Juillet 2017. Festival d’Avignon.
Au carnaval de la débauche, la fête est triste
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ff6600″]C[/mks_dropcap]ette année, je fête mon tout premier festival en tant que chroniqueuse d’Addict-Culture. C’est donc avec un sentiment mêlé d’excitation, de grand honneur et de trac que j’ai assisté aujourd’hui à la représentation de Les Parisiens, écrit et mis en scène par Olivier Py, himself, pour le 71ème Festival d’Avignon.
Je l’avais choisi d’abord pour l’auteur et metteur en scène : Olivier Py. Auteur prolifique à la direction du festival depuis 4 ans, il s’illustre pour la deuxième fois dans l’adaptation de ses propres romans. Ses pièces sont engagées et savent mettre en retrait la parole théâtrale au profit d’un discours politique souvent acéré. Je tenais à fêter mon baptême de festival avec une création « locale ».
Le lieu est emblématique de la ville et du festival : la FabricA (avec un A majuscule pour Avignon), c’est cet endroit dont rêvait Jean Vilar, le créateur du festival, pour que les troupes puissent s’y installer et répéter leurs spectacles. Un espace de travail, lieu de résidence des comédiens offrant tout le confort et la technique (espace de stockage de matériel, jauge de 600 places, scène aux dimensions identiques à celle de la Cour d’Honneur du Palais des Papes – autre lieu mythique dont je parlerai une prochaine fois –).
Les banquettes de velours rouge sont toutes occupées. Le décor annonce le thème : de grandes façades d’immeubles haussmanniens s’élèvent sur un sol damier. L’histoire est celle d’un jeune et beau et brillant et arrogant et captivant auteur et metteur en scène, Aurélien, qui se lance à la conquête de Paris en écumant bordels et cocktails. Autour de son aura gravite toute une galerie de personnages plus soucieux de leur quête du pouvoir que de leur intérêt pour l’art.
La trame se joue autour de l’accession à la direction d’un opéra, place que se disputent deux anciens amants manipulés par Jacqueline, redoutable mégère en tailleur strict jaune moutarde qui mène son monde en privilégiant toujours ses propres intérêts. Aurélien va faire la connaissance de Lucas, poète sombre, dont la douleur de vivre vous transperce pendant 4h30.
Olivier Py nous livre un spectacle aux sentiments exacerbés dans un tourbillon sans fin de sexe (trash), de débauche, de douleur, de sarcasmes. On y retrouve les « symboles Py », fils rouges de ses œuvres : un lit (ici lieu de tous les états : amour, amitié, maladie, mort), une échelle (métaphore de l’ascension sociale dont seule une partie de ces « Parisiens » peuvent bénéficier), et ses grands thèmes de prédilection : Dieu, la mort, la liberté, le théâtre, le pouvoir … et le sexe !
Des scènes de sodomie à la prostitution de Lucas qui accepte la saillie avec un chien, des femmes militantes aux allures de Femen qui arborent des messages sur leurs seins, des strings, des « rasages de touffe », des « bites peintes en bleu », des godes-ceintures bleus blancs rouges pour « enculer » les dirigeants, et de nombreux « je t’aime » lancés ça et là, mais dont aucun ne semble sincère. Ce « carnaval » de décrépitude m’a fait l’effet d’une claque tout au long du spectacle.
On ne peut pas ne pas y déceler les tourments incessants d’un auteur assailli par la rédemption et , force est de le constater, quelque peu mégalo.
À la sortie, les sensations divergent : « brillant » pour les inconditionnels de Py, « il accorde une grande confiance aux comédiens dont chaque rôle est de même importance » , « ces comédiens, quelle prouesse ! », « une nouvelle preuve de narcissisme exacerbé ! »
Je glane ça et là quelques remarques « à chaud » et constate que je les partage.
Et je n’ai qu’une question : 4h30 pour décrire cette atmosphère de corruption, de malheur, de débauche était-ce vraiment indispensable ?