Le 1er septembre dernier sortait chez Atmosphériques le 2nd album des canadiens de Monogrenade, Composite. J’avais alors chroniqué l’album pour vous, et j’avais passé un moment très agréable à l’écoute de ces dix titres d’une redoutable efficacité, pour rappel c’est par ici que ça se passe.
Mais mon bonheur ne s’arrêtait pas là… ! Notre rédactrice en chef bien-aimée, me proposa encore mieux, interviewer Jean-Michel Pigeon, le leader charismatique du groupe, lors de son passage à Paris, fin septembre, dans les locaux d’Atmosphériques, leur label pour la France. Pour ne rien vous cacher, je suis plutôt admirative de ce groupe, que j’ai découvert en 2012, chez Frédéric Taddeï dans Ce Soir ou Jamais, pour un live magnifique sur le titre M’en Aller, alors je vous laisse imaginer l’état dans lequel je me trouvais. Mais tout ça s’est dissipé très vite, j’ai trouvé un garçon agréable, souriant et passionné… je vous laisse découvrir par vous-même !
Mag : Monogrenade a été formé en 2008 à Montréal me semble-t-il, peux-tu nous raconter l’histoire du groupe ?
Jean-Michel : En 2009 en fait, tout ça remonte à une démo du groupe qui s’appelle La Saveur des Fruits. En fait, au départ ce n’était pas un groupe, je l’ai enregistré dans un chalet et c’est des amis qui m’ont appelé pour réaliser mes chansons. Puis, on a composé huit titres et on s’est dit qu’on allait faire un spectacle, j’ai mes vieux amis qui sont musiciens, tu sais Mathieu (Collette) le batteur et François (Lessard), le bassiste. C’est des vieux amis d’enfance, je les ai appelés et on a choisi le nom Monogrenade. Nous trois, c’est la base du projet. Marianne (Houle) au violoncelle, nous a trouvé sur Myspace, elle nous a écrit en nous disant qu’elle aimait ce qu’on faisait, elle cherchait un projet. Sinon les deux filles, Julie (Boivin) et Ingrid (Wissink), ça s’est fait comme ça, avant on engageait des violonistes, il fallait toujours les reformer et là on s’est dit qu’on voulait une équipe solide alors on a engagé deux filles à temps plein, et en plus c’était des connaissances à nous. C’est un peu l’histoire de la formation !
M : Ok, il y a déjà une base solide d’amis d’enfance.
JM : Oui, on est des bons amis !
M : Cela se sent dans vos créations… ensuite, pour Tantale, je trouvais que l’album était à mi-chemin entre la pop et l’électro, je me souviens à l’époque on vous classait entre Radiohead et Dominique A. Mais pour Composite, j’ai entendu d’autres influences, comme la new wave par exemple… du coup je me demandais comment vous qualifieriez votre musique ?
JM : C’est vraiment la question qui tue pour nous ! (sourires) En fait, plus on se pose la question, plus je pense que ce qui nous définit en fait c’est qu’on est vraiment éclectique. Ça part un peu dans tous les sens, tu sais on ne se donne pas de limite, ce n’est pas comme par exemple les Red Hot Chili Peppers, qui font toujours du rock. Il y a le titre Tes yeux, qui est pop funk, après Composite, qui est plus une chanson, magique, poétique, je ne sais pas comment dire… Métropolis, qui est de l’arpeggio drop… En fait, je pense qu’on fait de la pop éclectique !
M : Oui, j’aime bien le terme, pop éclectique, ça définit bien votre musique ! Justement, le titre de l’album, Composite, évoque ce matériau aux multiples facettes, vous avez du passer un certain temps à travailler dessus, Tantale datant de 2011, vous avez mis combien de temps à le composer ? Peux-tu nous raconter cette phase de création ?
