A l’occasion de la sortie de Ohm 2 et d’un prochain concert du garçon à l’Olympic le Samedi 31 Janvier je reviens sur les deux EP de Olivier Marguerit, a.k.a. O.
O pas Zéro … Ce O plein de générosité. Ce simple trait qui encercle, ou qui étreint.
Un O plein et rassurant, un O comme une Ouverture, un O comme la porte d’entrée d’un monde Onirique, un O comme un O (un oreiller tendre et accueillant).
Un O nu, Un O comme un Orifice, un O à emplir, un O comme un trou à remplir. Oh! un O comme un Ouiiiiiiii qui n’en finirait pas.
Un O comme un Ohm qui mesurerait la résistance d’un homme. Olivier Marguerit est cet homme, est ce O, si haut.
Le moins que l’on puisse en dire c’est que cet homme ne fonctionne pas à l’économie. Simple, généreux et sincère sont autant de qualificatifs qui pourraient convenir à la définition de la musique composée par O. Tout y parait simple et direct, sans danger et sans risque, on s’y aventure le pas léger et on en ressort l’âme égayée.
Tout cela parait si facile. On dit souvent que c’est le fruit d’un travail acharné qui donne cette apparence de facilité à une oeuvre. A l’évidence c’est le cas chez O.
Les constructions des chansons sont d’une richesse exceptionnelle. Là où certains auraient fait des idées que l’on trouve dans Ohm 1 et Ohm 2 une bonne dizaine d’albums, Olivier Marguerit les offre toutes ici sur 13 titres (5 sur Ohm 1, 8 sur Ohm 2). Comme il s’offre sur les pochettes des 2 EPs où il est peint par 2 de ses amis, torse nu, pleine face et ses yeux bleus mi-tendres mi-absents qui nous fixent. O c’est lui, l’Ohm c’est lui.
La composition est réfléchie et minutieuse à l’intérieur de chaque morceau mais elle est également d’une grande cohérence dans le tracklisting. Rien n’est laissé au hasard pas même le format d’édition choisi, le vinyle, parce que comme le dit Olivier « le meilleur moyen de faire exister la musique aujourd’hui, c’est de la rendre un peu rare »
Et rares sont les artistes qui accordent autant d’attention à la composition de leurs chansons et de leurs EP.
Sur Ohm 1, un EP aussi court que dense, sorti il y a près d’un an, O nous prend par la main pour visiter ses (nouvelles) terres.
Un cycle qui nous emmène à travers les 4 saisons, du repli de l’automne à la plénitude de la chaleur d’été.
Le titre d’ouverture Not For Me évoque à la fois un vinyle démarrant progressivement pour trouver sa vitesse de croisière, mais surtout le décollage de la fusée O. L’impression est assez forte, pas tout à fait agréable (aux premières écoutes) les motifs du couplet ne se répètent pas, il n’y pas de repères évidents, l’oreille ne s’accroche à rien.
Mais la main rassurante de O qui nous tient toujours nous emmène vers un refrain qui se construit progressivement, l’univers se fait plus rassurant, on oublie ce décollage et ses dangers, les yeux grands ouverts sur ce monde merveilleux où l’on sent que la mélodie est reine.
Le texte de Not For Me ne se veut pas beaucoup plus rassurant, bien au contraire, comme une introduction à son Oeuvre en solo, O que l’on connaissait pour ses diverses collaborations (Syd Matters, Mina Tindle, Los Chicros, My Girlfriend Is Better Than Yours) évoque ici ses incertitudes et ses frustrations passées.
Ici prend racine le renouveau qui passera (on le verra) par la mise à nu. Fin de la première chanson, et en 3:26 O nous a totalement embarqué. Chapeau.
Le titre suivant Le Froid montre un O nu comme un vers dans le froid de la ville. C’est l’hiver. La voix, fragile et peu assurée, est sans effet. Elle chante la crainte, la nudité de celui qui reprend tout à zéro, rassuré seulement par l’amour qui l’accompagne. Et le titre, comme un pont entre le décollage et la chaleur du titre suivant, se termine dans un souffle.
Dans la promenade dans laquelle il nous invite, le temps est venu, après le froid de l’hiver, de visiter des plaines plus accueillantes.
