[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#afb4c9″]G[/mks_dropcap]aëlle Nohant, auteur de L’Ancre des Rêves et de La Part des Flammes a fait le choix, pour son troisième roman Légende d’un Dormeur Éveillé, de laisser la part belle à un immense poète, un homme admirable : Robert Desnos.
Depuis les Années Folles, jusqu’à l’Occupation, elle peint avec amour et lumière la vie de celui qui était persuadé que « tous les vingt-cinq ou trente ans, on exhumera dans des publications confidentielles mon nom et quelques extraits, toujours les mêmes ». Elle trace les contours d’une vie ô combien fabuleuse, ô combien riche, malgré le portefeuille vide, les assiettes vides, et le costume élimé. Elle peint avec délicatesse l’âme d’un homme à la générosité aussi immense que son talent. Il apparaît sous des facettes jusqu’alors méconnues. Le voici publicitaire, animateur de radio, le voici qui chronique les rêves les plus étranges de jeunes femmes dans un journal.
Au fil des pages, on découvre qui était Robert Desnos. Au-delà du poète, il y a l’homme, épris de liberté. Il y a le surréaliste, le visionnaire, l’ami, l’amant, l’amoureux, le fou de cette vie qu’il saisit à bras le corps, et qu’il brûle, comme s’il avait le pressentiment de sa fragilité et de sa brièveté.
Cette vie, ces années qui passent à la vitesse du son, on les brûle avec lui, avec ses amis prestigieux, Prévert, Aragon, Éluard, André Breton, Jean-Louis Barrault, et tant d’autres ! De Montparnasse à Saint-Germain-des-Prés, Paris s’illumine tandis que le Monde s’éteint, que la guerre d’Espagne emporte García Lorca et la démocratie, que le bruit des bottes résonne tristement, et que la menace prend corps chaque jour davantage.
Lui, Desnos, se bat avec ses armes. Avec ses mots. Avec ses colères aussi. Avec cet inoubliable regard.
On le suit pas à pas, on l’aime plus fort page après page… Les mots de Robert Desnos, les extraits de ses poèmes qui sont posés là, au fil de la lecture, comme des remparts contre le temps qui s’enfuit, lui donnent la parole, jusqu’à ce que celle-ci s’éteigne, le jour de son arrestation, pour faits de Résistance.
À partir de cet instant, l’écho de sa voix se perd, pour laisser la place à celle de la femme aimée, de sa Sirène, Youki.
Que nul ne les atteigne ni ne les sépare
Que rien ne sépare l’hippocampe de la sirène
La sirène de l’hippocampe
Robert de Youki
Youki de Robert
Il lui a appris à aimer, elle sera transcendée par cet amour, qui va lui donner la force de se battre, pour tenter de le sauver de la déportation. Elle lui écrira des lettres poignantes, criantes de passion amoureuse, promesses de lendemains enchanteurs et enchantés, promesses d’une éternité dans laquelle il est entré, sur la pointe des pieds, avec l’humilité charismatique qui fut la sienne, grâce à la talentueuse et lumineuse plume de Gaëlle Nohant.
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre
à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté
au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.
Légende d’un Dormeur Éveillé de Gaëlle Nohant
paru aux Éditions Héloïse d’Ormesson – août 2017