JM : En fait, ça a pris un an à enregistrer Composite. Quand Tantale est sorti, on a tourné et on a fait beaucoup de spectacles et cela a été long avant que je puisse écrire à nouveau des chansons. Mais à la fin de Tantale, on s’est arrêté au studio La Frette, pendant la tournée et on a enregistré les bases des chansons de Composite, puis le titre Le Fantôme, c’était un peu le début. Le reste, on l’a fait dans mon studio à Montréal pendant un an, ce qui était le contraire de Tantale, car là on s’était enfermé dans un studio pendant deux mois. Là on a fait les choses plus naturellement, tu vois pendant qu’on travaillait, quand il y’en a un qui était libre il passait au studio, ça s’est plus étalé. Et tout ça permet d’expérimenter ce qui est bon ou moins bon. On a mis un an en tout et pour tout !
M : C’est très riche, vous avez utilisé des boîtes à rythme, des synthés, beaucoup de collaborations aussi…
JM : Oui quand même ! En fait il y avait beaucoup plus de collaborations (sourires), tu sais la musique c’est connecté, moi je m’arrêterais pas, j’aurais mis des cuivres, pleins de choses !
M : Les superpositions, c’est ça ! Y’a du cor français aussi, c’est assez surprenant !
JM : C’est Pietro Amato, qui était une connaissance. J’étais fan de Bell Orchestre qui était un de ses projets que j’écoutais beaucoup, puis Marianne qui a travaillé avec lui dans un autre projet. Il y a aussi Marie-Pierre Arthur, j’étais fan de sa musique, à qui j’ai envoyé les chansons car elle était dans la même maison de disque que nous.
M : Vous vous connaissiez avec Marie-Pierre Arthur ?
JM : Non, j’étais impressionné parce que j’étais fan, je me suis fait un trip ! Sinon, les Mommies On The Run étaient déjà sur le premier album, c’est elles qui font le gros de nos arrangements à cordes. Il y a des chansons sur lesquelles nous avons une direction et y’en a d’autres où nous n’avons aucune idée et nous leur donnons en leur disant que nous voudrions des cordes, ce sont des professionnelles vraiment, elles sont vraiment douées ces filles !
M : Je trouvais que les textes, enfin l’album même me fait l’effet d’un album concept où il y a une sorte d’analogie entre l’espace, l’infini et les émotions humaines, qui est quelque part comme une quête… j’aimerais bien que tu m’en parles un peu, comment ça t’es venu, enfin, c’est toi qui écrit les textes ?
JM : Tu l’as bien résumé dans ta question, c’est un album qui traite de l’humain, Composite, pour moi, c’était pour illustrer la complexité du composite, on ressent pleins de choses. Je suis un passionné de psychologie, c’est vraiment un truc que j’adore, la psychologie de la perception, ce genre de choses. Cela n’a juste pas de fin, c’est juste immense, de là, je voyais une corrélation entre le spatial, les planètes, parce que c’est plus grand que nous. On est tout petit et trop grand à la fois, trop complexe, c’est indéfinissable. Je trouve qu’il y a une source de recul aussi, un lien. Au début de Composite, je m’étais installé dans un studio où il y avait pleins de synthés, c’est pour ça qu’il y en a sur l’album. Je suis rentrée dans le studio et j’ai commencé à m’amuser. Cette pop, un peu mainstream, le fait d’utiliser les synthétiseurs, ce son un peu spatial, cette thématique de l’humain, des planètes… en fait, tout ça s’est mis en forme, c’est un concept par soi-même.
M : A propos des textes, j’ai relevé un champ lexical connoté science-fiction, tu les as beaucoup travaillé…
JM : Tu sais, y’en a qui écrive des textes comme ça, sur le coin d’une table, alors que moi, c’est vraiment long, et en même temps chaque phrase sur cet album, je pourrais te dire pourquoi elle a été écrite ! C’est pas tant de la poésie, c’est toute une signification, puis je ne me considère pas comme un poète ou un auteur, je ne suis pas un mec qui consomme de la littérature, qui lit. Je suis un compositeur mais auteur par défaut parce que je fais des chansons. Mes textes ne sont pas très personnels, je n’aime pas parler de moi, je ne le ferais jamais. Ils sont personnels dans le sens où j’aime mieux parler des choses de façon détournée, ou me mettre dans la peau de quelqu’un d’autre.
