Revenir à Saint Malo au mois de Février. Pas non plus un périple épique sachant que l’on joue presque à domicile. Les remparts, la boutique aux épices d’un célèbre chef étoilé, une crêperie à défaut du parcours aquatonic fermé pour cause de remise à neuf, promenade bruineuse sur le sillon et direction La Nouvelle Vague pour une excitante soirée musicale.
Au programme du Samedi 28 Février 2015, un menu copieux. La Route du Rock dans sa version hivernale nous régale par avance. On croisera forcément des connaissances habituées des lieux et des autres évènements musicaux de la région. On trinquera avec plaisir avec Beachboy, le collègue chroniqueur dépêché également par Addict Culture pour couvrir le festival (on ne remuera pas le couteau dans la plaie en évoquant les péripéties du troisième larron qui devait se charger du live report du Jeudi). On s’énervera tout de même d’un stand merchandising ne disposant pas de terminal de paiement électronique.
Échauffement rapide des oreilles avec la fin du set de Meatbodies.
Groupe bruitiste qui remplira à n’en pas douter les cabinets ORL du secteur. Les murs tremblent du haut des tribunes. C’est du rock, pas de la dentelle pour midinette. J’observe le public. Les adeptes de l’indie way of life, bien fringué ok mais pas trop tout de même (on n’est pas non plus à un meeting UMP) un léger soupçon de barbe et de cheveux en bataille sans être vraiment crade (on n’est pas non plus des clodos). Leur besoin souvent suffisant mais inexplicable de faire la tronche pour se rendre hautement plus érudit. Au secours, les hipsters viennent de débarquer au pays des corsaires !
Descente dans la fosse pour le concert de Deerhoof.
Les quatre membres alignés sur le devant de la scène pour un set un peu trop court mais d’une liberté qui contamine l’auditoire.
Bienvenue dans un univers pétulant et psychédélique.
Satomi Matsuzaki et sa petite robe verte alterne entre onomatopées ludiques et chorégraphie sortie d’un film de Kung Fu. Avec sa guitare rouge pétante, les riffs aliénés d’Ed Rodriguez rivalisent de dextérité. Derrière la batterie, c’est Greg Saunier aussi désopilant que possible. Son intervention dans un français « presque » parfait dévoilera un état assez éloigné de notre système solaire.
Concernant le rendu de la prestation, c’est du délire maîtrisé. Des électrons qui partent dans tous les sens. Venus promouvoir leur dernier album La Isla Bonita (voir la chronique dithyrambique qui en a été faite ici-même) les californiens offrent une musique vitaminée où les sons s’entremêlent, s’entrechoquent et repartent dans une autre direction. Impression alors d’assister à une technicité emprunte au jazz, la folie jubilatoire et énervée en plus.
Ma voisine trouvera la chose trop décousue. Pour ma part, une belle découverte scénique d’un groupe sans aucun scrupule.
Pour être honnête mon accompagnatrice n’était pas venue pour ces quelques diableries sémillantes. Bien plus adepte de la nostalgie irradiante du groupe suivant. Il faut dire que nous avions en mémoire un concert inoubliable de Blonde Redhead non loin de la cité malouine. Le souvenir du Fort Saint Père pour un millésime estival les pieds dans la boue. A cette époque madame était enceinte et toi lecteur tu te dis déjà que vu le contexte, les hormones la poussèrent à verser sa petite larme. Erreur ! Pour l’édition estivale de 2011 c’est votre serviteur qui fut chaviré par la beauté de Messenger. Trop sensible me dit-on dans l’oreillette ? Je le concède non sans mal et assume pleinement cette propension lorsque les choses me touchent à ce point.
Bref, rebelote et cette fois-ci en indoor. Placés idéalement alors que la température monte. Forcément, la moiteur ambiante du fait d’un public venu en masse pour un moment grandement attendu. A titre personnel, j’avais considéré que le meilleur des albums sortis en 2014 ne pouvait être que Barragán et sa poésie stylisée (chroniqué d’ailleurs ici et là). Mis à l’honneur en cette nuit magique mais de manière plus dynamique que pour la version studio.
Entame en douceur avec Lady M et le chant suave devenu culte de Kazu Makino. Plus d’ardeur toute proportion gardée avec Falling Man et ses paroles qui viennent encore me hanter.
(…) I know a ghost can walk through the wall
Yet I am just a man still learning how to fall (…)
A noter que si sur ce titre « titubesque » le phrasé décalé vient à propos, la tendance chez Simone Pace à reporter le procédé sur d’autres titres est sans doute plus sujet au débat.
Un des moments fort du set aura été la prestation sonore sur Love or Prison. Voyage spatial au delà des limites imaginables. Public totalement hypnotisé qui se délecte religieusement de cette pépite issue du pourtant décrié Penny Sparkle.
Le récital suit son cours …
Les cœurs qui s’emballent pour Kazu dès les premières notes de Melody. Nous sommes tous amoureux de cette frêle personne. Comme une poupée désarticulée. Sa fragilité comme charme évident. Pas vernie par un pied de micro capricieux mais elle s’en sort avec grand professionnalisme.
Dripping pour une danse au ralenti des plus brillantes. Exécution sans doute plus épurée et brute que pour l’élégante vidéo ci-dessous.
In Particular pour me combler au delà de mes attentes. Cris de joie dont les miens sur les premiers arpèges. Un Leitmotiv entêtant et le plaisir qui perdure à l’infini …
X
X X
Alex
I’m your only friend
X
X X
Alex
Your love will sing for you
Enchaînement érectile avec Spring and By Summer Fall. Frénésie des guitares pour une effusion saturée et mélodique à la fois. L’auditoire exulte et le groupe se retire discrètement sous les bravos.
Rappel habituel mais entaché par une panne de son qui vient briser l’ambiance. A la réflexion, ce couac redonne une dimension humaine au groupe. En effet, la sous-jacente impression par moment d’un trio en pilotage automatique. A la limite de la noyade dans son art et ses boucles préenregistrées.
Estocade sur l’inévitable 23. Clap de fin pour un concert de haute tenue. La chanteuse si sublime et visiblement émue restant un long moment seule pour savourer l’instant (et la bière qu’on lui tend)
Ah oui, ma voisine a adoré et cette fois-ci nous étions sur le même diapason.