos). Les arrangements du Delano Orchestra se font plus pesant, graves, évoquant parfois ceux des Tindersticks, sobres et profonds ( tout m’attire, frelons d’asie), le groupe parvient à tirer Murat sur d’autres aires telle la soul ( façon Lou Bond sur passions tristes, chagrin violette) sans pour autant phagocyter sa personnalité voire même tirer certains titres vers le haut. Pour preuve, comme sur n’importe quel album de Murat, il y a parfois du génie, parfois du n’importe quoi. La différence sur Babel, par rapport aux opus précédents, c’est que le groupe parvient à porter à bout de bras certains morceaux grâce à la sobriété fluide des arrangements, une production à la fois minérale et spacieuse (auvergnate quoi) et au final rendre le tout cohérent malgré des faiblesses évidentes.
Mais que serait un album de Murat sans faiblesses ? Jusque là, chaque disque sorti par l’auvergnat est à son image : sans concessions, bourré de qualités, empli de défauts, bref humain. Autant être clair : ce n’est pas Babel qui changera la donne, Murat fait ce qu’il veut, quand il veut, où il veut, avec qui il veut. Un simple, un double ou un triple album c’est selon et, en gros, il vous emmerde. C’est à prendre ou à laisser. Comme toujours chez lui.
La bonne nouvelle avec ce Babel, c’est que Murat, grâce à la participation du Delano Orchestra (qu’il ne sera pas allé chercher très loin), retrouve le niveau d’excellence du Mustango ( fruit lui aussi d’une collaboration) et du Lilith (également un double). De là à dire qu’il serait formidable qu’il continue dans cette voie, c’est un pas que je ne franchirais pas. Car, connaissant la bête, il serait capable de nous pondre une daube dans six mois rien que pour contrarier son monde. N’empêche…
En attendant et pour en revenir à des considérations plus concrètes, nous sommes aujourd’hui le 12 octobre et pour faire un point rapide de la situation, je n’ai pas dormi depuis 48 heures, ma cafetière est vide depuis 47 heures, les allumettes mises en travers des globes oculaires commencent à me faire mal aux sourcils, mes enfants me haïssent car ma femme est partie en appelant les services sociaux et la taulière me harcèle pour que je termine au plus vite cette bafouille.
J’en peux plus.
Alors Jean-Louis, si tu lis ce scribouillage, pour le bien-être de tes auditeurs et surtout celui des chroniqueurs, raccourcis ton prochain album (mais ça tu te feras un malin plaisir de ne pas le faire) ou alors envoie le dans un délai supérieur à 72 heures . Ça évitera de ruiner des vies, dont la mienne.
Bien à toi.
En écoute intégrale sur Spotify :
Superbe chronique, tellement réaliste !!!!
Merci beaucoup et courage !!!
« Tout est dit »…Bises.
Très bonne critique. J’ai juste deux petites remarques perso :
Un superbe album, l’un des meilleurs de la discographie de Murat (ce qui n’est pas si facile à dire, Depuis Lilith,il a peu de déchets à son actif ) mais « le camping à la ferme » évoquant « le mont sans soucis » tout de même, non ! Ces deux chansons n’ont rien à voir. L’une est un hymne sublime (à l’enfance, au sexe, à l’Auvergne et Dieu sait quoi encore), l’autre une petite blague sans grande prétention.
Quant à Morgane Imbeaud, elle n’a rien à envier à Jennifer Charles (malgré tout le respect que j’ai pour elle). Il faut écouter ses choeurs de sirène sur Long John, ils auraient fait chavirer plus d’un aventurier.
Oui d’accord avec Pierre K , je ne suis pas d’accord avec le fait de parler ainsi de Morgane Imbeaud en référence à Jennifer Charles ( je préfère la voix et l’allure de la première !!) De plus Camping à la ferme est très attendrissant , il a fait chanter ses enfants sur ce titre, une preuve de familiarité pour son public. Pour ma part, les deux CD dont d’égale valeur et je retiens 18 titres très bons sur 20 ! Ce qui est énorme …et franchement je n’en avais pas retenu une telle proportion sur les deux derniers, Grand Lièvre et Toboggan. Dans votre sélection de références Mustango et Lilith je rajouterai Le Cours Ordinaire des Choses (2009), lui aussi un disque majeur.
<3
coeur +++
Mais elle est pas niaise « Comme au cinéma », voyons !
C’est « Mashpotétisé », « Caillou », « Le cri du papillon », celles-ci, je ne les supporte pas.
Mais Comme au cinéma est mignonne, et d’autres sont purement géniales.
Sur la grande quantité qu’il écrit, c’est normal qu’il y en ait des nulles à chier aussi.