[dropcap]L[/dropcap]e grand vertige est un livre comparable à une roche. Il est rempli de rugosités fictionnelles et s’aiguise avec la réalité politique qu’il évoque. En 2017, Pierre Ducrozet avait signé L’invention des corps. Si on le compare au précédent, ce nouveau roman peut sembler décevant. Mais l’exigence était forte après le splendide texte qui le précède. Le grand vertige mérite tout de même une attention particulière. Il propose un rapport inédit à notre époque, entre uchronie et roman politique. L’auteur se place plus que jamais comme témoin du 21e siècle.
C’est l’ensemble de notre rapport au vivant et aux territoires qu’il nous faut reconsidérer. De la domination et de la destruction, il nous faut passer à des alliances, des associations, des mélanges. Or on ne sait pas comment faire parce qu’on ne comprend rien au monde, on méprise les plantes et les bêtes, 40 % des océans nous demeurent inconnus.
Pierre Ducrozet
Adam Thobias est un grand penseur de l’écologie. Il prend la tête d’une commission internationale sur le changement climatique. Avec celle-ci, il va réunir au sein du réseau Télémaque un groupe très élargi de personnes sensibles à la cause climatique. Tout autour de la planète se déploie ce réseau à même de changer le cours de l’Histoire. On suit alors les péripéties de plusieurs personnes qui vont agir pour le compte d’Adam Thobias. Mais tout ne va pas se passer comme prévu et l’histoire prend un tournant inattendu, s’attachant à un récit plus intimiste.
Pierre Ducrozet parle d’utopie. Il en fait même son sujet principal. Ce mot qui réunit espoir et désillusion résonne de plus en plus fort au fil des pages. L’écrivain construit une fiction bancale par le trop plein d’informations données. Pierre Ducrozet nous donne un léger tournis, peut-être pas celui qu’il invoque avec son titre. Il condense dans un roman de près de 370 pages une épopée vécue par une galerie de personnages dépeints avec délicatesse.
L’ambition de Pierre Ducrozet échoue également lorsqu’il tente de réduire son récit à une histoire de filiation. L’atmosphère déjà bien encombrée par ce réseau Télémaque, l’étourdissement que provoque cette fiction ne perdure pas. On se retrouve à la fin du livre esseulé et triste, comme avec n’importe quel projet utopique.
Le grand vertige est une utopie autant dans son projet littéraire que dans son histoire. Il convient de le lire pour se faire un avis de la densité du vertige. Nous ne sommes pas tous égaux face à l’idéal, aussi universelle que soit l’écologie. Malgré tout, il est important d’avoir en littérature comme en politique de telles utopies. Le roman de Pierre Ducrozet malgré ses défauts renforce nos réflexions politiques et nos espoirs.
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Le grand vertige de Pierre Ducrozet
Actes sud, 19 août 2020
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Image bandeau : Johnny Cohen – Unsplash