[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#E84025″]E[/mks_dropcap]n solo, Frédérique Bertrand et Olivier Douzou sont déjà auteurs d’un bon nombre d’ouvrages de littérature de jeunesse. Ils collaborent aussi souvent et cette année, cela donne Les aoûtiens pas piqués des vers !
L’on pourrait croire à une histoire toute simple à première vue, une transmission entre un grand-père et son petit fils Pierre (personnages qu’on avait rencontrés dans Costa Brava). Ces deux là se promènent dans la propriété, immense, du papi, entourée de murs de briques (à la mode ces murs décidément, comme chez Jon Agee) et surtout d’un jardin étonnant. Tout un tas d’animaux peuplent ce lieu, ils vivent en sécurité, sous l’œil bienveillant du vieil homme.
Celui-ci s’est découvert comme nous le dit le texte la main verte. Il cultive donc, des courgettes, des haricots et il transmet son savoir à son petit fils.
En soi, cela pourrait suffire pour faire un joli livre de littérature de jeunesse, mais soyez attentifs. Les auteurs vont plus loin, bien plus loin et rendent ainsi Les aoûtiens très particulier.
Si l’on fait attention aux dessins, l’on remarque le visage étonné de Pierre, qui, par politesse, continue d’écouter son grand-père, mais semble aussi se perdre dans autre chose. Et si l’on revient en arrière, on verra, avec surprise l’apparition d’une drôle de petite chose volante, là bas, au fond de la propriété. Un peu gros pour être un animal. C’est une soucoupe !
Pierre tentera bien d’attirer l’attention du grand-père mais celui-ci, tout occupé à transmettre n’entendra rien, ne remarquera rien.
Pourtant chez les animaux, c’est la débandade. La vache, Geneviève, emportée par la soucoupe ! Pierre est affolé mais comment son grand-père pourrait-il croire en une soucoupe volante ? Il l’a dit clairement, aller au jardin, c’est bien mieux que toutes ces bêtises à la télévision.
Le monde d’un vieil homme et celui d’un enfant se télescopent ici. La soucoupe est-elle réelle ? Une invention du garçon qui peut-être s’ennuie ? Parce que la philosophie de papi, à cet âge, c’est encore un peu abscons non ? Pierre s’est caché dans les jambes de son aïeul, les animaux se sont révoltés pour résister à la soucoupe et de celle-ci semble venir un petit être inconnu. Et papi qui continue de philosopher :
Aujourd’hui dans mon jardin, je vois tout d’un autre œil et avec une certaine sagesse, je vois la vie. J’ai mûri.
Les aoûtiens, c’est aussi ce décalage drolatique entre le texte et les images. Ces jeux avec les mots que proposent les auteurs et qui nous ravissent.
Plusieurs degrés de lectures sont possibles et parfois s’opposent : la jeunesse et la vieillesse, le monde rural fait de petits plaisirs simples et celui peut-être de la ville à travers la télévision que regarde le petit Pierre et qui lui fait imaginer (ou pas, au lecteur de décider) la présence d’une soucoupe. Le côté imagination des enfants contre le rapport très terre à terre du grand-père avec son jardin.
Ces degrés se trouvent aussi dans les dessins. Au premier plan, l’enfant et son grand-père, puis la ferme puis la soucoupe volante dans les plans suivants, sans compter comme nous le dit malicieusement la quatrième de couverture, un plant de tomates.
Les aoûtiens est un album pour enfants qui les prend au sérieux en leur donnant une histoire qui paraît toute simple mais qui s’ouvre sur tout autre chose si le lecteur se donne la peine d’être attentif. Une magnifique réussite de deux auteurs que nous continuerons de suivre avec grand plaisir !