« Jessica93, c’est comme un mec sans timbre, sans voix et mal mixé qui improviserait des mélodies foireuses sur des instrumentaux de démos perdues des Sisters Of Mercy. Je comprends que les parisiens soient en effervescence là-dessus.«
» En même temps, s’ils ne mettaient pas en avant ces groupes catastrophiquement mauvais genre Zombie Zombie, La Femme ou Cobra et autres, on n’en entendrait pas parler du tout et ce serait pas plus mal… et pour ma part, Jessica93 rejoint le lot sans problème. Aucun intérêt. Direct aux encombrants. »
« Visiblement il était grand temps pour un revival Fields Of The Nephilim. Avec look RMIste en prime. »
Avec ce genre de commentaires, grâce soit rendue aux haterz : Geoffroy Laporte, RMiste (enfin RSAiste pour être plus en phase avec la modernitude) et donc parasite sociétal en chef de Jessica93 (dʒesɪkə 9-3) devrait pouvoir passer l’hiver au chaud, dehors certes, mais avec la veste la plus calorifère du moment.
Vous me direz, vu la hype actuelle autour du projet solo de Laporte, pas étonnant que ça attire les commentaires désobligeants et autres saloperies.
Pour être honnête, la hype, datant déjà de l’an 2013, m’était passée complétement au-dessus du cigare quand des @mis bien intentionnés m’ont aiguillé sur ce qui serait pour eux l’un des albums de l’année 2014. Curieux comme une chouette, je me suis enfin décidé à poser une oreille sur Who Cares. Il y a à peine un mois. Et, curieusement, à la fin de l’écoute, certains signes d’impatience se sont exprimés : recherche compulsive sur le net pour écouter ne serait-ce qu’une note de Rise, harcèlement avec menaces auprès de ma cheffe pour qu’elle contacte le label, lecture de tout ce qui me passait sous la main à propos du groupe.
Dire que je me suis pris une claque avec Who Cares tiendrait du doux euphémisme : ok, cette ambiance, ce son, c’est Pornography de The Cure et tous les groupes cold/darkwave du début des 80’s mais pas seulement, Who cares est aussi nourri de métal, de doom, de pop et accessoirement de rock. Ok, la voix est sous-mixée, on comprend rien aux paroles, on devine parfois qu’il annone en français mais bordel, ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu ça : un album sur le fil du rasoir, teigneux, hypertendu, sec, sans emphase, ni grandiloquence (à l’inverse des corbeaux pré-cités en introduction). Autant le dire tout net : l’addiction est arrivée sans crier gare au bout d’une écoute. Après ça, j’ai tout de suite mieux capté la symbolique de la pochette de Who Cares. Mais je m’éloigne.
Or donc, Rise sort ces jours-ci, précédé d’une hype certaine. Et pour être objectif, passé la déception d’une première écoute forcément moins impressionnante que Who Cares, Rise est une grand réussite. Si Who Cares était un direct dans la face, venant de nulle part, Rise, lui, travaille l’auditeur au corps, l’assène de coups sur les flancs, vise l’estomac, le plexus jusqu’à lui faire baisser la garde puis finit par le mettre KO. Et ce en ne changeant pas d’un iota la formule précédente : on garde les mêmes références (encore et toujours The Cure, mais, nouveauté ultime, celle-ci ne se limite plus qu’à deux morceaux du Pornography : The Figurehead et A Strange Day), le même chant toujours « sous-mixé » (j’évoquerai plus le fait qu’il essaie de s’extirper tant bien que mal d’un rouleau-compresseur musical mais bon…) mais nettement plus compréhensible et entièrement en anglais cette fois-ci, la même rage froide héritée de Godflesh (White Noise), la même économie de moyens (Rise, comme Who Cares semble fait à l’arrache avec une vieille boîte à rythmes, des guitares à trois cordes, une basse en bon état, quelques pédales d’effet et des idées à la pelle) et surtout le même aspect brut, sale, pouilleux, crade.
La véritable différence c’est que l’un dégage une certaine homogénéité alors que l’autre ressemble à un manifeste punk limite crachat hormonal dans la gueule. Avec les trois « tubes » (veuillez pardonner ma vulgarité) placés en début d’album (le très impressionnant et JoyDivisioNewOrderien Asylum, l’hyper addictif Karmic Debt, le mélancolique Now), trois bijoux mélodiques flirtant presque avec la pop, accessibles, puis les trois tueries atmosphériclaustrophobiques martiales suivantes (le très Killing Jokien Surmatants, le lancinant, tendu et hypnotique Inertia comme si le Massive Attack de Mezzanine se mettait les mains dans la crasse et enfin le glacial et industriel White Noise), Rise apparaît donc plus équilibré (je passe volontairement sur Uranus, très bon morceau qui aurait plus eu sa place en début d’album qu’en conclusion) que son prédécesseur et acquiert au fil des écoutes une profondeur à laquelle l’urgence de Who Cares ne permettait pas totalement d’accéder.
Même si l’univers de Geoffroy Laporte est balisé, très référencé, voire restreint (punk, post-punk, cold wave), si l’effet de surprise n’est plus, Il prend le temps avec Rise de développer des ambiances auxquelles on finit par adhérer contre notre volonté, qui vous collent littéralement à la peau, hypnotiques et uniques, une sorte de rage froide traversée d’une mélancolie tenace, une tension omniprésente, une sincérité qui le démarque de tous les suiveurs/poseurs post-punk récents et anciens et le place au-dessus du lot. Avec Rise, Geoffroy Laporte confirme finalement les espoirs placés en lui et passe avec brio l’épreuve du second album en faisant montre d’une intransigeance rare, d’un je-m’en-foutisme à l’égard des autres assez phénoménal, en creusant son sillon encore plus profondément et en livrant enfin un album brillant et addictif à côté duquel il serait dommage de passer pour cause de hype haineuse débile.
Dispo chez Music Fear Satan et Teenage Menopause et chez tous les bons disquaires depuis le 03 novembre dernier.