[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]aint-Malo, Hiver 2010. Une salle de l’Omnibus (devenue Nouvelle Vague) délaissée pour des raisons funestes par les nouveaux prodiges affublés du double X. Alignés sur le devant de la scène, les californiens de Local Natives exécutent une prestation enjouée qui rend ivre de bonheur mes voisines britanniques venues pour l’occasion.
Découverte pour ma part des héritiers de Talking Heads qui allégèrent fortement mon sentiment de frustration initiale. C’était Gorilla Manor, première salve d’un groupe prometteur mais dont le devenir restait incertain à l’époque du zapping à outrance et de l’amnésie du public qui malheureusement en découle.
Quatre ans plus tard, encore la saison des neiges mais les choses ont quelque peu changé. Local Natives nous dévoilait un nouvel opus qui justifiait amplement un premier ressenti laissant supposer des développements encore plus futés. Exit la tentation du deuxième album s’habillant d’une réplique trop facile.
Les petits princes de l’indie folk décortiquaient sagement leur boite à musiques. Des multiples expertises et méticulosités qui conduisent à l’éclosion de Hummingbird dont les contours plus élaborés et l’atmosphère générale reléguaient la frénésie pop et joyeuse aux confins de l’expérience savoureusement nuancée.
Si les vocalises frisaient parfois vers des hauteurs vertigineuses à la limite de l’irritation des tympans, les mélodies virales rivalisaient avec des arrangements plus aboutis. Subtil et frénétique à la fois, une sorte de croisement hybride entre les brumisateurs d’un folk sourcilleux et l’alchimie scientifiquement émotionnelle de la pop.
La fin de l’ouvrage retombait sur des impressions d’apesanteur tout en évitant de justesse la redondance. L’unité de l’ensemble était préservée par le fil conducteur animant le groupe : la recherche d’une sérénité mélodique entre force tranquille et mélancolie sous-jacente. Même si la quête était vouée aux utopies savantes, nous espérions avec impatience les prochains charmes de l’hiver sous le soleil de Los Angeles.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]eptembre 2016, c’est en réalité notre été qui se prolonge. Les américains ont gorgé leur musique de soleil. Il y a un condensé de raillons et de la pulpe à gogo sur Sunlit Youth. De l’évidence rythmique de Villainy aux fausses candeurs de Past Lives, le groupe redistribue les cartes dans un battement à nouveau entraînant, des perspectives plus chatoyantes comme si le quintette avait emmagasiné la chaleur la plus torride pour mieux déverser l’antidote aux tourments.
En ce sens, la nouvelle production diffère d’Hummingbird pour se rapprocher des premières secousses concoctées par la petite bande. Si le titre Dark Days laisse suggérer l’inverse, il n’en est rien. Le décalage d’humeur est flagrant : Imaginez les riffs du dernier Foals irradié d’une légèreté harmonique. Une propension chez nos musiciens à dorer les choses d’une allégresse non artificielle. Vous y êtes ?
Le refrain revivifiant de Fountain of Youth est de cette veine. Il accroche l’oreille autant qu’il met en lumière des sursauts épiques. Au même titre que pour les douze titres qui s’enchaînent sans écorchure, les compositions fleurissent naturellement avec ici et là quelques chœurs qui forcent un peu trop le trait des « oh oh » et/ou « ouh ouh ». Sur la longueur le procédé répété prêtera finalement plus au sourire qu’à la critique boudeuse.
J’irai en fait plus écorner le disque en réprouvant la soul sous aspartame de Coins dont la présence ici relève plus de la tentative foireuse que de l’imbuvable breuvage.
Pour compenser, les Local Natives catapultent ce qu’il y a de meilleur en eux avec l’éclatant Mother Emanuel. Le claquement nous emporte alors dans un (futur ?) hit en puissance dont la symbolique méthodiste et africaine n’est sans doute pas un fruit du hasard.
Tout ça pour vous dire plus clairement que, de Sunlit Youth se dégage une impression vive de fraîcheur. Un folk océanique aussi bien taillé pour le farniente que pour le positivisme aimable (avec orchestre)
Everything All At Once sera en ce sens l’autre bulle d’oxygène destinée à nous guider sur les chemins du pur « entertainement »
Qu’il est bon alors de clore le chapitre sur les nappes hypnotiques de Sea of Years, titre qui aura la capacité de faire basculer les pulsations délicates vers quelques arrangements plus remontés ! Nouvelle preuve du combat gagné contre la morosité. Un été californien pour redonner des vitamines, de l’énergie et surtout une sacré dose de bonheur simple.
L’album est chez votre disquaire depuis le 9 Septembre. Le groupe sera en concert à Paris (Le Trianon) le 10 Novembre ainsi qu’à Bruxelles (Cirque Royal) le 12 du même mois.
Retrouvez l’entretien que les Local Natives ont accordé à mon collaborateur David Jégou ici même.
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