Fin 1997, le magazine américain Rolling Stone fêtait ses trente ans. Pour l’occasion, un numéro spécial Women Of Rock était édité. En couverture de ce numéro, trois femmes, trois icônes de la musique à l’époque : Courtney Love, Tina Turner et Madonna.
Intuition ? Divination ? Il se trouve que dans l’année qui suivit l’édition de ce magazine, Hole et Madonna ont sorti deux albums qui marquèrent 1998.
Comme nous vous le racontions précédemment sur ce lien, les deux entités avaient déjà coïncidé en 1994 dans des sorties d’albums, et Hole avait gagné haut la main le match qui les opposait. Quatre ans plus tard, la donne est différente.
Après un Bedtime Stories gluant de guimauve RnB, La Ciccone avait sorti une compilation comportant des ballades issues de diverses bandes originales de films et de certains de ses albums, ainsi qu’une poignée de chansons inédites, dont une collaboration avec Massive Attack (qui avouèrent avoir travaillé à distance, sans jamais la rencontrer). S’ensuivit le tournage et la sortie du film Evita, adaptation de la comédie musicale du même nom, où la star interprétait le rôle titre. Les chansons de cette comédie musicale sont des classiques, et si le film fut boudé par le public et conspué par les critiques, la prestation de Madonna fut quant à elle saluée… Comme quoi, les cours de chant, ça sert, parfois. Puis Madonna donna la vie pour la première fois et entra dans la Kabbale.
Maternité et nouvelle spiritualité seront les deux mamelles de son nouvel album, Ray Of Light, élaboré avec William Orbit.
L’album fera entrer dans le mainstream des sonorités jusqu’alors underground. D’aucuns parlent de techno, trip hop, dru and pass, ambiant et rock. Des violons, des sonorités orientales… Le disque est un melting pot qui va révolutionner le son de la pop pour les années à venir. Il allie ballades de haute volée et moments plus dansants sur des textes plus introspectifs et spirituels, et un chant salué par tous, plus profond et varié. Jamais la star ne se sera autant dévoilée depuis Like A Prayer.
Le premier single, Frozen accompagné d’un clip majestueux, sera un véritable succès critique et populaire. Un classique est né.
L’album sera exploité jusqu’à la moelle, avec pas moins de cinq singles extraits.
Pour Courtney Love, les quatre années qui suivirent la sortie de Live Through This ne furent pas de tout repos. Si la mort de Kurt Cobain avait précédé la sortie du disque, celle de Kristen Pfaff, bassiste du groupe, l’a immédiatement suivie. Elle fut remplacée par Melissa Auf Der Maur pour la tournée du groupe qui dura deux ans. Courtney Love se concentrera alors plus sur le cinéma, jouant dans le film Larry Flint, de Milos Forman, avec un joli succès critique.
En 1998, à l’heure d’écrire un nouvel album, le groupe qui avait tourné se réunit, et la machine se grippe. L’implication de personnes externes au groupe pour accoucher du disque, comme Billy Corgan des Smashing Pumpkins, sera nécessaire. La chanteuse-leader du groupe avait déjà commencé à polisser son image en apparaissant amincie et élégante dans les médias. Cette opération de lissage d’image continuera lors de l’élaboration de l’album, qui se veut plus axé vers le grand public, avec des sonorités plus « classic rock ». Il en ressort une succession de chansons power pop alternées avec des ballades fort écoutables. Les textes introspectifs, l’esprit de revanche et de rébellion de Courtney Love sont toujours là, mais dans un écrin élaboré pour plaire au plus grand nombre, ils perdent de leur puissance. Ce sera pourtant une opération réussie. L’album sera un immense succès pour le groupe. Il ne marquera cependant pas forcément l’histoire du rock.
En 1998, deux chanteuses blondes se vautraient dans des robes Versace pour délivrer leurs confessions, l’une engendrant un classique de la pop et l’autre… un album de rock digne mais oubliable. Deux faces d’une même pièce s’affrontaient. L’une nous livrait ses aspirations spirituelles et ses préoccupations maternelles, pendant que l’autre essayait de se refaire une image. Au final, la sincérité gagne sur le calcul.
En 1998, le score du deuxième round de ce match sera : Hole-0/Madonna-1.
Soit une égalité si on additionne les deux scores.
Une prolongation sera donc nécessaire.
Dans les années qui suivirent ces productions, les trajectoires de ces deux femmes fortes auront des similitudes, mais surtout beaucoup de divergences. Dans les similitudes, soulignons le goût partagé pour la chirurgie esthétique. A défaut de partager le même chirurgien, ou le même maquilleur, nos deux divas ont charcuté leur visage au point d’être presque méconnaissables. L’une avec un résultat plus heureux que l’autre… L’aspiration à la jeunesse éternelle se retrouvera aussi dans leurs productions.
Si Madonna a réussi par la suite à certaines occasions à renouveler la pop, notamment en s’entourant de Mirwais pour l’album Music et surtout sur la chanson éponyme, puis dans une moindre mesure avec l’album Confessions On The Dancefloor, la tendance des dernières années a plutôt été marquée par une volonté de faire des hits en s’entourant de valeurs sûres qui avaient déjà fait leurs preuves, plutôt que de fouiner dans les nouveaux talents pour révolutionner les tendances (Justin Timberlake, Nicky Minaj, M.I.A. … et Pharrel Williams avant l’heure de gloire, une collaboration qui n’a pas été très concluante… LMFAO ?!). Titres putassiers reprenant des recettes éprouvées (sampler Abba ?), voire bégaiements dans sa discographie (rappeler William Orbit en 2012 pour créer des titres qui ne dénoteraient pas dans Ray Of Light n’a pas forcément été sa meilleure idée). Efficace ? Oui, sans doute. Intéressant ? Pas vraiment. La Reine de la Pop est sur un trône en équilibre instable que des dauphines s’arrachent à coups de provocations cheap d’où la musique ne sort pas grandie. Attendue dans quelques mois, saura-t-elle se renouveler et être digne de ce qu’elle a déjà pu faire ? A la mention des collaborateurs du prochain disque, on reste dubitatifs.
Bégaiements aussi pour Courtney Love, dont la suite de la carrière est (encore plus) chaotique. Après un album solo, elle engendre un album de Hole toute seule. Cherchez l’erreur. Quelques titres accrocheurs, voire épatants (Mono) mais rien d’inoubliable. La carrière des années 2000 de la diva rock est au point mort, si ce n’est un single plein de promesses sorti il y a quelques mois. Sa participation à la série Sons Of Anarchy résume bien ce que semble être sa vie dernièrement.
Celle qui s’en sort le mieux aujourd’hui est encore Madonna, mais on attend la suite. La déception parle.
Ces deux femmes ont souvent flambé et ressuscité comme le Phénix. Une barbe pourrait peut-être les sauver ?
Frozen avait été pompé non ? (sinon bel article en mode double)
Salut Ivlo,
Merci pour ton commentaire. Madonna s’est effectivement pris un procès pour plagiat en Belgique, par un ex collaborateur de Patrick Hernandez dont elle a été une danseuse comme chacun sait. Il lui aurait fait écouter une suite d’accords voire une bribe de mélodie qui rappellerait étrangement Frozen… L’issue du procès est l’innocentage (ça ne doit sûrement pas se dire) de la madonne (plus de détails ici : http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Frozen). Quoi qu’il en soit, l’influence du morceau, et surtout du son élaboré dans cet album, restent indiscutables…