M : C’est plus facile, pour garder une certaine pudeur de soi.
JM : ça dépend, il y a des personnes qui ont des personnalités qui font qu’ils peuvent parler d’eux, j’avais rien à dire sur ma vie, ma vie c’est juste la musique.
M : Mais du coup, à défaut d’influences littéraires, as-tu des influences musicales ?
JM : Ah, ben là, il y en a beaucoup ! Je dirais que la plus importante, c’est celle de ma jeunesse, ma mère m’a enseigné le piano classique, du coup j’ai grandi avec du piano classique en me couchant et en me réveillant. Après ça, j’ai écouté beaucoup d’indie rock, j’étais un gros fan de Broken Social Scene, les vieux Interpol, toute la musique avec des bonnes guitares, j’adore aussi la musique de films d’horreur ! J’adore vraiment ça !
M : Goblin ? Tu connais Goblin ?
JM : Non ?
M : C’est un groupe italien de rock prog’, ils ont fait les musiques des films de Romero et Argento entre autre…
JM : Ah bon ? (intéressé)
M : Tu devrais les écouter, ils ont été beaucoup samplé, par exemple par Justice, tu vas reconnaître pleins de morceaux. Si tu aimes les musiques de films d’horreur, tu vas adorer !
JM : Ok, je le note !
M : Enfin… pour rester sur les influences, j’ai vu l’autre jour sur votre page Facebook, une vidéo dans laquelle tu parlais de l’album Shields de Grizzly Bear, dans vos arrangements, très orchestrés, y’a une influence non ?
JM : Ah oui ! Définitivement ! Le son de Grizzly Bear, j’ai toujours adoré, les sons de guitare, c’est fou comme ça sonne bien ! Les structures, les toms, c’est des génies, et puis je suis un grand fan !
M : Ma question fétiche (je la lâche pas celle-là, la disquaire aime savoir ce qu’écoutent les artistes), tu as des coups de cœur en ce moment, sur les sorties de cette année ?
JM : En fait, je ne consomme pas beaucoup de musique puisque j’en fais tout le temps. C’est vrai que je devrais prendre le temps d’aller fouiller, c’est mon métier, mais je ne suis pas à l’affut, c’est quand quelqu’un m’en parle que je vais écouter…
M : Alors, c’est quoi le dernier disque que tu as acheté ?
JM : Je crois que c’est Hayden Knight, un chanteur folk américain ou canadien, je suis plus certain, c’est une amie qui m’a fait écouter une chanson et j’ai trouvé ça bon, du coup j’ai acheté ses deux albums.
M : Le mot de la fin, c’est quoi vos projets ? Une tournée ?
JM : Oui c’est ça, l’album est sorti le 1er septembre, c’est vraiment d’aller jouer le plus possible et on est déjà en train de travailler le 3ème album ! J’ai cinq nouvelles maquettes, on va travailler ça à la maison !
M : Il va sortir quand du coup… en 2016 ?
JM : J’espère avant, j’ai trouvé ça long du coup. C’est long car quand tu commences un album, avant de terminer les premières pièces, ça prend du temps et on peut se perdre. Je voudrais trouver une façon de peut-être sortir des chansons avant, avec un recueil… enfin je ne sais pas trop, je suis en train de réfléchir à ça. Il y aura peut-être plus de guitares dans les chansons, je ne sais pas… ça peut changer !
L’album de Monogrenade, Cosmopolite est sorti le 1er septembre dernier chez Atmosphériques, je vous invite à vous le procurer au plus vite par ici, en attendant leur passage en France au mois de novembre.
Remerciements : Jean-Michel Pigeon pour cet entretien, Xavier Chezleprêtre de l’agence Attitude et l’équipe du label Atmosphériques pour leur accueil !