Filmographie chaotique, maternité, contorsions, mariage et tournées monumentales. Divorce, clips ultra léchés, chute à cheval, exhibitionnisme et Cabale. Polémiques et provocations.
Sexe, religion et danse comme sainte trinité.
Être soi à tout prix et ne rien regretter. Se réinventer pour toujours rester au faîte de la célébrité à défaut de la popularité parfois.
Il y a eu Madonna, Like A Virgin, True Blue, Like A Prayer, I’m Breathless, Erotica, Bedtime Stories, Ray Of Light, Music, American Life, Confessions On A Dance Floor, Hard Candy et MDNA :
Vous avez eu mon coup de cafard, mes prières et mes confessions. Mon illumination. Vous avez eu mon ADN, ma vie. Vous avez eu ma sexualité, vous avez pu me sucer jusqu’à la moelle. Vous avez eu ma musique et mes histoires pour dormir (histoires de coucheries ?).
Ceci est mon coeur, je vous le délivre. Rebel Heart.
Visuellement, rien de bien nouveau. Imageries religieuse et sexuelle mêlées. C’est léché, c’est retouché, c’est beau.
Pour ce qui est des thématiques, rien de nouveau non plus.
Madonna écrivait Forbidden Love en 1994 dans Bedtime Stories puis un autre Forbidden Love dans Confessions On The Dance Floor en 2005.
Elle écrira I’m Addicted dans MDNA puis Addicted dans Rebel Heart.
Tout va bien.
Elle prône la survie et de la foi en soi malgré les amours déçus. Creuser le sillon I will survive, quoi : Tu m’as brisé le coeur, tu m’as trahie, mais j’ai su me relever, et je suis plus forte qu’avant.
Ajoutons-y un peu de sexe, sans trop de subtilité (S.E.X.) ou d’humilité (« I’ll make this the best night of you life » dans Best Night). On n’est pas là pour tricoter des bonnets, après tout.
Phénomène plus récent dans la discographie de Madonna, le besoin de s’affirmer comme étant la tôlière, la patronne, la cheffe, la reine… Bref, la plus grande :
She’s Not Me dans Hard Candy : jamais, ô grand jamais, d’autres n’aurons sa saveur. S’habiller comme elle, se comporter comme elle ou essayer de la remplacer n’y fera rien. Un texte à double lecture, pour un ex-amoureux ou des fans tourné vers une rivale-Canada Dry.
Cette deuxième lecture l’emportera en live : Lady Gaga plagierait Express Yourself dans Born This Way ? Madonna fait un medley des deux chansons et finit par She’s Not Me. Effet garanti.
Dans la même veine, Nicky Minaj lance « There’s only one queen, and that’s Madonna, Bitch » dans I Don’t Give A (MDNA). Pour enfoncer le clou, nous aurons Bitch, I’m Madonna dans le nouvel album, au cas où on n’aurait pas compris.
Madonna préconise l’émancipation de tout complexe, l’affirmation de soi, la réalisation des rêves. Tout le monde est (ou peut devenir) exceptionnel. Ainsi, dans Rebel Heart, Madonna nous délivre deux mantras de winners : Iconic et Illuminati. Franchissons le pas, disons-nous que si elle nous livre ses recettes, c’est qu’elle a bien dû se les appliquer, non ? Elle doit donc se prendre pour une icône (c’est pas faux) ou une Illuminati. Bref, un melon comme une citrouille et un égo surdimensionné. Décomplexée et désinhibée, quoi. C’est aussi pour ça qu’on l’aime.
« Absolutely no regrets », a dit l’Unapologetic Bitch en 1994.
Et la musique, dans tout ça ?
Le talent de Madonna est de savoir s’entourer et de sentir l’air du temps, d’oser les changements de styles dans la danse décomplexée ou des ballades.
Ses sonorités inédites ont marqué en profondeur la musique populaire en s’acoquinant avec des collaborateurs novateurs. Puis elle a joué la sécurité en allant chercher des noms plus sûrs, déjà populaire. Les éclatantes réussites avec Mirwaïs (Music) et William Orbit (Ray Of Light) n’éclipsent néanmoins pas la demie-teinte de ses collaborations avec Justin Timberlake et Pharrell Williams (Hard Candy), et la pauvreté mélodique (et textuelle ?) de certaines chansons engendrées avec Martin Solveig. C’est dans l’avant-dernier album de la Madonne qu’on trouvait cette dernière collaboration :
MDNA, abréviation de My DNA (Mon ADN) et de MaDoNnA, avait fait tiquer avec ce titre qui fait aussi référence à la MDMA, autre nom de l’ecstasy. On retrouvait dans cet album de belles réussites. Madonna avait envie de s’amuser. Des titres dance, modernes, et d’autres, dispensables et futiles, mais aussi le retour de superbes ballades. Plus gênant, une chanson passéiste. I’m A Sinner semble provenir de Ray Of Light (1998). Sensation de bégaiement. Chaque album de l’artiste est unique, certains dans la continuité, d’autres dans la rupture, mais jamais on avait assisté à un pareil coup d’oeil dans le rétroviseur. Beau titre, mais hors sujet.
Au final, un album en demie-teinte.
Pour Rebel Heart, pas de révolution. De la dance efficace complètement dans l’air du temps et quelques ballades. Pas de redite, pas de bégaiement, mais des auto-citations. A l’instar de David Bowie dont le remix de Love Is Lost par James Murphy (LCD Soundsystem) contenait un gimmick de Ashes To Ashes, Madonna intègre des paroles et mélodies de Justify My Love dans Best Night et de Vogue dans Holy Water et Veni Vidi Vici. Si Madonna a pu faire allégeance aux oeuvres passées parfois sans subtilité (en samplant Abba par exemple) ou en se répétant, elle reconnait aujourd’hui l’entrée de son répertoire dans le panthéon de la pop et continue à avancer dans la modernité tout en envoyant des clins d’oeil aux fans historiques. C’est malin, plaisant et bien tourné.
Si on excepte la faute de goût d’un passage un peu reggae, une chose étonne dans ces 19 titres (24 dans les versions Deluxe) : musicalement, il n’y a pas une scorie, pas un seul titre un peu plus faible. Tous sont forts et attachants. Un exploit.
Bon, il faut aimer la musique de pétasses, évidemment, hein. On ne parle pas de songwriting et de subtilité, on parle de Madonna !
Au final, une oeuvre qui surprend agréablement par sa cohérence. On reste dans les mêmes thématiques pour le fond, et dans l’exaltation pour la forme. Madonna est sérieuse, Madonna a aussi de l’humour et sait s’amuser et partager.
Rebel Heart n’a rien de rebelle et ne marquera pas l’histoire de la musique, mais il saura satisfaire vos envies de quart d’heure américain ou de bougeage de boule. C’est tout ce qu’on lui demande.
Éphémère et donc indispensable, voilà un bel album pour penser et se dépenser. Génial ! On va faire la fête !
Rebel Heart est disponible chez Interscope depuis le 9 mars 2015
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