[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6d6d6d »]C[/mks_dropcap]hers lecteurs, c’est avec une plume chargée d’émotion que je reviens vers vous. Le 12 novembre 2014, je vous parlais du souffle apaisant de 0, second album de Low Roar et l’un des quatre maillons de mes chroniques islandaises qui me permirent de rejoindre votre webzine culturel addictif où je m’apprête à délivrer ici mon 76e papier passionné. Énième critique qui déboule, une fois encore, sur la piste de l’aéroport international de Keflavík. Je vous laisse imaginer le vent qui glace le sang et la perspective d’un trip au cœur des magnétiques éléments sculptés par notre mère Nature.
Un nouveau disque traversé par les ondes d’une île qui imprègne mon esprit chaque jour qui passe. Ryan Karazija nous revient avec son troisième album concocté depuis sa migration boréale. Admirablement, j’ai envie de dire et sans énorme révolution d’humeur, même si je peux attirer votre attention sur quelques infléchissements opportuns dans le traitement des sonorités ici présentes. Toujours est-il que l’auditeur est à nouveau embrassé par une pellicule saturnienne. L’envie alors de prendre une peluche enfouie au fond d’une vieille malle et de se faire cajoler quelques instants par les douze titres qui s’accordent avec classe et délicatesse pour un Once in a Long, Long While d’une esthétique remarquable.
Le timbre de voix est toujours aussi clair, lancinant et hypnotique. Les arrangements toujours aussi délicatement teintés d’une mélancolie électronique des plus relaxantes. Petite innovation, si j’ose dire, avec un caractère trempé par plus de pulsations sur certains titres. Certes, l’album ne vous emportera pas dans un délire de danse frénétique mais il saura vous proposer quelques pistes ne retombant pas dans une espèce de léthargie clonée à partir des deux précédentes productions. Low Roar reste sur le tracé d’un parcours impavide, malgré quelques impressions de grisaille à la surface.
Autant vous dire que, dès l’amorce des premiers frémissements de Don’t Be So Serious, je m’attendais à un déversement cotonneux proche des précédences. C’est à la fois exact mais non totalement complet. Once in a Long, Long While entre dans une philosophie nouvelle d’accentuation des couches et profite de l’occasion pour insuffler quelques overdubs bien sentis. Les nouvelles tentatives très intéressantes feraient penser à Jay-Jay Johanson, voisin latitudinal très affûté sur ce type de matière combinant expirations modernes et inspirations automnales.
L’une des pièces maîtresses de Once In A Long, Long While se décompte en moins de trois minutes. La désormais incontournable et prolifique Jófríður Ákadóttir (Pascal Pinon, Samaris et Gangly) vient ici apporter son aura étouffée à Bones, titre simple mais magistral qui se laisse découper sur un simple cheminement intro-couplet-refrain-outro sans que d’amples développements ne viennent abonder dans ce dialogue se suffisant bien à lui-même. Deux voix qui se répondent… L’exemple de la parfaite émulation qui décuple les brios.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#6d6d6d »]L[/mks_dropcap]e début de l’album est ainsi marqué par quelques points de fixation qui permettent d’appréhender une profondeur plus dense du spectre. Au minimalisme répond la chaleur tiède des cuivres, le tout servant une belle acoustique aux réverbérations retenues.
Avec Give Me An Answer, un marteau vient cogner les cordes du piano. Il impose alors une résonance rythmée fricotant avec quelques introductions déjà servies chez Radiohead. Les nappes et beats feront également penser à certains bouillonnements pop de la divine consœur Emiliana Torrini. Cette « nouvelle » facette chez Low Roar légitime une acception un peu plus abordable de ces travaux pour le commun des mortels. Il y a désormais un peu plus d’effets chamarrés. De manière consciente ou non, on peut supposer une résurgence stylistique dans les couloirs de l’indie-rock autrefois diffusé par Audrye Sessions (le 1er projet du groupe, lorsque son auteur se dorait la pilule du côté d’Oakland)
Ce qui découle de cette nouvelle cuvée 2017, c’est aussi un songwriting qui semble plus assumé, plus mature. Les arrangements sont finement décomposés et marquent une simplicité maquillée dans les arcanes d’une discipline zen.
La seconde moitié du disque est en cela plus flegmatique. Low Roar parvient quasiment à fournir une complainte a cappella (Without You) puis à enchaîner sur des dimensions contemplatives, signant un retour sur des sons plus organiques, pour ne pas dire folk-ambient. Plus j’avance à la lecture du recueil et plus les accords deviennent déchirants. Je pense notamment au titre qui prête son nom à l’opus.
Il y a enfin quelques esprits qui se trimbalent au sein des dérivations chimériques de Crawl Back dont l’instrumentation bourrée d’échos (sans les hommes-lapins) assourdit l’espace d’une apesanteur climatique faramineuse.
Un piano séraphique pour conclure la messe et des mathématiques rebelles qui affublent au douzième chant, le titre de 13. Je pense alors aux productions magiques de Jónsi & Alex. Un parfum léger après une entame dont les nuances planent encore au-dessus d’un territoire d’une richesse sensible qu’il me tarde de retrouver.
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