Ne surtout pas parler d’album de la maturité, déjà le qualificatif en question est un poncif à proscrire mais ça serait surtout ranger Lysistrata dans une case trop sérieuse. Pour autant, on ne va pas se mentir, Veil à défaut de mettre véritablement du coca dans le Cognac (pratique incongrue apparemment répandue outre-Atlantique) a changé quelque peu les paramétrages de sa nouvelle disquette.
Nous connaissions leur math-rock sans frein brossé à travers The Thread (2017) puis, dans la même lignée, la furie convaincante de Breath In/ Out (2019). J’ai envie de dire que le groupe aura surtout marqué les esprits grâce à la générosité de concerts où l’articulation tapageuse et ondulatoire devenait un vecteur de jubilation refilant le tournis.
Après cinq années de mise en veille (celle-ci, il fallait que je la fasse !) notre trio retrouve les chemins de sa propre progression musicale. Au passage, certains auront pu apprécier le projet parallèle Park (en collaboration avec Frànçois Marry).
Dès les premiers grattements de Tangled In The Leaves, le fil du temps est lâché pour un album concis et carrément plus nuancé que ses prédécesseurs. Pour faire simple, en 2024 le rock de Lysistrata revêt des attributs plus posés malgré des fulgurances toujours bien présentes mais distillées et maitrisées avec tact (toute proportion gardée). Ainsi, un exemple flagrant pour nos oreilles s’opère à l’écoute sans filtre du classicisme dégoulinant de Horns.
Si le dramaturge Aristophane poussait jusqu’à l’absurde un utopique conflit entre les hommes et les femmes en y insérant un nouveau plaidoyer contre la guerre, les membres Ben Amos Cooper, Theo Guéneau et Max Roy se jouent eux aussi des querelles de genre en plongeant dans leur nouvelle potion une pincée de pop quelque peu muselée sans pour autant exclure des accents appuyés lorgnant du côté nostalgique des électriques 90’s.
La novation mélodique d’un titre comme Okay où la basse enveloppe un chant platonique tranche en ce sens avec le noise progressif et corrosif de Rise Up. Les bouillonnements répondent ainsi aux instants plus stylisés. L’apport du producteur Ben Greenberg (connu notamment pour ses travaux avec Metz, DIIV et Beach Fossils) aura sans nul doute permis d’accroitre la créativité du trio originaire de Saintes. Au final, les compositions de Veil ressortent globalement moins furieuses mais surtout plus directes… et donc plus audibles.
J’en veux pour illustration parfaite le moment exalté servi par Feel The Shine, titre où les cordes se froissent, tandis que les battements rebondissent vers une issue qui dévore les sillons avec gourmandise. Lysistrata n’a donc pas perdu de sa verve et a gagné surtout en profondeur. On ne peut que s’en féliciter !
Lysistrata · Veil
Vicious Circle – 1er mars 2024
crédit photo : Emilija Milušauskaitė