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– Gilles, ça te dirait de venir faire les vendanges à Saint-Emilion ? Pour l’instant il n’y a que des Danoises…
– J’arrive.
Lorsque l’on m’a demandé décrire un billet ayant un lien avec le vin, le patrimoine et la région de notre enfance, c’est le premier souvenir qui m’est revenu. Forcément quand on a grandi à Bordeaux les souvenirs viticoles ne sont pas rares. Il faudrait faire un tri. De la phrase de mon père « On a un robinet pour l’eau froide, un pour l’eau chaude et un pour le vin rouge » à mes premières vendanges, des visites de Saint-Emilion avec mes amis à celles des coopératives des côtes-de-bourg avec mes grands-parents.
Bordeaux restera la ville où j’ai grandi, où j’ai été adolescent puis étudiant. La ville où j’ai connu la musique, mes premières ivresses, les premiers mélanges approximatifs. Des fins de concert alimentées à la bière, des camping abreuvés au kalimotxo, des terrasses arrosées au perroquet.
Mais finalement si je devais garder un souvenir, ce serait plutôt une odeur. L’odeur d’un autre temps, celles des salles de concert où l’on arrivait en fin d’après-midi pour installer le matériel (le batteur est toujours le moins bien loti), faire les balances. A l’époque, c’était souvent dans des caves (Le Bœuf sur le toit, L’Alligator…) ou des petites salles comme le Jimmy. Il y avait ce moment où l’odeur de tabac froid et de bière me saisissait. De la musique en fond, quelques blagues, et la nervosité d’avant concert. Pour les musiciens, le concert débute bien avant la première note. On prend une bière, on prépare la set-list, on s’accorde (pas moi, le batteur est à ce niveau-là le mieux loti) et on se demande s’il y aura du monde. On se demande toujours s’il y aura du monde. On dit qu’on s’en fout, qu’on va faire un bon concert, qu’on va s’amuser… Mais on se demande s’il y aura du monde. Et en attendant, on boit une bière, on papote, on fume une clope. C’était au tout début des téléphones portables avec des forfaits exorbitants, alors on n’appelait pas les copains. C’était avant les réseaux sociaux, les évènements Facebook et les Tweet Live. Alors, il ne nous restait plus qu’à attendre. Attendre en profitant de l’odeur du tabac froid et du goût des premières bières de la soirée.
Alors, finalement, je ne parlerai pas de ces vendanges où j’étais le seul Français au milieu des danoises. Elles ne sentaient ni la bière, ni le tabac froid.[/mks_pullquote]
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Gilles Marchand est né en 1976 à Bordeaux. Il a notamment écrit Dans l’attente d’une réponse favorable (24 lettres de motivation) (aNTIDATA, 2011) et coécrit Le Roman de Bolaño avec Eric Bonnargent (Editions Le Sonneur, 2015). Il rencontre un grand succès en 2016 avec Une bouche sans personne (Aux Forges de Vulcain), son premier roman « solo ». En août 2017, il publie Un funambule sur le sable (Aux Forges de Vulcain).
Merci à lui de nous avoir offert ce texte !
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