A bientôt 67 ans, Monsieur Nick Cave reste tellement présent et incontournable que chacune de ses sorties est forcément vue à l’aune d’une discographie longue et dense, commencée avec The Boys Next Door puis Birthday Party, avant l’aventure avec ses Bad Seeds débutée il y a tout juste 40 ans.
Au delà même de sa musique et de ses chansons, c’est sa vie faite de nombreux drames qui fait l’objet d’analyse et de commentaires tant elle influence son œuvre, en particulier sur la décennie précédente et la perte d’un enfant, donnant le ton de Skeleton Tree ou du bouleversant Ghosteen.
Wild God, son 18ème album, ou disons le plutôt ainsi, leur 18ème album, tant le disque parait être l’œuvre d’un véritable groupe avec à sa tête, Nick Cave mais également Warren Ellis, semble être un retour à la lumière, certes teintée de mélancolie, retrouvant ainsi l’atmosphère de No More Shall We Part ou l’ambiance d’Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus.
Entre continuation et nouveauté, outre Warren Ellis déjà cité, les fidèles Bad Seeds sont toujours là, du batteur Thomas Wydler au bassiste Martyn Casey, en passant par le guitariste George Vjestica et le percussionniste Jim Sclavunos mais de nouveaux collaborateurs dont ici leur apparition.
Ainsi, Colin Greenwood, le bassiste de Radiohead poursuit son aventure scénique récente avec Nick Cave sur quelques pistes. Plus surprenant, la participation du producteur Dave Fridmann, donne un son assez inhabituel chez les Bad Seeds, poussant la voix de Nick Cave vraiment vers l’avant, renvoyant à ses travaux avec Flaming Lips ou le Mercury Rev de la grande époque. On finira les présentations en citant également le rôle proéminent des voix du Double R Collective, car Wild God est d’abord un disque de chœur et de cordes, de cœur aussi.
C’est en effet évident dès le superbe Song Of The Lake, gospel lumineux, les voix semblent s’envoler, Nick Cave chante son premier » Oh Lord« , le premier d’une longue série. La chanson titre s’avance ensuite tout en retenue, nous donnant à repasser dans la désormais célèbre Jubilee Street de Push The Sky Away, avant de s’envoler aux quatre coins du monde dans une accélération lyrique dont les Bad Seeds ont le secret.
Toujours une histoire d’envol sur le magnifique Frogs, de la mare vers les cieux ou vers un lit plus accueillant même si fait de draps de larmes, citant au passage Kris Kristoferson, The Bad Seeds nous offrent là ce qui a tout l’air d’un futur classique.
Le morceau suivant, Joy a failli donner son nom à l’album mais Nick Cave a préféré opter pour Wild God, afin d’éviter toute mauvaise interprétation. Le long et lent morceau, lui-même donne quelques indications, « I Woke Up This Morning With The Blues All Around My Head I Felt Like Someone In My Family Was Dead« , c’est une prière, une lutte pour sortir la tête de l’eau. Nick Cave y chante divinement bien, mélange d’emphase et de douceur, superbement accompagné par les chœurs et cuivres et une rythmique délicate et précieuse.
Synthés et pianos se croisent et se décroisent sur Final Rescue Attempt, jolie chanson d’amour qu’on aurait bien imaginé sur Ghosteen. Conversion, ensuite, symbolise parfaitement Wild God, commençant tout en douceur et recueillement, avant que les chœurs gospel rallument la flamme, »Touched By The Spirit And Touched By The Flame » et que Cave époumone devant tant de beauté.
Une belle ballade Cinnamon Horses poursuit l’aventure, I Told My Friends That Life Was Sweet, quelques touches de piano, une pluie de cordes, il s’en dégage quelque chose de majestueux, une sorte de rédemption joyeuse, qui nous entrainent jusqu’à Long Dark Night, du Bad Seeds de facture très classique sur le temps qui passe et la fin inéluctable qui nous attend
O Wow O Wow (Ow Wonderful Is She) est un bel hommage à Anita Lane, ex membre du Bad Seeds et ex petite amie de Nick Cave décédée en 2021. A l’instar de son drôle de titre, c’est un morceau étonnant avec beaucoup d’effets, auto-tune et autre, comme une parenthèse tout simple dans un album par ailleurs majestueux, le souvenir léger et profond d’une artiste unique qu’on entend d’ailleurs ici sur un enregistrement téléphonie.
Retour au gospel pour conclure ce Wild God, avec As The Waters Covers the Sea, sur lequel Nick Cave s’efface peu à peu pour se glisser au sein du Double R Collective, bouclant ainsi la boucle, en route pour la joie, le cœur un peu plus léger.
On laissera à Wild God le temps de faire sa place dans la plantureuse discographie des Bad Seeds, mais c’est encore et déjà le témoignage du talent unique de Nick Cave, l’homme incapable de sortir un mauvais disque !
Nick Cave & The Bad Seeds · Wild God
PIAS – 30 Août 2024