Dans A Kiss c’est le printemps avec tout ce qu’il a de plus agréable. Tout est vert, le désir monte comme la sève, c’est le temps de la chair et de ses plaisirs. Qu’il doit être difficile de parler de sexe directement dans une chanson sans paraître grossier, sans passer à côté de ce qu’il y a de plus beau dans cet acte universel. C’est le défi que relève ici l’artiste, gardant toute la poésie de l’instant, il réserve une belle surprise aux auditeurs, et je préfère ne pas vous la dévoiler tant c’est un moment exquis.
Maintenant que nous sommes réchauffés et encore enlacés il est temps de profiter du bonheur qui nous emplit. Dans Mon Echo les sentiments fusent, l’énergie explose, le corps se lâche, libéré et sans crainte (par contraste avec le froid des débuts).
Après l’amour, de ce corps nait la vie. Mon Echo contient au moins 4 chansons (c’est en cela que je parlais de générosité) et s’adresse aux amours de O, sa femme et sa fille.
Loin de nous laisser à l’écart il nous invite dans sa communion et nous en offre, à travers cette richesse mélodique, son énergie.
Le titre suivant Le Temps ferme le premier EP sur un été chaud, si chaud, qu’il appelle à l’eau et à l’endormissement. On s’endort alors avec l’idée d’avoir entendu plus un album qu’un EP, dont je n’ai toujours pas fait le tour après des dizaines d’écoutes.
Chez O tout est circulaire, ou presque, ça fait des boucles, la fin est le début, le début est à la fin, on passe et on repasse mais ce n’est jamais complètement la même chose, c’est un grand 8, et couché c’est l’infini ∞.
Infini qui se retrouve dans le sillon du vinyle qui ne se termine pas (d’où l’indispensable nécessité de les posséder car l’écoute s’en trouve largement modifiée … « à vous de choisir quand le disque prend fin » nous dit Olivier). Infinies comme les possibilités qu’offrent cet O.
Dans Ohm 2, Olivier, dans la continuité du précédent EP, choisit donc de développer le thème abordé à la fin de Ohm 1. L’eau.
Rappelez vous dans Le Temps nous finissions allongés au bord de l’eau, chauffés par la chaleur du soleil et de nos ébats.
La trilogie ouvrant Ohm 2 nommée Rivière commence dans un ventre, peut être celui-là même que nous voyons dans la vidéo de Mon Echo, ou plutôt celui de l’auteur qui nous invite à poursuivre l’aventure en glissant en son sein.
Ce ventre est plein de promesses « I’ve got all you need » « I’ve got water in my veins » (ouf on ne mourra pas de soif) » Stay right by my side I will colour the sky » … franchement ça fait envie … allez on plonge … dans La Rivière O. Et c’est un bain délicieux.
Depuis le début de ce second EP on pense à Air, mais aussi à Mellow, certes mais pas que. Le tout me parait plus touffu, plus réfléchi, plus fouillé et plus généreux surtout. Musicalement d’autres en parleront mieux que moi mais il y a tant de choses et tant d’éléments qu’un amateur en aurait fait un gloubiboulga infâme, ici rien de tout ça, tout est organisé, dosé, offert avec intelligence.
Après le bain dans La Rivière qui nous a emporté au loin, O nous répète dans All You Need qu’il a tout ce dont nous avons besoin. Tout … vraiment ?
Pourquoi le répéter comme un mantra, méthode coué ? Est ce l’heure des doutes retrouvés ?
C’est bien ce qui semble se confirmer dans Répéter/Disparaitre. Dans le processus de création ce moment est inévitable. Et si après avoir tant donné, tant offert, s’être persuadé que c’est ce que l’autre attendait, seules des interrogations pouvaient surgir … Un saut dans les neurones du créateur pour y trouver de nouveau cette fragilité qui affleure partout, la peur d’ennuyer, la peur de paraître ridicule, la peur de se répéter, la pression du renouvellement permanent, la peur de disparaître.
C’est un difficile métier que celui d’artiste. Nécessité de plaire, ne jamais déplaire, ne pas se répéter pour continuer à exister.
Après s’être bien amusés dans la rivière et avoir gambadé comme des cabris dans les prés, la claque de la réalité vous tombe dessus comme un 38 tonnes lancé sur l’autoroute du soleil en plein hiver.
On s’agite encore un peu sur Répéter/Disparaitre mais l’exaltation retombe aussi vite qu’un soufflé mal cuit. Le froid est revenu des entrailles de Ohm 1.
