[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#68909e »]N[/mks_dropcap]ous l’avions laissé sur la dune, accompagné de ses deux autres acolytes Orso Jesenska et Erik Arnaud. Le temps d’un triptyque, trois épatants EP compilés par le label Monopsone en ce début d’année 2017.
S’il y avait peu d’ombre près des arbres morts, il y avait surtout la promesse préfigurant un long format pour notre capitaine solitaire. Un quatrième album aux intentions denses et concocté avec un soin remarquable par l’orléanais.
Pas n’importe quel projet, puisque l’auteur, compositeur et interprète y dévoile, entre les notes et les maux, ses lignes existentielles les plus intimes. Désamour plonge dans les tréfonds d’un journal de bord où celui qui tient la barre parvient à maintenir le cap, alors que le navire est à la dérive. Chambardé par l’une des plus grandes souffrances qu’une âme puisse connaître, celle qui déchiquette le cœur.
Il est donc question de rupture, une séparation éprouvée de plein fouet.
Matthieu Malon ne succombe pas aux facilités d’un sentimentalisme bâillant. Processus artistique qui aurait pu le croquer, telle l’image d’un être délaissé clamant à l’auditeur qui voudrait bien entendre ses peines les plus abyssales.
Le choix de la thématique révélée est bien plus brut, bien plus assumé. Entre la description sèche d’un instantané douloureux et la métaphore musicale qui nous rappelle aux plus prodigieuses désintégrations d’un groupe culte (vénéré également par le friand d’émotions que je suis).
Derrière le cri, il y a la soif de reconstruction.
Pour amorcer la machine, le clip La Coureuse fut présenté à la face du monde le 28 Juin de cette année. Sorte de trompe-l’œil auditif, calibré dans la structuration d’une pop rafraîchissante. Sans aucun contexte, le titre le plus léger de l’œuvre porte quelques similitudes dans le phrasé avec Miossec.
Un brise-glace idéal afin de servir de tremplin au discours plus âpre qui suivra. La vidéo représente une jeune fille en mode post-synchronisation. L’intéressée se trouve être la fille du photographe Stéphane Merveille qui, une fois encore, est le concepteur de l’artwork du disque.
Ce visuel n’est pas un hasard. Il est le fruit d’une transcription d’angoisses et vacarmes intérieurs qu’il convient d’expulser, sous peine de décomposition des vibrations qui forgent le vivant. Le trouble est perdu au milieu d’une forêt dont l’obscurité s’intensifie.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#68909e »]N[/mks_dropcap]euf titres habillés par le vinyle du Désamour. Après une Ouverture attentiste, un souffle homérique explose des enceintes avec une emphase synthétique assez incroyable.
Pour ce qui est des paroles, Matthieu Malon ne fait pas dans la souplesse. Dégage est une ode qui tonne un florilège de synonymes au rayon de l’invective impliquant, de facto, une fuite gorgée de fiel. Nous pouvons supposer une colère ironique derrière cette litanie invitant de force à l’affranchissement de tout lien. Terriblement radical !
Le chanteur est aux manettes de tous les instruments à l’exception notable de la partie rythmique, laissée entre les mains de Philippe Entressangle. Pour la guitare acoustique, c’est Pierre-Emmanuel Mériaud qui fait office de partenaire de luxe. Le même qui est d’ailleurs au crédit du mix et mastering du noble objet.
Au fil des minutes, l’humeur s’épaissit. Le spoken word se métamorphose en récitatif précis, impénétrable à la lueur assombrie de À l’Électron. La musique va de pair avec ce cautionnement grinçant et lourd. Les souvenirs sont étalés avec une amertume rétroagissant sur les nervures de la partition.
À l’inverse, le titre central qui donne son nom à l’album décèle une force intérieure captivante. Le refrain se focalise sur les arpèges d’une guitare larmoyante (clin d’œil qui se réfère à sa majesté Robert Smith, orfèvre du genre).
C’est au moyen de décibels abondants qu’il vous faudra sublimer le plaisir de diffusion, celui qui évoque un cliché mélancolique (Et ce t-shirt de Sonic Youth) sur lequel nous pouvons tous nous identifier, preuve du caractère universel de la prose.
La blessure tente de se refermer avec un point d’orgue impeccable, un appel à tourner la page au moyen de luxures digitales laissant entrevoir des prétendantes 2.0 peintes de manière relativement crue.
L’adoption à cet Essai Gratuit est immédiate, et c’est naturellement qu’un pincement vient nous submerger sur les ultimes notes. Irradiés par tant d’affections sarcastiques.
Musicalement, c’est un électrochoc personnel, filandreux et magistral !
Il faut alors ranger le disque dans son étui et espérer que cette catharsis puisse trouver un écho bien mérité.
Désamour paraît le 20 octobre 2017.