Février… La playlist 2014 de beaucoup d’entre nous débutait son périple à Seattle avec le très bon « Brothers and Sisters of the Eternal Son » de Damien Jurado, il semblerait que ce soit également de Seattle que nous viennent les échos de la dernière étape de l’année, avec le magnifique « Cartographer/Explorer » d’Ormonde.
Ormonde… Un exemple lumineux de ce que peut produire une parfaite synergie…
Synergie entre l’immense don vocal d’Anna-Lynne Williams et la totale maîtrise du producteur et multi instrumentiste Robert Gomez, Texan injustement méconnu, à moins qu’il ne soit volontairement discret.
D’ailleurs, on aimerait bien que le talent d’Anna-Lynne soit apprécié à sa juste valeur. Avec ce timbre de voix si intimiste et troublant qui déambule voluptueusement entre les registres vocaux d’une Hope Sandoval ou d’une Elisabeth Frazer,elle illumine littéralement de ses chants les divers albums auxquels elle a participé… il suffit pour s’en convaincre d’écouter des choses comme « Different Stars » et « Having » de Trespassers William, à moins que les productions plus intimistes ne vous tentent, auquel cas « China Mountain» ou « Until » de Lotte Kestner, son projet solo, devraient vous offrir beaucoup de joie. Les gens de Chemical Brothers ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en l’invitant à déposer sa voix sur un « Hold Tight London » pleinement réussi. Quant au talentueux Robert Gomez, il a travaillé avec et pour des gens comme Sarah Jaffe, Norah Jones, Phillip Glass…De solides références, somme toute…
La complémentarité de leurs compétences respectives nous avait déjà frappé avec l’album « Machine », sorti en 2012, mais ce merveilleux « Cartographer/Explorer » devrait cette fois, en admettant que le monde soit juste et bien fait, leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent.
Évidemment, on pourrait s’amuser à démonter l’album fragment par fragment, déboîter le puzzle pièce par pièce afin d’en décortiquer l’âme, mais cet ensemble harmonieux mêlant de subtiles alternances de Folk intello et d’une espèce de Trip-Hop introspectif aux cadences à la fois apaisantes et troublantes, méritait qu’on l’aborde dans sa globalité, qu’on l’affronte comme on affronte les délices d’un demi-sommeil, dans un état hypnagogique propre au spleen nocturne, là où l’ambiguïté spatio-temporelle se discerne en demi-teintes, en jouant les entre-jeux.
Il suffit donc de lâcher prise, de se laisser porter par ces mélodies qu’on dirait découpées avec soin dans du papier de soie, agréablement continues, sans hit potentiel, mais sans temps mort non plus, pour trouver cet album terriblement envoûtant.
Ensuite ? Tout se termine doucement, sans heurt, à l’image de ces aubes calmes où les angoisses et les désirs s’effilochent une fois revenus l’aurore et ses bruits de rue.
« Cartographer/Explorer » gagnerait à être rangé aux côtés des albums de The Earlies, ce groupe americano-britannique qui mêlait avec maestria la fluidité des élans Americana des uns avec les envolées nettement plus européennes des autres.
On termine donc cette année comme on l’avait entamée, impeccablement, en écoutant cet album regorgeant de fort jolies choses, titillant de soudaines envies de flâneries cérébrales, parfois bienveillantes, parfois absconses, de celles qu’on découvre vers trois heures du matin,au gré d’une quelconque insomnie, accoudé au balcon d’un appartement avec vue sur les Olympic Mountains, ou le Puget Sound, ou alors chez soi, plus prosaïquement.
Quoiqu’il en soit, on peut désormais vous souhaiter d’agréables nuits, et qu’elles soient sporadiquement placées sous le signe du demi sommeil ne devrait dorénavant plus vous effrayer, si vous possédez cet album du moins.
Résumons nous, ça s ‘appelle « Cartographer/Explorer » c’est fait par Ormonde, c’est sorti ce 3 novembre chez Gizeh Records, et je tiens là un de mes albums de l’année.