[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ette année les Chorégies nous offraient la représentation de La Traviata de Giuseppe Verdi, l’un des plus grands chefs-d’œuvre au monde et celui qui a participé à la renommée internationale du compositeur italien.
Une histoire d’amour portée à l’aune du talent de chacun de ses interprètes présents sur la scène mythique du Théâtre antique d’Orange, le mercredi 3 août 2016.
Cet opéra est une adaptation du roman La dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. L’histoire se passe à Paris au milieu du XIXe siècle. La courtisane et femme du monde Violetta Valéry rencontre Alfredo Germont, jeune homme de bonne famille, au cours d’une soirée donnée dans l’appartement de la belle. Il en tombe fou amoureux et parvient à la séduire. Violetta abandonne son métier pour suivre Alfredo à la campagne. Le couple est heureux et transi de sentiments. Mais bientôt Monsieur Germont, père d’Alfredo, vient troubler leur bonheur : il trouve l’union peu respectable et nuisible à la réputation de la famille Germont. Il demande à la jeune femme de renoncer à son fils malgré les sentiments qui les animent tous deux et la douleur d’une telle séparation. Violetta disparaît, portant en elle le secret d’une maladie incurable. Le dernier acte présente une femme dévorée par la maladie et le chagrin. Elle semble recouvrer la santé grâce à la visite réconfortante et optimiste d’Alfredo, mais elle mourra malgré un dernier espoir de rémission.
La nuit est tombée sur les pierres du Théâtre antique. Les spectateurs sont installés et espèrent les prémices de la représentation. Les plus chanceux, assis près de la scène, prennent le temps d’observer un décor à la fois sobre et épuré, mais flamboyant, révélateur du mélange de pudeur et d’exaltation du jeu des artistes. Ceux qui sont assis en haut des marches ont l’exclusivité d’admirer le dernier halo du soleil sur la ville d’Orange.
Les musiciens sont arrivés et la foule acclame les premiers pas sur la scène du Théâtre antique du chef d’orchestre Daniele Rustioni, jeune chef parmi les plus talentueux de sa génération. Il est accompagné des artistes des chœurs des opéras Grand-Avignon, Angers-Nantes et Marseille et des musiciens de l’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine.
S’ensuivent presque 4 minutes où seul l’orchestre règne en maître.
4 minutes de pure extase musicale, où l’émotion produite par les instruments est subjuguée par le non dit.
4 minutes qui donnent le la de l’ensemble de la représentation : des sentiments dévorants, dévastants, que les spectateurs vivent avec les artistes. Des envolées, des notes plus graves, des cordes pudiques ou ostentatoires : l’orchestre nous livre un condensé des émotions que le spectateur vivra pendant deux heures.
4 minutes lourdes et pesantes qui s’évaporent, légères, par l’entrée des artistes et la première scène de fête du premier acte.
La direction des Chorégies réunit un casting de stars dès la mise en scène. Assurée par Louis Desiré, habitué des lieux, qui y mettait en scène Carmen en 2015, elle nous présente une scène sobre, éclairée ça et là par des touches de lumière de décors luxueux créés par Patrick Méeüs. Une prouesse que de réussir à suggérer la luxuriance dans une épuration complète. Le décor tient essentiellement en un immense miroir au cadre doré : reflet des artistes qui jouent, reflet des lustres étincelants, reflet des âmes perdues aussi…
Diana Damrau tient le rôle de Violetta Valery. Couronnée comme la « meilleure chanteuse » aux International Opera Awards de 2014, elle est une habituée des plus grandes scènes du monde et tutoie les dieux des orchestres régulièrement. Son apparition sur la scène d’Orange est auréolée d’une robe de soirée rouge sublime.
Francesco Meli incarne Alfredo Germont, l’amant transi d’amour de Violeta. Un novice sur les planches du Théâtre antique, mais déjà expert en la matière grâce à ses collaborations avec les plus grands : Nathalie Dessay, Ricardo Muti à la direction…
Enfin, le ténor Plácido Domingo, sous les traits de Giorgio Germont, le père d’Alfredo, seul chanteur d’opéra à avoir joué dans plus de cent quarante rôles et qui continue à élargir son éventail de talents en se lançant dans des rôles de baryton. Star parmi les stars, il a contribué à populariser l’opéra grâce à son trio avec les deux autres ténors Luciano Pavaroti et José Carreras. Immense artiste de voix et de cœur aussi puisqu’il a été distingué dans de nombreux pays pour son talent et son influence humanitaire. Il est annoncé comme « un homme d’affaires », inconnu, qui vient s’entretenir avec Violeta. Il entre en scène côté cour, silencieux, et « attend son tour » en contemplant un parterre de roses. La star se fait discrète pour mieux irradier dans son rôle de père soumis au qu’en-dira-t-on et dont l’apparition se fera acclamer par un public conquis d’avance. Humble et reconnaissant, il ne s’attardera guère face aux applaudissements et laissera la « place aux jeunes » pour qu’eux aussi savourent leur instant de gloire.
Gloire à vous chers artistes qui nous offrez chaque année quelques moments de bonheur.
À l’année prochaine.
Site des Chrorégies d’Orange 2017