En préambule d’un album dont il me sera difficile de parler dans cette chronique, je dirai, pour ne pas trop vous faire fuir, que chaque projet dans lequel est présent Mocke, guitariste/chanteur/arrangeur/etc… de Midget ! est au pire excellent, au mieux formidable. Le gars a effectivement un pedigree à faire pâlir de jalousie n’importe quel amateur de chanson française indie. Pensez donc : guitariste d’abord pour Françoiz Breut, Bertrand Betsch ainsi que Silvain Vanot puis en groupe avec Holden, Arlt, Midget ! et enfin musicien prolixe (trois sorties cette année – Midget !, Mocke et Imagho et Mocke – et une prévue début 2015 avec le magnifique album d’Orso Jesenska dont on ne sera pas sans reparler dans très peu de temps) d’une constance dans la qualité assez remarquable.
C’est donc avec l’entité Midget ! (Duo dans lequel il exerce avec Claire Vailler) qu’il revient ce mois-ci pour un Bois Et Charbon tout à fait singulier, second album pour l’excellent label We Are Unique après un Lumière D’en Bas remarqué.
L’exercice, comme je le disais précédemment, sera difficile car il est toujours plus aisé de chroniquer un excellent disque bourré de défauts, crade, qu’un travail d’orfèvre, de haute couture comme semble être constitué ce Bois et Charbon. Ici, c’est au royaume de l’épure auquel vous êtes conviés, mais ne craignez rien, le charme est immédiat et opère tout au long de l’album. Composé par deux funambules, tiraillés entre expérimentations (Sans Ombre Cristal) et orfèvrerie pop, chanson française classique et celle, plus barrée du duo Fontaine/Areski (le chant de Mocke évoque sérieusement celui d’Areski), sagesse et folie (ce solo dans Les Soupirs Encore), immédiateté et abstraction (le dosage tout au long du disque est parfait) , thé ou café, Bois Et Charbon est un édifice délicat, fragile et toujours gracieux. Un disque défiant l’apesanteur, une sorte de bulle dont la pureté des arrangements rappelle par moment le Ting des Nits ou encore le minimalisme sublime des Young Marble Giants. Quelques soient les styles abordés : la chanson, la variété, le jazz, la pop, les mélopées orientales (L’occident), le drone voire le post-rock (l’intro de Sans Ombre Cristal évoque le drone d’un Wyatt sur lequel se grefferait la beauté crépusculaire de Bark Psychosis), quelques soient les atmosphères évoquées (l’inquiétude latente, sourde, la mélancolie) tout est balayé par la luminosité irradiante des chansons, liée en partie au chant cristallin de Claire Vailler, travaillées à même le diamant non plus par deux funambules mais deux joailliers attentifs, discrets et inspirés.
Mais n’allez pas croire que la beauté lumineuse de Bois Et Charbon phagocyte tout savoir-faire mélodique, que les joailliers soient deux ermites, fabriquant leurs pierres précieuses reclus dans un abri interdit d’accès au commun des mortels, au contraire : l’album est parsemé de chansons immédiates et accrocheuses (L’occident, Les Soupirs Encore, Terre Folle) parvenant à concilier l’exigence d’une Françoiz Breut à l’aisance mélodique d’une Françoise Hardy des 70’s. Néanmoins, outre des trésors mélodiques évidents, il recèle aussi quantité de silences, de mystères, une étrangeté certaine, amenant le pauvre hère qui s’y aventure à déambuler dans des chemins de traverse inconfortables, par moment chaotiques mais baignés d’une indicible beauté, d’un onirisme omniprésent, Lynchien, imprévisible. C’est avec cet onirisme, dans lequel tout est possible, que se développe la beauté singulière de Midget !, faisant de Bois Et Charbon un album affranchi de toutes contraintes et au final libre comme l’air.
Avec Bois Et Charbon, We are Unique, label abritant l’excellent Mickaël Mottet, Imagho mais aussi Half Asleep (dont Midget ! pourrait être le double lumineux et apaisé), se positionne de plus en plus comme le digne successeur de Saravah, label tête chercheuse des années 70 en matière de chanson française, adepte d’une certaine singularité musicale, d’une liberté qui trouve en Midget ! un de ses plus beaux représentants.
Bois Et Charbon est sorti le 12 novembre chez We Are Unique Records, disponible ici ou chez tous les (bons) disquaires de France