[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]’avoue, je craignais de pénétrer dans l’univers de L comme on entre en terrain hostile. Un nom de scène qui m’évoquait d’autres chanteurs lettrés français comme M ou Zaz qui ne m’ont jamais particulièrement inspirée. Des influences revendiquées de Barbara ou Brel qui m’ont toujours fait tousser. Et puis le nom de l’album, Chansons, bon je pense avoir connu plus accrocheur comme titre.
Et pourtant. Je ne sais plus où, comment s’est passée la rencontre avec son nouvel album mais je me souviens très bien d’avoir été emportée dès les premières notes, par les cordes et la voix si particulière de Raphaële Lannadère, dans ce roulis de La Meuse qui ouvre le disque et j’ai laissé filer alors le disque entièrement, sans ne ressentir aucun ennui. Ce fut plutôt l’inverse même, un plaisir extrême et surprenant à me laisser embarquer dans son univers. Chamboulée, déroutée, charmée par les onze titres de Chansons. Une définition du coup de foudre en quelque sorte.
Alors qui est cette Raphaële Lannadère, qui se cache derrière le pseudo L ? Après un premier album paru en 2011 et intitulé Initiale qui lui aura valu d’être en couverture de Télérama qui osait affirmer » la chanson française c’est L « , ce qui n’est pas rien, L choisit de reprendre son vrai nom Raphaële Lannadère quatre ans plus tard pour son deuxième disque intitulé … L, où l’artiste décide de changer de style et d’explorer des territoires musicaux moins classiques. L’album ne réussit pas à trouver son public, aussi L décide de revenir à son nom de scène originel et de se recentrer sur sa propre musique.
Bien lui en a pris. L’album est à l’image de sa pochette. De l’organza, de la grâce et de l’élégance pour les oreilles. Les sons et les arrangements y sont délicats, portés par un quatuor à cordes et quelques touches de harpes qui mettent en lumière la poésie si particulière de l’artiste. La beauté y est partout, Higelin ne s’y était pas trompé.
Les textes naviguent entre vécu personnel comme dans Ton enfance composée pour sa petite nièce de cinq ans qui un jour eut cette remarque dans un square de Paris : « Regarde Tata on voit la mer ! » ou La Micheline, récit des voyages en train vers la Bretagne avec son ancien compagnon BABX, et réflexions poétiques sur le monde actuel qui nous amènent à prendre de la hauteur.
Ainsi Orlando évoque de manière subtile la tuerie homophobe de la boite de nuit américaine ainsi que les exterminations historiques des indiens de la région, le titre se terminant par un gospel fort et émouvant, presque une prière cathartique pour ces morts innocents. La sublime Ta Ville, composée par Gaël Faure rend hommage au Paris post attentats de 2015 (impossible pour ma part de ne pas fondre en larmes sur le refrain).
Alors de La Chapelle
À la Place Clichy
Quand j’ai des talons hauts
Toi, Paris t’ensorcelle
Même les hôtels de passe
Ont l’air du Negresco
Quand j’ai des talons haut
Ta ville est belle
Ta ville est belle
Ne Me Libérez Pas a quant à elle été écrite après avoir visionné un documentaire sur Michel Vaujour, le braqueur aux cinq tentatives d’évasion, resté dix-sept ans en quartier de haute sécurité. L n’est pas dans sa tour d’ivoire, elle est dans le monde qu’elle redessine à travers ses chansons en mode pointilliste pour mieux l’appréhender et dépasser ses souffrances inhérentes.
Cette veuve des chagrins qui nage à contre-courant des modes et c’est tant mieux, nous offre avec Chansons un disque à la fois nostalgique et lumineux, une sorte de soleil noir de la mélancolie qui éclaire doucement nos souvenirs et nos peurs actuelles. L’auditeur suit tel un funambule le fil délicat de la voix presque enfantine mais jamais mièvre de la chanteuse. On en ressort bouleversé, Raphaële Lannadère est bien une L à laquelle on s’accroche car elle nous élève très haut.
Chansons de L (Raphaële Lannadère) – Disponible depuis le 23 février chez Tôt ou Tard.
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L sera en concert le 20 avril à Rennes (Festival Mythos) et le 27 avril à Bourges (Printemps de Bourges).