[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]uand, en 1992, sort le douzième album du groupe de Swindon, ce roboratif Nonsuch, les habitués du trio n’imaginent pas devoir attendre sept ans pour que sorte ce qui sera finalement son avant-dernier album, Apple Venus Volume 1. Ils auront pourtant le temps de connaître par cœur celui qu’ils ont entre les mains.
Après la résolution laborieuse de la question de l’identité du producteur (Gus Dudgeon a été choisi essentiellement par défaut), les sessions d’enregistrement se sont étalées de juillet à octobre 1991. Ce n’est pas la première fois que le nombre de morceaux (17 ici) correspond au format double-album, puisque le précédent, Oranges & Lemons, était déjà de cet acabit. Mais sur Nonsuch, on sent qu’Andy Partridge met beaucoup de son ambition. Toutes proportions gardées, cette œuvre doit être son double blanc, son Pet Sounds, son Odessey & Oracle à lui. Alors, avec Colin Moulding, qui compose et chante environ un quart des morceaux comme à l’habitude, il y met tout son savoir-faire et étale toute sa large palette, de la valse dépouillée piano-voix (Rook) aux tempi plus lourds et marqués (Crocodile, The Smartest Monkeys). Les titres s’enchaînent sans transition, sans doute par désir d’unir ce qui pourrait paraître disparate.
Si les singles n’ont pas tout à fait la fulgurance et la brillance de The Mayor Of Simpleton ou King For A Day sur l’album aux agrumes, l’ensemble, malgré ou grâce à sa diversité, vaut pour sa solidité du premier au dernier titre. Nonsuch (le « sans-pareil » en français) ne connaît presque aucune baisse de régime (That Wave plombe un peu le tableau).
La musique de XTC est une lutte constante entre ce qui la rattache au sol (les refrains carrés, des paroles qui sont souvent des fables assez grinçantes faisant écho, finalement, à une certaine misanthropie chez Partridge, quelques solos de guitare un peu gras comme sur Books Are Burning) et ce qui l’allège, l’élève (la grâce des arrangements, la transcendance mélodique, la voix flûtée de Moulding, ces chœurs que l’on sait inspirés par les Beach Boys et dont les mauvaises langues pourraient dire qu’ils se rapprochent de ceux que l’on trouve chez Laurent Voulzy, notamment sur Then She Appeared). Chacun verra midi à sa porte, mais l’agité Omnibus, qu’on aurait pu trouver sur English Settlement, et le très délicat Wrapped in Grey sont particulièrement délectables.
L’équilibre est donc parfaitement maîtrisé sur ce disque qui, s’il n’égale pas ses modèles, est extrêmement plaisant et réussi. De quoi attendre sereinement sept ans avant le prochain.