Il y a des nouvelles comme ça qui suffisent à égayer votre journée. Le retour de Neil Gaiman avec un nouveau roman en est assurément une excellente.
Nouveau roi de l’imaginaire et du fantastique, Neil Gaiman est un auteur protéiforme et prolixe. Sa large palette de création va du scénario de comics au scénario pour le cinéma, du roman pour adultes aux albums pour enfants. En tant qu’auteur de comics, son travail le plus emblématique reste l’épopée Sandman, relecture du mythe de Morphée, actuellement réédité chez Urban Comics sous forme d’intégrale.
Ses collaborations avec l’illustrateur hors normes Dave Mc Kean ont marqué/traumatisé une génération, que ce soit avec ses albums jeunesse tels que Le Jour Où J’Ai Echangé Mon Père Contre Deux Poissons Rouges, Des Loups Dans Les Murs ou sa série Black Orchid pour adulte. Ce n’est pas un hasard si son roman Coraline a été adapté en animation par l’auteur de L’Etrange Noël De Mr. Jack.
Neil Gaiman propose un univers sombre et fantastique, mais non dénué d’humour et de poésie, le tout dilué dans une écriture fluide. Bref, Neil Gaiman, adoubé par le grand Stephen King, est aujourd’hui le roi de l’imaginaire et le maître du bizarre. C’est donc avec un plaisir non feint que l’on accueille chacun de ses romans. Surtout quand ils sont publiés chez l’éditeur Au Diable Vauvert, spécialiste des romans décalés.
L’Océan Au Bout Du Chemin, paru en 2014, est donc son dernier ouvrage que j’ai eu le plaisir de découvrir.
Dans ce récit à la première personne, le narrateur, on ne saura jamais son nom, semble rentrer d’un enterrement, non loin des terres de son enfance. La cérémonie terminée, il prend le volant et son instinct le ramène d’abord vers la maison familiale, puis vers l’ancien terrain où il a vécu enfant, terrain aujourd’hui démoli, qui a laissé place à une zone pavillonnaire et qui lui renvoie une image miroir d’une enfance enfouie, rasée.
Sans trop savoir pourquoi, comme guidé vers ses lieux, ses pas le portent vers la ferme voisine des Hempstock. En poussant la porte, et en tombant sur la vieille Hempstock, étonnamment toujours vivante, c’est tout un pan du passé qui commence à ressurgir, et petit à petit, dans son esprit, la brume commence à se lever. C’est lorsque il se dirige vers la mare derrière la ferme, le fameux soit disant océan du titre, que tous les souvenirs enfouis remontent. Et c’est un nouveau récit qui commence.
Entre 7 et 12 ans, le narrateur a vécu une terrible épreuve, lorsque sa famille embauche une étrange nounou qui ensorcelle sa famille au sens propre. Seul à repousser l’attraction de cette sorcière maléfique, il ne doit son salut qu’aux habitantes de la ferme voisine. Au contact de cette famille étrange, il découvre un monde caché, souterrain et invisible.En compagnie de ces trois femmes, la vieille Hempstock, la mère, et surtout la fille, il devra traverser bien des épreuves pour retrouver un semblant de normalité.
L’écriture de Neil Gaiman est agréablement fluide et naturelle. Ce qui charme, c’est la manière dont le conte de fées intervient naturellement dans un récit au départ classique. Ainsi, dans les échanges avec ces femmes recluses, au détour de la conversation, on comprend que nous avons soudain affaire à un monde invisible et impénétrable. Pour témoin, cette scène où la vieille Hempstock recoud littéralement le temps pour sauver l’enfant de l’ire parentale, pendant qu’elles lui servent un repas copieux.
Beau roman sur l’enfance et ses traumatismes, ce roman vous enchantera, vous fera frissonner et vous fera toucher du doigt un monde insoupçonné.
L’Océan au bout du chemin de Neil Gaiman, traduit de l’anglais par Patrick Marcel. Editions Au Diable Vauvert, 2014
Son nouveau roman, Par bonheur, le lait, est prévu chez le même éditeur en novembre 2015.