» La lumière n’exauce pas les corps, elle les massacre. «
Après s’être attaqué, avec beaucoup d’humour et d’intelligence, au discours politique et à l’obsession pour le texte parfait (Acharnement, Actes Sud, 2012), Mathieu Larnaudie retrace ici la vie de Frances Farmer, figure emblématique d’une certaine contre-culture américaine de la fin des années 30.
Déterminée, dès son plus jeune âge, à devenir actrice, elle fit une courte carrière à Hollywood (courte mais remarquée), avant de délaisser l’industrie cinématographique californienne pour rejoindre les planches des théâtres de Broadway. Son insoumission et ses écarts de conduite, dont la première manifestation eut lieu dès l’adolescence et dont le point culminant fut l’agression qu’elle commit sur un policier, lui valurent d’être mise à l’écart, puis quasiment brisée. On désirait que Frances Farmes reste un corps exposé à la lumière des projecteurs, mais, en parfaite représentante de ces fortes têtes qui refusent d’entrer dans les catégories assignées par d’autres, elle résista et fut finalement confrontée à l’internement et à la violence de l’institution psychiatrique sous le contrôle médical duquel elle avait été placée.
Ce destin tragique aurait pu donner naissance à un roman sordide, mais Mathieu Larnaudie évite brillamment tous les écueils du sensationnalisme en s’écartant volontairement du genre biographique pour explorer d’autres voies. La fiction est vraisemblablement pour lui un acte profondément politique, et la création littéraire semble être le meilleur moyen dont il dispose pour questionner le monde, jusque dans les fondements du capitalisme et de la société du spectacle. Particulièrement attentif à la beauté formelle du texte (l’écriture travaillée étant la signature du collectif Inculte), il cisèle ses phrases, que l’on se surprend à relire et à prononcer régulièrement à voix haute pour en apprécier pleinement l’harmonie et la musicalité. Il construit son récit d’une manière qui étonnera certainement plus d’un lecteur, faisant fi de la linéarité au profit d’une formule en sept chapitres qui, à travers le portrait d’une actrice rebelle, propose une vision extrêmement intelligente de l’Amérique du vingtième siècle et de son rapport à l’image.
Au final, Notre désir est sans remède fait sans conteste partie des publications les plus intéressantes de la rentrée littéraire et Mathieu Larnaudie s’impose avec évidence comme l’un des membres de cette jeune avant-garde capable de faire souffler un vent de fraîcheur salvateur sur la fiction française contemporaine.
Des extraits sont à votre disposition ci-dessous :
Notre désir est sans remède, Mathieu Larnaudie, Éditions Actes Sud, 19 août 2015.