Il s’appelle Ulysse, affiche 59 printemps et n’a pas été gâté par la vie. D’ailleurs, la vie vient de lui jouer un dernier tour : sa boîte vient de le virer. Son prénom à elle, c’est Méditerranée, célibataire, 62 ans. Sa mère vient de mourir, la laissant seule face à son avenir, nécessairement vieillissant. A moins d’une surprise… C’est ce que nous réserve « L’obsolescence programmée de nos sentiments » (Dargaud), roman graphique scénarisé par Zidrou et porté par le dessin réaliste d’Aimée De Jongh.
La vieillesse, c’est pas beau hein ? Les corps flétris, les rides, la vie qui se barre au fil des jours qui passent. Et les vieux, avec leurs souvenirs à deux balles et la nostalgie des jours heureux, ils emmerdent tout le monde non ? Enfin tout ça, c’est bien connu, partagé, véhiculé par une société qui exacerbe les silhouettes longilignes, la force de la jeunesse et le fait d’être « populaire » sur les réseaux sociaux, n’est-ce pas ?!
Tous ces poncifs du genre, « L’obsolescence programmée des sentiments » n’en fait qu’une bouchée, ou presque. En effet, après avoir constaté – ou tout au moins que l’on ait décrété pour eux – qu’ils ne valaient plus grand chose, les deux personnages principaux de notre BD se trouvent des points communs au détour d’une rencontre fortuite. Puis, ils s’autorisent à se parler librement, crûment, comme dans la vraie vie, en fait. Sans tout vous dire, ils vont même jusqu’à s’aimer !
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La plupart du temps, on tait ces choses là, on ne les décrit pas, on les esquisse à peine, on les laisse à l’intimité du couple, surtout s’il est éloigné de l’image pourtant galvaudée du désir fougueux de la jeunesse.
Mais c’est compter sans la poésie du quotidien et l’attachement de deux êtres à l’unisson, qu’Aimée de Jongh (Le Retour de la bondrée, Dargaud) et Zidrou (Les Beaux étés, Dargaud) se font forts d’illustrer et de raconter, ne masquant pas la réalité, osant les cadrages serrés et les fesses qui pendent, avec humour et subtilité néanmoins.
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C’est ainsi que l’espoir renaît pour Ulysse et Méditerranée. Jusqu’à froisser l’entourage, qui s’interroge sur cette relation hors des sentiers battus. Comme si la solitude devait fatalement succéder à l’isolement et que la courbe du deuil chère à Monsieur Freud devait s’arrêter à jamais sur la case tristesse.
Heureusement que le destin, parfois, se joue de l’amour et du hasard. Jusqu’à redonner espoir et confiance aux âmes en peine, quand bien même la vieillesse affleure la peau. Osé, juste et tendre, « L’obsolescence programmée des sentiments » nous enseigne que le corps se résigne plus vite que le désir. N’en déplaise aux esprits chagrins.
L’obsolescence programmée des sentiments de Zidrou et Aimée de Jongh
Dargaud, juin 2018