[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]e manière lapidaire, j’aimerais vous dire que ce disque est dantesque. Vous allez me rétorquer que l’hyperbole est abusive et pourtant…
Le neuvième album du groupe Mono est composé de cinq titres colossaux inspirés par la première partie de La Divine Comédie brossée par Dante : l’Enfer.
Nous sommes donc au centre de la Terre, dans cet entonnoir composé de neuf cercles.
Dans sa version musicale post-métal moderne, la bande son de cette descente se divise en cinq pistes avec, au cœur de l’œuvre, une messe noire célébrant le sommeil éternel du royaume de Lucifer.
Requiem for Hell débute avec Death In Rebirth, évocation de la réincarnation au travers d’une marche mise en relief par des roulements de tambour gigantesques. La caisse claire accentue le mouvement et petit à petit, c’est un vertige immense qui accélère la cadence. La déstabilisation sensorielle vous brise la mâchoire comme si votre dentiste osait prodiguer un détartrage avec une scie circulaire.
Histoire de trancher radicalement avec cette exécution progressive, musclée et tendue, nos amis japonais changent de cap pour un leitmotiv nappé de cordes, de timides tintements et un piano brillamment apaisé. Le mode d’emploi de cette nouvelle expérience se niche au sein de ce grand écart sonore. Le conflit permanent entre l’ombre et la lumière avec, pour emballer le mieux possible ce clivage bipolaire, la collaboration exquise de Steve Albini.
L’épicentre de ce séisme en mode alternatif prendra le nom donné à l’opus. Requiem for Hell s’engage sur une introduction déchirante aux aigus excessifs. Le crescendo latent se laisse désirer dans un confort noisy sur lequel d’angéliques strates viennent poser la majesté de l’instant. Les exécutants plongent dans les abysses de leur manche pour inonder l’auditoire de caresses stridentes. Mise en bouche orchestrale qui semble s’éteindre tel un feu qui agonise …
C’était sans compter le souffle grave sur des braises ravivées. Un feu qui jaillit et illumine de façon fulgurante un ciel assombri. La seconde partie du morceau est furieuse : grincements, hurlements, une image tapageuse du chaos suprême. Nous sommes alors dérangés par le vacarme de guitares pointant les esprits dans des instincts primaires, des pulsions assassines ! Chaque montée en puissance semble être l’aboutissement du chemin, chaque nouvelle étape accentue fortement l’impression d’être envahi par un mur de son apocalyptique. Une folle furie dont le silence soudain qui lui succède est nourri de ses échos au prix d’une inquiétante fin de règne.
Il faut alors recouvrer sans grande transition des perceptions plus léthargiques. Les vapeurs et les cendres fument encore mais l’atmosphère est plus planante. De la colère, le propos s’est muté en spleen irradiant. De ce renouveau, nous voyons l’exploration infinie d’une logique implacable, un fantasme narratif implicite qui s’inscrit dans un langage instrumental universel bien connu des contrées notamment écossaises ou canadiennes (je vous laisse le soin de deviner sans grande difficulté les confrères ici visés.)
La scène finale est emplie d’une tristesse dont l’emprunte est marquée par une tension digne d’une mandoline à laquelle on aurait conféré les effets de pédales saturées. Beauté magistrale pour ce dénouement symbolisant à merveille le contraste saisissant d’un thème à la fois électrique, organique et lancinant.
Mono en quelques déflagrations, quelques harmonies mais surtout une fragmentation systématique des mondes, parvient à glisser son talent au profit d’une odyssée étrange où se mêlent des émotions dissimilaires sans pour autant heurter la sensibilité humaine qui couronne un ensemble remarquablement délivré.
Album disponible depuis le 14 Octobre auprès de votre vendeur habituel.