Dans Bébi on retrouve donc le froid qui nous avait épargnés depuis le début de Ohm 1. Pourtant ce froid-ci semble moins menaçant, on sait maintenant que pour ne pas se répéter il faut repartir de zéro ou presque, c’est vers cela que Bébi nous emmène progressivement toudou toudou tout doux …
L’espoir et la joie de la fin du titre, qui clôt la face A de ce second EP, apporte une coloration différente à l’impression d’une certaine naïveté qui pouvait teinter les titres précédents.
Une certaine maturité peut-être, une vision plus adulte, sans pour autant abandonner des traces et des impressions plus enfantines. Un pied dans chacune de ces 2 époques, ces 2 rivières, celle de l’enfance et celle de l’âge adulte, du père, du mari. Entre deux eaux donc.
Entre Dos Aguas, instrumental qui introduit la seconde face de l’EP devait avoir à l’origine des paroles en espagnol mais O semble avoir choisi l’apaisement apporté par l’instrumentation seule plutôt que l’énergie qu’aurait, peut-être, imposé une mélodie en espagnol.
Cet apaisement transitoire permet d’entrer dans Un Torrent, La Boue sans hésitation, pour y découvrir progressivement qu’il s’agit là d’un champ de bataille où la guerre fait rage. Mais de quelle guerre est il question ? Le rythme s’accélère et se fait rapidement plus brutal. On parle de coeur, des couleurs du drapeau, de cet homme au combat qu’on attend, mais l’homme sera-t-il à la hauteur (une fois de plus) Et pour qui se bat-il ?
Il y a du sang, il y a des morts. Un bruit d’obus qui s’abat, l’homme est touché.
Entre l’exaltation imposée par cette mélodie au rythme martial et le texte effrayant (la boue dans la bouche, la terre noire jonchée de corps) l’impression est déchirante.
L’homme se relève mais toujours la même question « Suis-je à la hauteur?«
De retour du champ de bataille on retrouve la rivière qui nettoie, qui accueille pour le repos. Plonge Dans l’Eau clôt le disque. Et ce titre crée une boucle, à la fois avec l’invitation faite au début de Ohm 2 de se laisser aller au fil de l’eau, mais également avec le premier titre de Ohm 1, Not For Me dont le questionnement était « Est ce pour moi ? » là où Plonge Dans L’Eau se demande « si tu veux de moi » … est ce si différent?
Il est absolument indispensable à mon avis d’écouter ces 2 EP en vinyle, tant il est plaisant de jouer avec cet esprit de boucle, ces cercles qui, déroulés dans le temps, créent des spirales infinies.
Ecouter les titres des 2 EPs dans leur ordre est déjà un émerveillement mais il est également possible de renverser les écoutes tout en gardant toute la cohérence de l’oeuvre. Explications avec la liste des titres pour mieux comprendre.
O
Ohm part 1
A
Not For Me
Le Froid
A Kiss
∞
B
Mon Echo
Le Temps
Ohm part 2
A
Trilogie Rivière : In My Belly / La Rivière /All You Need
Répéter/Disparaître
Bébi
∞
B
Entre Dos Aguas
Un Torrent, La Boue
Plonge Dans L’Eau
Ainsi la fin de la face A de Ohm 1, A Kiss, s’enchaîne parfaitement avec le début de la face B, Entre Dos Aguas de Ohm 2.
Plonge Dans L’Eau dernier titre de cette même face B précédant alors la face B de Ohm 1 avec Mon Echo et l’écoute des deux disques se termine donc sur Bébi et son « J’étais trop seul » en guise de conclusion.
Il existe beaucoup d’autres possibilités mais j’ai choisi celle-ci car il m’est agréable d’imaginer que Olivier Marguerit, O, a décidé d’embrasser une carrière en solo dans le but de créer quelque chose qui réunirait nos solitudes. C’est sans doute très extrapolé de ma part mais cette idée me plait.
J’ai rarement été aussi enthousiaste à l’écoute d’un artiste et je suis très impatient de connaitre les futurs projets de cet O là.
Ohm part. 1 et Ohm part. 2 sont disponibles sous format vinyle et format mp3.
Les vinyles peuvent être commandés directement sur le shop de O ou chez les disquaires suivants : Ground Zero et La Fabrique Balades Sonores.
Les mp3 peuvent être téléchargés à partir de son site, sur le shop également.
Allez à sa rencontre à l’Olympic Café le Samedi 31 Janvier (plus d’infos sur cet événement).
Site Officiel – Facebook Officiel – O Ohmmusic sur Youtube – Bébi sur la Compilation Vol. 5 by La Souterraine