Une journée, un lycée, un élément déclencheur de l’action.
Du titre à la construction, en passant par les références plus ou moins explicites dans le texte, Le grand secours est un hommage à la création théâtrale, une tragédie en trois actes (périodes) propulsée dans le réel du 21e siècle d’une banlieue française.
« La ligne 5 jusqu’au bout, puis le tramway, c’est ce qu’elle avait écrit. Le tramway, pas le bus, arrêt Pont-de-Bondy, et elle avait joint à ses explications un petit dessin griffonné, sans doute recopié à partir d’une carte obtenue sur Internet, puis photographié. Les mots « traverser la nationale » et « passer sous l’autoroute » retiennent son attention. Doit-il s’inquiéter ?»
─ Thomas B. Reverdy, Le grand secours
“Un lycée de banlieue, c’est pas mal, comme réel” se dit Paul. Il commence ce jour son contrat d’intervenant comme professeur de théâtre dans un lycée de Bondy. En se réveillant le matin, lesté par une belle gueule de bois, il se prend les pieds dans un volume de Shakespeare. Poète galérien du 13e, plutôt rêveur, plutôt ingénu, célibataire depuis que sa copine lui a préféré un voisin plus en phase avec le concept “mens sana in corpore sano”, Paul sort de la cité pour la première fois et sert de guide aveugle au lecteur.
A peu près en même temps, Candice, la prof de français, file vers le lycée depuis Pantin sur son vélo “d’un jaune doré qu’on ne fait plus”.
Mo, en route vers le lycée, a le temps de l’apercevoir depuis le pont qui enjambe le canal. Mais ce qui attire vraiment l’attention de Mo est l’attroupement bruyant qui s’est constitué en l’espace de quelques minutes à l’arrêt de bus sous le pont de l’autoroute.
Une clope, un mépris, un mot.
“Pourquoi tu me parles en arabe ? T’as quelque chose à me dire ?”
Les mots deviennent vite des coups, le combat est inégal mais Mahdi, le lycéen qui avait osé la compassion – miskine – tient le choc face au bombardier à la nuque épaisse. Le gamin gagnera le lycée un oeil poché mais la fierté intacte.
Lorsque Mo arrive à l’arrêt de bus, il n’y a plus grand chose à voir. Si ce n’est, dans un éclat, au moment où le bombardier valide sa carte de transport, le bandeau bleu-blanc-rouge, trait républicain à l’intérieur de son portefeuille. Réflexe contemporain, téléphone, photo, snap.
Mo n’est pas un type vaillant, bien au contraire. Coincé dans sa vie, dans sa banlieue, dans son corps, il a du mal à choisir son camp et à l’assumer. On le surprend même à admirer la nuque épaisse pour la force qu’elle dégage, la force brute – de là à brutale il n’y a qu’un pas.
« Mo reste là quelques instants, à l’observer de dos. Ses épaules larges, à chaque fois qu’il remue son bras pour porter sa clope à sa bouche, ses épaules bougent imperceptiblement et dans ce mouvement minuscule, ce froissement du blouson, on sent la puissance qui se dégage du bonhomme, alors qu’on ne voit rien. Mo se demande comment c’est possible. Comment la carrure, les muscles, ça peut faire ressentir une présence comme la sienne, inquiétante, une espèce de menace. Sûr, il ne suffit pas d’avoir des gros bras. »
─ Thomas B. Reverdy, Le grand secours
Mais il y a les réflexes. La photo qu’il a prise du trait tricolore dans le portefeuille du bombardier a le temps de faire trois fois le tour du lycée et du quartier le temps que Paul, Candice, les profs du lycée et leurs élèves commencent la journée de cours.
Candice, Paul, Mo, Mahdi, les profs, les élèves : cette journée va tous les passer à l’essoreuse et l’équilibre du récit tient justement dans ces multiples points de vue qui construisent le déroulement des événements jusqu’à leur point culminant.
Ni pédant, ni misérabiliste, le roman de Reverdy parvient à éviter toutes les facilités que le sujet aurait pu appeler. Il arrive même à être pédagogique sans emphase à travers les dialogues entre Candice et Paul, parfaits pour introduire le lecteur dans les réalités de l’école. On est littéralement plongé dans l’ambiance du lycée, en trottinant dans les couloirs derrière la prof et son nouvel acolyte, à décrypter les modes, les tribus, les gestes, les échanges entre les élèves. Ce monde qui nous devient étranger dès lors que nous l’avons quitté nous mêmes.
Extrêmement visuel, porté par un rythme qui s’accélère au fil des pages, immersif grâce au changement des points de vue, Le Grand secours est une vraie expérience de lecture et, en même temps, un instantané de la société française et de son système éducatif.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire mais le mieux serait que vous lisiez Le Grand secours, il vient de paraître aux éditions Flammarion.
J’ai rien compris à cet article, on dirait que c’est copié-collé dans le désordre. Et je suis un littéraire !
Vous m’en voyez navrée, vraiment. Je l’ai écrit comme je l’ai senti dans la foulée. Parfois on se rate, visiblement. Merci d’avoir lu. (Par contre, copier-coller de ?)